gra nobles, elevées & il deffinoit correctement, heureux s'il eût Jules Romain avoit toute l'érudition dont peut être сараble un homme de fon art. L'hiftoire, la fable, l'allégorie, l'architecture, & la perfpective toujours préfentes à la mémoire étoient placées judicieufement, il donnoit de l'efprit à fes figures, fon génie fécond étoit propre à toutes fortes de fujets bizarres, aux événemens terribles, & les figures coloffales lui convenoient mieux qu'à un autre. Il joignoit à tout cela une connoiffance parfaite de l'antique & des médailles. Pendant la vie de Raphaël, le mérite du difciple fut toujours enfeveli dans les grands ouvrages du maître: exécuteur de fes idées, toute fon application ne tendoit qu'à les rendre élégamment. Bien différent quand il eut perdu Raphaël, il parut tel qu'il étoit, c'est-à-dire un homme abandonné à luimême, ne fuivant que la fougue de fon génie, peignant tout de pratique fans confulter les verités de la nature : fes chairs tiroient fur le rouge de brique, il mêloit trop de noir dans fes teintes, ce qui a gâté & obfcurci fes meilleurs ouvrages & fa maniére de deffiner dure & févére ne paroiffoit point variée dans les airs de têtes ni dans les draperies. Raphaël qui l'aimoit préférablement à tous ses autres éléves, le fit fon héritier, conjointement avec le Fattore; il le chargea de terminer les ouvrages qu'il avoit commencés, entr'autres la falle de Conftantin. Jules s'en acquitta dignement, fe faifant aider par le Fattore & Raphaël dal Colle: Après la mort de Leon X. voyant que les arts n'étoient plus en crédit fous Adrien VI. fon fucceffeur, il prit le parti d'abandonner la ville de Rome, de même que tous les autres éléves de Raphaël. Ce Pape vécut peu de temps, & le Cardinal Jules de Medicis qui lui fuccéda fous le nom de Clément VII. fit revivre leurs efpérances. Jules travailla à l'histoire de Conftantin fur les deffeins de fon maître, les ajustemens, les ornemens peints en bronze font de lui. Dans le tableau où Conftantin donne au Pape la ville de Rome, il fe peignit lui-même, ainfi que le Comte Caftiglione, le Pontano, & autres fçavans de fes amis. JULES ROMAIN. Lorfque les ouvrages du Vatican furent achevés, Jules fe JULES retira dans une maifon qu'il avoit fait bâtir, il peignit des ROMAIN. tableaux pour différentes villes & fut l'architecte de plufieurs palais. Le Comte Caftiglione l'invita d'aller à Mantouë, attiré par les promeffes du Duc il fe rendit en cette ville; on le reçut avec diftinction, on lui donna un beau logement, une penfion, une table pour lui & pour fes domeftiques, le Prince lui envoya même fon plus beau cheval, avec lequel il se rendit au palais du T, qui eft aux portes de Mantouë. (4) Marc Antoine Raymondi. Ce voyage lui épargna la punition qu'auroient pû lui attirer les vingt eftampes obfcenes qu'a gravé Marc Antoine, connues fous le nom des figures de l'Aretin; tout l'orage tomba fur le (a) graveur qui étoit à Rome. Le bâtiment du T n'étoit rien dans fon commencement, Jules le rendit recommandable par l'architecture & par les peintures dont il l'orna. Quoiqu'il n'y eût en ce lieu que des briques pour bâtir, il en forma des colonnes, des chapitaux, des corniches, & autres ornemens qui charmérent le Duc de Mantouë. Rinaldo Mantuano, & Benedetto Pagni fes difciples peigni rent à frefque dans une falle les chevaux & les chiens du Prince, que Jules avoit deffinés d'après nature. On voit dans un falon à quatre angles, le mariage de l'amour & de Pfyché peint avec tant d'adreffe, que les figures qui n'ont que la longueur du bras, paroiffent vûes en deffous avoir trois fois autant de hauteur. Les avantures de Pfyché y font représentées dans les angles, avec des amours voltigeans de tous cô tés. Le foleil y paroît dans fon char avec zéphyre qui souffle d'agréables vents, Silene