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Vous n'êtes rien qu'un Singe, un vieux Singe tout nu;
Tout ce qui vous reffemble eft Singe pour la vie,
Et toute votre Cour n'eft qu'une Singerie.

Dieux! dit le Roi,qu'entends-je ?... un Singe!... un Singe,moi!...
En face, dans fa Cour appeler Singe un Roi!
Apoftropher ainfi mon augufte perfonne!

Qu'en penfe mon Confeil? quant à moi j'en friffonne...
Opinez du bonnet... à la mort? n'est ce pas?...
Le Menteur l'interrompt : Qu'allez-vous faire, hélas !
Grand Roi, vous aimez la juftice,

Et vous avez raifon; mais malheur n'eft pas vice;
Mon Camarade est fou.- Lui fou! reprit le Roi,
Que ne le difoit-il... ah vraiment je le voi!...
Pauvre homme! dans la mer il faudra qu'on le plonge...
Le Roi Gille en demeure-là,

Et la Vérité s'en tira;

Mais ce fut bien grace au Menfonge.

ચૂં

FABLE XXVI.

L'ALCYON OU L'OISEAU PÊCHEUR.

LE Moineau fe dérobe au fracas de la Ville
Et va trouver dans fon asyle

L'Alcyon, ami des forêts.

La rencontre fe fit fous un ombrage épais,
Près d'un ruiffeau, fur l'herbe fraîche,
Où celui-ci prenoit le plaifir de la pêche.
D'abord accolade & faluts.

Les complimens faits & rendus,

Le Paffèreau fe mit à dire :

Plus je vous vois, Seigneur, & plus je vous admire;
Mais je ne puis vous définir:

Cet azur & cet or qui font votre parure,
Ces dons brillans de la Nature,

Les avez-vous reçus pour les enfevelir?

Ah! quittez ce tombeau champêtre;

Voyez le monde, il vaut la peine d'être vu.
Joignez au goût de le connaître

Le plaifir d'en être connu...
Admiré... c'eft la même chofe,

Si mon œil ébloui, Seigneur, ne m'en impose.

C'est, reprit l'Alcyon, me faire trop

d'honneur. Vous venez de la Ville, ou de la Cour peut-être, Je le foupçonne au moins à ce difcours flatteur. J'y croirois volontiers, fi j'en étois le maître; Mais j'entends fouvent nos Échos

(Seuls ennemis de mon repos )

Du mérite oublié, des vertus affligées
Me répéter les longs foupirs,

Et même quelquefois des Beautés négligées
Me raconter les déplaisirs.

Cela me met en défiance

Sur les brillans fuccès que vous me promettez,
Si j'allois feulement me montrer aux Cités.
Et puis je vais vous faire une autre confidence;
Je ne fais point d'autrui dépendre mon bonheur;
Je fais le trouver en moi-même.

Mon guide, c'est l'instinct; mon juge, c'est mon cœur ;
Sage ou non, voilà mon systême.

Vous auriez quelque peine à m'en désabuser;

Mais chacun a le fien. Allez dans une cage

Faire admirer votre ramage,

Si cela peut vous amuser;

Gazouillez tout le jour aux oreilles des Belles,
Ou becquettez les jolis doigts

Qui vous auront coupé les ailes,

Vous ferez des jaloux du moins, & je le crois.
Moi, j'aime le grand air, les ruiffeaux, la verdure;
Jefuis Pêcheur par goût, comme un autre eft Chaffeur;
Et dans le choix de fon bonheur

Vous favez bien qu'il faut confulter la Nature.

1

Un

FABLE XXVII.

LE CHEVAL ET L'Â NE.

DANS une même Hôtellerie,

pauvre Âne à côté d'un fuperbe Courfier
Logeoit dans la même écurie,

Sans manger toutefois au même ratelier.
Hélas! dit le Baudet, fi votre Seigneurie
Honoroit d'un regard fon humble ferviteur,
J'en attendrois quelque faveur.

Vous paroiffez avoir plus que le néceffaire,
Et votre fuperflu feroit bien mon affaire.
Eh! mon très-cher Ami, répondit le Cheval,
Il me paroît fort clair qu'on te traite assez mal...
A te rendre quelques fervices

De tout mon cœur je fuis porté.
Cependant, comme il faut foutenir dignité,
Je ne puis faire ici de certains facrifices;

Mais, mon Ami, confole-toi;

Quand je ferai dans ma demeure

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