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jet de cette même figure, on le conçoit hors d'elle, on ne la conçoit point comme façon de cet espace qui l'environne.

103. Spinofa ajoûte qu'il eft fi vrai que chaque partie de l'efpace n'eft qu'un mode ou une fimple manière d'être, & que toutes fes parties ne font point réellement diftinguées les unes des autres; qu'il est impoffible d'en détruire une fans que toutes les autres foient changées, ou changent de manière d'être, & foient autrement qu'elles n'étoient auparavant. D'où il conclut qu'elles dépendent toutes les unes des autres, ce qui eft, dit-il, contre la nature de la fubftance.

104. On lui répondra qu'il eft bien vrai qu'aucune façon ne peut périr, fans que fon fujet change de façon; c'eft à dire, fans qu'il foit d'une autre façon qu'il n étoit auparavant. Par exemple, fi la rondeur d'une cire vient à périr, il faut que cette cire foit d'une autre figure que la ronde; mais il ne s'enfuit pas que tout être qui par fa deftruction emporte un changement de façon dans un autre être qui reste après lui, foit une façon de cet autre être qui relle. Quoique la deftruction de tout lefpace qui eft entre le Ciel & la Terre dût apporter un grand changement dans le Ciel & la Terre, comme on l'expliquera dans un autre Ouvrage, ce n'eft pas une preuve que l'efpace qui cft entre le Ciel & la Terre foit la façon même du Ciel & de la Terre; cela montre feulement qu il contribue, en qualité de cause efficiente, à don ner une certaine façon à ces corps qui l'en

vironnent; de même qu'un vafe dans lequel de la cire fondue vient à fe durcir n'eft pas la figure qui fubfifte dans cette cire, il en a feulement en dedans une femblable à celle que cette cire acquiert, encore differentelles en ce que celle du vase eft concave & celle de la cire est convexe, mais ce vafe contribue seulement comme cause efficiente à donner à la cire la figure qu'elle acquiert. 105. Et quand Spinofa viendra nous dire qu'il eft contre la nature d'une fubftance de dépendre d'un autre, on lui répondra qu'une fubftance ne doit point dépendre d'un autre comme de son sujet ; mais il n'a prouvé nulle part qu'elle ne doit point dépendre d'un autre comme de fa caufe efficiente. On a toujours fait différence entre fubftance & caufe efficiente, & entre mode & effet. Spinofa les confond mal à propos, les idées en font très différentes; & quoique l'on foit très libre de fe fervir de tel mot que l'on juge à propos pour exprimer fes idées, il eft cependant contre la droiture d'efprit de renfermer fous un même mot des idées toutes différentes, pour abuser enfuite de l'équivoque de ce mot, & jetter dans l'erreur par de fauffes démonftrations.

106. Il eft donc certain, malgré toutes les fubtilitez de Spinofa, que fi l'étendue eft une fubftance, comme j'ai prouvé ci(5) N. 56 & deffus, (s) qu'elle l'eft; & comme Spinofa ne peut en difconvenir, (t) elle ne peut être indivifible par la fimplicité de la fubftance, ainfi qu'il a été démontré (z).

57.

(1) N. 97.

() N. 92.

(x) N. 90.

107. Examinons préfentement le fentiment des Gaffendiftes dont il a été parlé, (x)

qui

qui difent qu'il y a de petites étendues indivifibles, non que l'on ne puiffè défigner de petites parties dans ces étendues, mais parcequ'elles fubfiftent dans une fubftance fimple diftinguée de l'étendue, laquelle étant indivisible à cause de sa fimplicité, fait que l'étendue qui eft fon mode, qui fubfifte en elle & qui ne peut être hors d'elle, ne peut non plus être diviféc. Ce fentiment eft déja affez réfuté par la démonftration que j'ai apportée (y) qui prou(y) N. 56, ve que l'étendue eft une fubftance; mais & 57. il faut encore l'examiner de plus près.