eft peint fur la cheminée, foutenu par deux fatyres portés par une chevre que deux enfans tétent. A l'exemple de Raphaël, Jules Romain faifoit fur ses def feins ébaucher & terminer ces morceaux par fes difciples, & il repaffoit par tout. Dans le plafond du vestibule on trouve l'histoire d'Icare avec les douze mois de l'année, indiqués par les divers travaux qui leur conviennent. L'ouvrage le plus confidérable de ce palais eft un falon où les géans paroiffent foudroyés par Jupiter, tous les Dieux font en mouvement, les vents peints dans les quatre coins foufflent de tous côtés, les Graces y paroiffent étonnées, les géans écrasés fous les rochers, Briaré feul dans une caverne eft enseveli fous une montagne, la cheminée fur laquelle eft peint Pluton dans fon char fuivi des Furies, quand on y fait du feu, fait paroître toutes ces figures dans le royaume de ce Dieu. Les fenêtres, la voûte en tour creufe, les portes & la cheminée font ruftiquées par de groffes pierres qui femblent tomber, le plancher même eft pavé de petits cailloux ronds dont la continuation eft peinte au bas des murs à la hauteur d'un pied pour furprendre davantage, & leur poliment fait réfléchir les peintures ce qui fait paroître ce lieu plus grand, Enfin tout fe reffent du génie d'un fi rare homme. Jules peignit à Mantouë dans le palais du Duc la guerre de Troie; il donna encore des preuves de fon habileté dans les maifons de plaifance du Prince, & dans les embellissemens de Mantoue dont les ruës élevées par fes foins furent un rempart contre les inondations du Pô. Le Duc le nomma Surintendant de fes bâtimens, & le protégea contre les bourgeois qui murmuroient de ce qu'on abattoit leurs maisons. Les libéralités du Prince augmentérent beaucoup la fortune de Jules; il fit bâtir une maifon pour fa famille où il avoit formé un cabinet d'antiques & de curiofités; on y voyoit le portrait d'Alberdurer, qu'il avoit hérité de Raphaël, tous les deffeins des bâtimens antiques, & les modernes qu'il avoit compofés. Jules Romain devint un grand architecte on voit de lui aux portes de Rome la Vigne Madame qu'il a ornée de peintures, ainsi qu'un petit palais fur le Mont Janicule. Dans ce temps-là François I. le voulut avoir pour fon Château de Fontainebleau, Jules qui ne pouvoit quitter les ouvrages commencés à Mantouë, fit agréer le Primatice à fa place. Au paffage de Charles V. en cette ville, il fit tous les arcs de triomphe, & d'admirables décorations de théâtre. Après la mort du Duc, Jules voulut quitter Mantouë pour retourner à Rome, le Cardinal Gonzague régent, le retint auprès de lui; le befoin qu'il en avoit pour reftaurer la grande Eglife, fon efprit agréable & enjoué en furent-les principaux motifs. Il lui fit faire les cartons pour la Chapelle du palais où il a représenté faint Pierre & faint André, qui de pêcheurs deviennent apôtres. Ces morceaux ont été peints par Fermo Guifoni un de fes éléves. On le manda à Bologne pour la façade de l'Eglife de fainte Petrone, fon deffein fut préféré à quantité d'autres & très-bien récompenfé. JULES ROMAIN. JULES ROMAIN. San-Gallo architecte de faint Pierre, étant venu à mourir, Jules fut nommé pour remplir fa place, & on lui fit des of fres très confidérables. Le Cardinal Gonzague, la femme de Jules, & fes enfans l'empêchérent pendant long-temps de l'accepter. Il étoit déterminé à aller occuper un pofte fi avantageux, lorsque fa fanté qui s'affoibliffoít de jour en jour, y apporta le plus grand des obftacles. La mort le furprit à Mantoue en 1546 à l'âge de cinquante-quatre ans ; on l'enterra dans l'Eglife de faint Barnabé avec une belle épitaphe, Il laifla une fille & un fils qu'il avoit nommé Raphaël, en mémoire de fon maître; il fe feroit diftingué dans la peinture, s'il ne fût pas mort à la fleur de son âge. Ses principaux