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roient attachées néceflairement à un autre cfpace qui feroit au-dedans d'elles & qui les pénétreroit. Je croi que cette propofition peut bien paffer pour un axiome, & je ne pense pas que ces Philofophes ayent envie de la contelter, puifque fi cela étoit, cet efpace ne feroit plus le premier efpace, mais en fuppoferoit un autre qui le pénétreroit intimement & auquel il feroit attaché.

69. La derniére maniére de concevoir un espace immobile n'a pas plus de licu que les deux autres, c'eft-à-dire que chaque partie de l'efpace ne peut être appellée immobile précisément, à caufe que chacune ne peut fe quitter foi-même, & cette propofition peut, auffi bien que la précédente, être mife au rang des axiomes, autrement rien ne feroit mobile, tout feroit abfolument immobile, puifque rien ne peut fe quitter foi-même. Les parties de l'étenduc ne font mobiles que parcequ'elles font capables de quitter d'autres parties d'éten duc. Par exemple, mon corps cft en mou. vement quand il quitte un jardin, une maifon ou d'autres corps auprès defquels il étoit & dont il s'éloigne, quoiqu'il ne fe quitte jamais foi-même.

70. D'où il s'enfuit qu'il n'y a aucune maniére dont nous puiffions concevoir une étendue immobile. Je fai bien que toute l'étendue du monde ne peut fe remuer toute entiére & paffer toute entiére d'un lícu dans un autre, car il faudroit fuppofer une autre étendue qu'elle qui l'environnât, un lieu qu'elle quitteroit & un autre dans

lequel elle iroit, & elle ne feroit pas toute l'étendue du monde; mais il n'y a point de partie dans cette étendue qui ne foit capable de mouvement.

71. De tout ce qui a été dit ci-dessus, il cft aifé de conclure quelle eft l'effence du corps, ou il faut dire que nous ne la connoiffons point: car de la notion que nous avons donné (b) ci-deffus, nous pouvons conclure. 1. (c) Que l'eflence du corps confidérée précisément en elle-même, diftinguéc de tous fes modes & de toutes fes propriétez, doit être quelque chofe de subfiftant en foi-même, c'elt-à-dire ne doitêtre ni mode, ni formalité, ni raport d'un autre être que foi-même. 2°. Que tous ce qui étant confidéré précisément en foimême n'eft pas conçû comme substance, mais feulement comme réellement uni, & pour parler avec l'Ecole, identifié quant au ford avec une fubftance, n'est point: auffi l'effence du corps:

72. Il s'enfuit que la pluralité des parties qui fubfiftent chacune en foi-même, n'eft point l'effence du corps: car quoique la pluralité des parties, qui font fubftances, foit réellement & dans le fond une même chofe avec ces fubftances, cette pluralité confidérée précisément en elle-même n'eft pas fubitance, & cela eft fi vrai qu'elle convient aux modes: or la chofe précise qui eft fubftance ne peut convenir aux modes. 73. Ces parties qui font fubftances & qui font plufieurs, avec lesquelles cette pluralité eft réellement unie, font bien l'ef fence du corps, mais elles n'en font que

BY

(6) N. 17.

(c) N. 3.

l'effence inconnue : car être partic, ou la qualité de partie, qui eft une des chofes que nous connoiffons dans ces parties, n'est pas la chofe qui fubfilte en foi-même; la propriété de fubfifter en foi-même & de n'être point façon d'un autre que foi, n'est pas non plus la chofe même qui fubfifte en foi-même, elle eft feulement unie & réellement identitée avec cette chofe; c'eft de cette chofe qui fubfifte en foimême, qui eft partie, qui a la pluralité, qui a cette propriété de subsister en soimême, qu'il s'agit de favoir comment elle cft faite ou quelle eft fon effence.