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108. Pour y procéder avec ordre, faifons d'abord attention à certaines véritez que ces Philofophes nous accordent & qu'ils ne peuvent nous refufer, parcequ'elles font trop évidemment renfermées dans la nature des chofes. Confidérons une de ces fubftances fimples, & qui au fentiment de ces Philofophes font néanmoins étendues, c'eft-à-dire, longues, larges & épaifles, dans lesquelles l'étendue fubfifte comme un mode dans fon fujet. Quoique cette fubftance foit fimple, cela n'empêche pas que l'efprit ne puifle défigner dans fon étendue deux moitiez, quatre quarts, huit demiquarts, & ainfi de fuite à l'infini. Prefque tous les Gaffendiftes en conviennent, & quand ils ne voudroient pas en convenir, ils feroient fuffifamment réfutez par ce qui a été dit ci-deffus (z).

109. Ces moiticz, ces quarts de l'étendue de cette substance fimple, ne fe trouvent point précisément les uns dans les autres en même place. Quoique l'on dife en

C

(z) Depuis le n. 8o, jufqu'au 86.

un fens qu'ils n'occupent qu'une place totale & entiére, cependant dans ce lieu entier il y a quatre places, une pour chaque quart, dans la place de chaque quart il Y à deux places, une pour chaque demi quart, & ainfi à l'infini. Les Gaffendiftes en conviendront encore par les mêmes raisons : car où l'on admettra un efpace diftingué de l'étendue de ces fubliances, que ces fubftances pénétrent & dans lequel elles fo meuvent, ou l'on prétendra que leur éten due, qui fubfifte en elles, eft le feul cfpace & le feul lieu qu'elles occupent ; fi l'étendue de ces fubftances cft leur efpace & qu'il n'y en ait point d'autre, chaque quart de l'étendue d'une fubitance a fa place di ftinguée de la place de l'autre quart, finon réellement, quant au fond & à la fubftance; (parceque les Gaflendiftes veulent que ces quarts fubfiftent en une même fubftance) du moins quant au lieu & à l'espa ce, puifqu'un quart n'eft pas l'autre quart (4) Parfup- & que chaque quart eft fon lieu; (a) que fi on veut reconnoître un efpace différent de l'étendue de ces fubftances fimples, dans lequel elles fe meuvent en le pénétrant en tout fens, comme les Gaflendiftes veulent l'admettre, il faudra encore convenir que chaque quart de l'étendue de notre fubftance fimple occupe fa place dans cet ef pace, autrement les quatre quarts de l'étendue de cette fubítance ne feroient pas une plus grande étendue qu'un feul, & il feroit inutile de défigner par l'efprit des moticz & des quarts dans l'étendue de chaque fubilance fimple,

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110. Ces deux moitiez, ces quatre quarts, ees huit demi-quarts d'étendue, font chacun en particulier & tous ensemble dans cette fubftance fimple toute entiére, puifqu'elle n'a point de partics pour être par l'une le fujet d'une moitié, & par l'autre le fujet d'une autre moitié. Elle est toute entiére fujet de chaque moitié, & toute entiére fujet de chaque quart: elle exifte toute entiére fous chaque moitié, toute entiére fous chaque quart; elle est toute entiére en une place fous la moitié, ou sujet de la moitié de fon étendue qui occu

pe
cette place, & toute entiére en une au-
tre place fous l'autre moitié, ou fujet de
l'autre moitié de fon étendue qui occupe
cette autre place; il faut dire le méme
des quarts & demi-quarts de fon étendue,
ainfi cette fubftance fimple fe trouve toure
entiére en deux endroits, en quatrè, en
huit, en mille, en cent mille, en une in-
finité d'endroits de plus petits en plus pe-
tits à l'infini. Tout cela eft contenu dans
l'idée de la fuppofition, au cas que nous
en ayons une idée, car il eft impoffible
de concevoir une fubftance fimple & éten-
duc (b).

III. Mais fi l'on fuppofe une fois qu'une même chofe fe trouve en plufieurs endroits tout à la fois, on ne conçoit plus que la proximité ou l'éloignement de ces lieux faffent rien à l'unité ou à la pluralité de cette chofe. On aura peine, à la verité, à fe perfuader qu'une même chofe puiffe fe trouver toute entiére en plufieurs lieux. tout à la fois; on ne le concevra peut-être

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