FABLE XXXI. L'AIGLE ET LE CORBEAU. L'OISEAU qui porte le tonnerre Rencontra cet Oifeau, dont le vol aux Humains Que vous faifiez au ciel le calme & la tempête? Où l'on vous engraiffoit pour vous rendre propices: Vous favouriez en paix le fang pur des Géniffes... Ne font plus aujourd'hui que des Oiseaux sinistres, Des impofteurs groffiers, avides & cruels... L'Homme étoit fimple encor quand il a pu nous croire... Enlevoit la Brebis chérie, De l'imbécille Pâtre il fe vit adoré!... N'attendez pas que je vous flatte; L'entreprise aujourd'hui feroit plus délicate... Sire, tout change, hélas! l'Homme n'eft plus enfant; L'Homme connoît fes droits... & même il les défend. Rien n'eft facré pour lui dès qu'il fent qu'on l'opprime; L'Homme n'eft plus enfin ni dupe... ni victime; Et quand il eft vexé par un Tyran de l'air, Croit pouvoir le punir, fans bleffer Jupiter.... A ces mots le Corbeau qu'avoit trahi fa rage, Se plonge dans la nuit d'une forêt fauvage, FABLE XXXII. LE ROSSIGNOL ET LE PIVOINE. L'HONNEUR des bois qui l'ont vu naître, Les différens Pays & les Oifeaux divers Par la gloire du chant fameux dans l'Univers. Il partit: les ruiffeaux fembloient pleurer fa perte; Les Plaisirs avec lui s'en étoient envolés; Si l'honneur fut jamais dans l'éclat des habits, Il quitta fans regret la paix de fon asyle, Il vouloit voir pour être vu. être connu; Et vraiment, pour tout dire, il méritoit de l'être: Le rouge de fa gorge avoit l'éclat du feu; Sa tête étoit charmante, on en faifoit l'aveu, (Il est vrai, disoit-on, qu'il en avoit fort peu.) Mais le jais, aussi noir, eft moins luisant peut-être. Le fond de fa parure étoit un gris cendré Le plus galant du monde, & tout confidéré C'étoit affurément un joli Petit-Maître ; Et j'ai vu quelque part, devant force témoins, Ils laiffent derrière eux & les monts & les mers: On s'arrête, on s'abat fur le premier rameau. Les Oiseaux ne font pas fi fages que nous fommes, Ce fut à qui fauroit lui marquer plus d'égards, 1 |