Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Vive, alerte & légère, &, fur-tout, fans fouci :
Le poids d'une maison n'arrête point sa course;
Elle ne connoît rien qui trouble fes loisirs,
Que le foin de chanter jour & nuit fes plaifirs;
Et moi!... fouffrir en paix, c'est ma feule reffource!
La Cigale, à fon tour, en voyant l'Escargot
Cheminer à gros équipages,

Murmure en elle-même & fe plaint de fon lot,
Trouvant qu'un logis sûr a tous les avantages.
Qu'a-t-il donc fait aux Dieux pour être ainsi traité?
Ils ont tout mis de fon côté.

Dans leur courroux, fans doute, ils m'ont donné la vie. Tandis qu'ils m'ont livrée aux injures du tems, Tandis que j'erre au gré des vents,

Il brave, fans péril, la froidure & la pluie.

Le jour & la nuit au bel air,

En plein champ, fans abri, fans rien qui me défende,
Malheureuse! à quel fort faut-il que je m'attende?
Et que fera-ce dans l'hiver?

Lorsque la neige un jour couvrira les campagnes,
Et mettra les vallons au niveau des montagnes,
Celui-ci, dans fon toît, coulera d'heureux jours!...
Et moi!... dans la nature errante & fans fecours,

Trifte jouet de la tempête,

Je n'aurai point d'afyle où repofer ma tête!

Comme elle en étoit-là, le chant du Moiffonneur La tira de fa rêverie.

La Cigale, en fautant, reprend fon train de vie,
Ses chanfons & fa belle humeur;

Tandis que l'Escargot, distrait à sa manière,
Achève lentement sa pénible carrière.

[merged small][ocr errors][merged small]

FABLE VIII.

LA PIE.

MON VOISIN, VOUS Voyez quelquefois l'Hirondelle,

Difoit la Pie à l'Étourneau:

Avez-vous fu notre querelle?

Oh! c'eft qu'elle eft plaifante : Hier, fous cet ormeau,
La folle, fans détour, me traita de voleuse,
En présence du Geai, qui resta comme un fot.
La petite étoit furieufe;

Et, pour la courroucer, je n'avois dit qu'un mot.
Je la vois toute la journée

Dans la maifon voifine, & par la cheminée,
Entrer, puis reffortir en tenant à fon bec,
Vous dire quoi, c'est un mystère,

Et ce n'eft pas-là mon affaire;

Mais, comme vous voyez, le paffage est suspect.
C'est ce que j'effayois à lui faire comprendre.
Et, là-deffus, voilà le jeu

Qui fe tourne en querelle, & mon Oifon prend feu...

Eh bien! c'est moi qui fuis la bavarde, à l'entendre..... Bavarde! moi? qu'en pensez-vous?

Tandis que je fais, entre-nous...

Si je voulois parler... on connoît fon histoire...
Ne vous a-t-on pas dit qu'elle étoit affez bien
Avec ce Moineau-franc... gros bec & gorge noire...
Qui franchement d'ailleurs eft le plus franc vaurien....
Qu'importe, elle en raffolle, & moi, j'en fuis ravie:
Je lui pardonne encor de faire la jolie,
Avec fon teint de Taupe & fes ergots pointus;
C'est tout au plus une folie;

Qu'elle ait même les doigts crochus,

Si c'eft auffi fa fantaisie;

Tout fe paffe, Dieu fait! & chacun fait sa main
Comme il fait faire en cette vie,

Le Merle fous la treille... & d'autres dans la fuie...
J'y confens; mais pourquoi parler, parler sans fin,
Et pourquoi parler du prochain?

Fort bien, dit l'Étourneau... pourquoi faire la Pie?

FABLE IX.

L'OURS ET LE LIÈVRE

UN LIÈVRE alloit, tête baiffée,

Donner tout justement dans les pattes d'un Ours: Il le vit, mais trop tard; c'étoit fait de ses jours, Sans un expédient qui vint à fa pensée.

Place, dit-il, place au Lion,

Place au Courier du Roi mon Maître;

Il eft à quatre pas, il vole, il va paraître.
A ce mot l'Ours détale, & notre Poftillon
S'arrête court.... & fe repose:

Oh! oh! dit-il, le Roi Lion
Jamais à rien ne me fut bon;

Mais fon nom fert à quelque chofe.

« AnteriorContinuar »