74. Il s'enfuit auffi que la qualité de principe ou de racine de l'étendue n'eft pas l'effence du corps, & que ce feroit plûtôt la chofe qui a cette qualité, fuppofé que l'étendue elle-même ne foit pas l'effence du corps; mais cette chofe, qui est racine de l'étendue, nous eft inconnue : nous pouvons croire qu'elle eft racine, mais nous ne favons point comment elle eft faite. Toutes les racines ne font pas faites les unes comme les autres, la racine de l'é tenduc ne doit pas être faite comme la racine de la penfée, fuppofé que la pensée & l'étendue ayent des racines; ainfi fuppofé que l'effence du corps fût une racine d'étendue, cette effence nous feroit inconnue, (d) N. 56. mais de plus il eft aifé de voir (d) que cette racine de l'étendue eft purement imagi

& 5.7.

(e) N. 17.

& 71.

naire.

75. Puifque l'effence du corps doit être une chofe fubfiftante en foi-même (e) & fujet de toutes les formes qui com of ent

(f) N. 31.

(g) N. 56.

ec monde vifible; puifque toutes ces formes renferment l'étendue, (f) & font comme fubfiftantes dans l'étendue, puifque & 32. l'étendue elle-même ne subsiste en aucun autre fujet que foi, (g) qu'il n'y a point deux fortes d'étendues différentes dans leur & 57. effence; (b) que toute étendue eft égale-\_(b) N. 58. ment divisible & mobile, également compoféc de partics : nous pouvons dire qu'elle a tous les caractéres que nous pouvons fouhaiter pour l'effence du corps; par conféquent aucun argument tiré du reffort de la lumiére naturelle ne nous empêche de la reconnoître pour l'effence du corps; & nous pouvons dire que fi elle ne l'eft pas, il n'y a que la foi qui puiffe nous le perfuader, ce qui regarde la Théologic & n'est pas du reffort d'un Philofophe.

76. On dira peut-être que de même que nous aurions tort (i) de conclure qu'il n'y a point d'être capable d'exclure l'existence de l'étendue, de ce que nous ne connoiffons par une idée intuitive aucun être qui en foit capable, & que nous ne pouvons pas dire que l'étendue foit un être néceffaire, éternel & infini en conféquence de ce que nous ne pouvons concevoir qu'elle n'exifte point: nous aurions tort auffi de conclure qu'elle n'a point de fujet, de ce que nous ne concevons aucun fujet capable de la recevoir.

(i) N. 5.

77. Mais la réponse eft aifée, car nous pouvons bien concevoir un effet par une idée intuitive, (k) fans concevoir par une (k) Voyez le idée intuitive la caufe efficiente qui eft n. 20. capable de le produire ou de l'exclure

(1) N. 21.

comme on peut le voir par ce qui a été dir ci-deflus (1) au fujet du mouvement du fer

vers l'aimant ; mais nous avons démontré (m) N. 57. (m)qu'il est impossible d'avoir l'idée intuitive d'un mode ou d'une manière d'être, fans avoir en même tems l'idée intuitive de fon fujet, de forte que la foi feule peut nous faire fufpendre notre jugement là-deffus, & qu'abandonnez aux feules lumiéres de notre raison nous ne pourrions pas balan❤ ccr un feul moment.

(4) Depuis

le n. 1286. jufqu'au 2300.

CHAPITRE SECOND..

De la divifibilité du Corps.

78. divifé. Il faut remarquer que l'on
A divifibilité eft le pouvoir d'être
LA
peut penfer une chofe indivifible par deux
raifons; la premiére eft, parceque fon
effence & fa nature n'ayant point de par--
ties, eft abfolument oppofée à la divifion,.
& ne peut en fouffrir aucune; la feconde,
parceque quoique la chofe foit de fon côté
capable d'être divifée, il ne fe trouve au--
cune puiffance capable de la divifer.

79. Comme nous reconnoiffons une toute puiflance capable de faire toutes les chofes qui font faifables de leur part, nous ne reconnoîtrons rien qui foit abfolument indivifible par la feconde raifon; mais nous pourrons dans la fuite (a) reconnoître des êtres qui feront indivifibles aux forces de la nature corporelle, quoique divifibles de leur côté, & ceft ce que nous nommerons

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