disciples ont été Tomafo Parerello de Cortone, Raphaël dal Colle, le Primatice, Benedetto Pagni, Jean da Lione, Jean-Baptiste & Rinaldo de Mantouë, Bartolomee di Caftiglioni, Figurino da Faenza & Fermo Guifoni, Les deffeins de Jules Romain, font très fpirituels & très corrects, ils font ordinairement lavés au biftre, quelquefois rehauffés de blanc, le trait très fier & très délié est toujours à la plume qu'il manioit au mieux, fes hachures font de droit à gauche & croifées irréguliérement dans les ombres. La fierté de fes têtes, la féchereffe de fes contours, la médiocrité de fes draperies, fon peu de grace le dénotent suffisamment, Sans parler des ouvrages de Raphaël que Jules a terminé après la mort, conjointement avec les autres éléves de ce maître, fans décrire de nouveau ces belles peintures du pa lais du T dont on vient de parler, il a peine à la Trinité du Mont un Chrift reffufcité qui apparoît à la Madeleine. A fainte Praxede un Chrift attaché à la colonne. Dans l'Eglife de faint André della valle les époufailles de fainte Catherine à la Chapelle de faint Sébastien. Dans l'Eglife de l'Anima on voit l'image de la Vierge, fainte Anne & faint Joseph, faint Jacques, faint Jean à genoux, & faint Marc avec fon lion ailé fous fes pieds. A la Vigne Madame à Rome un grand Poliphéme entouré de fatyres & d'enfans fautans autour de lui. Sur le Mont Janicule dans le palais Turrini, l'histoire de Numa Pompilius, quelques traits de l'histoire de Venus, d'Apollon & de l'Amour. A Genes au Mont Olivet, le martyre de faint Etienne d'une expreffion admirable, Au Au palais Scotti à Plaisance Mars & Venus. JULES A Perouse chez les Religieufes de Monteluce, l'affomption ROMAIN. de la Vierge au maître Autel. Dôme en Italie la d'une ville. principale Eglife On voit au (a) Dôme de Mantouč le Seigneur qui appelle (a) on appelle à l'apoftolat faint Jacques & faint Pierre fortans de la barque. A faint André de la même Ville, une Vierge tenant le Jefus avec fainte Catherine, fainte Ahne, faint Augustin, & faint Ambroise, demi-figures; la vocation de faint Jean & de faint Jacques, tous deux grands comme nature. Dans le palais du Duc de Mantouë, le fiége de Troie. Dans la galerie du Duc de Modene une Vierge moyenne figure avec le Jefus, une autre Vierge très-belle où il a peint un chat, appellée la Madona della gatta; & plufieurs guerriers qui paffent un pont. A Saffuolo plufieurs morceaux fur les murs, & cinq tableaux faits pour des oratoires. Dans la galerie de l'Archevêché de Milan la décolation de faint Jean-Baptifte. Dans la galerie Ambrofianne la guerre de Constantín contre Maxence. Le Roy pofféde l'adoration des bergers, le triomphe de Titus & de Vefpafien, la Circoncifion de N. S. le portrait de Jules Romain, Vulcain & Vénus, trois hommes à cheval vétus à la Romaine, une figure de grifaille, deux boucliers peints en camayeu, l'un représente l'enlèvement d'Hélene l'autre un combat naval, M. le Duc d'Orléans eft fort riche en tableaux de ce maître, la nourriture d'Hercule, l'enfance de Jupiter, la naiffance de Bacchus, le bain de Vénus, fix frifes peintes fur bois, sçavoir l'enlèvement des Sabines, la paix entre les Romains & les Sabins, Coriolan, le fiége de Carthagène, la continence de Scipion, récompenfes militaires données par Scipion, un Empereur à cheval, cinq cartons peints en détrempe fur du pier pour des tapifferies, figures plus grandes que nature, fçavoir Jupiter & Danaé, Jupiter & Semele, Jupiter & Alcmene, Jupiter & Io, Jupiter & Junon. pa L'œuvre de ce maître eft d'environ 250 piéces gravées par Jules Bonafone, Diana mantuana, Bertelli, Baptifte Franc Georges Pentz, Georges Mantuan, Beatricius, Hollar & plufieurs autres; on trouve 16 morceaux de Jules Romain dans le recueil de Crozat. 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