FREDERIC ZUCCHERO. REDERIC Zucchero frere & difciple de Taddée vint au monde dans le même lieu en 1543. FREDERIC De légers principes que lui donna fon pere déZUCCHERO. couvrirent fon heureuse difpofition pour la peinture, fes talens fe développérent & on l'envoya à Rome pour se perfectionner. Quelque étude qu'il ait faite dans l'école de Taddée, il n'a jamais pu parvenir à fe rendre auffi habile que fon frere dont il fouffroit trop impatiemment les remontrances ; il étoit plus facile que lui, mais plus maniéré. Ils avoient coutume de travailler de concert dans plufieurs ouvrages, fouvent même Taddée lui abandonnoit des façades de maison, ou quelque Chapelle, que Frédéric peignoit FREDERIC feul. Un jour qu'il étoit occupé à finir le frefque d'une façade ZUCCHERO. à Rome, où il avoit représenté la converfion de faint Euftache, fon baptême & fon martyre, fon frere voulut retoucher quelqu'endroit qui ne lui auroit pas fait d'honneur ; il prit fur le champ un marteau & jetta à bas ce que Taddée avoit peint. Cet emportement les broüilla pendant quelque temps; mais ils fe réconciliérent ensuite. Frédéric travailloit chez le Pape avec le jeune Baroche & d'autres bons peintres. Il y peignit une belle frise ou se voit l'histoire de Moyfe & de Pharaon; celle du Centenier, les noces de Cana, & la transfiguration font dans le Cazin de Belvedere: ces morceaux bien entendus & bien exécutés lui firent remporter la victoire fur les autres peintres. Sa réputation s'accrut tout d'un coup, Taddée n'en fut point jaloux, il l'occupoit fans ceffe dans fes ouvrages du Vatican du palais Farnéfe & du Château de Caprarolle. Il le menoit même avec lui dans fes voyages, & ils deffinoient ensemble les pensées des bons tableaux qui fe préfentoient à eux. Ces deffeins touchés d'une grande maniére font aujourd'hui fort recherchés des curieux. Frédéric étant tombé malade revint à Rome avec fon frere, il finit après fon rétablissement plufieurs ouvrages commencés : ce fut dans ce temps-là que le grand Duc le fit venirà Florence pour achever la coupole de fainte Marie Dei Fiori que Vafari avoit laiffé imparfaite, & qui depuis avoit été brulée, Frédéric s'y diftingua d'une grande maniére, & l'ouvrage fut terminé en peu de temps, Son frere Taddée qui fentoit de quel fecours il lui étoit, le follicitoit vivement de revenir à Rome. Frédéric passa à Vérone & en plufieurs villes de Lombardie, pour se rendre fe enfuite à Rome. Peu de temps après il perdit fon frere Taddée à la mémoire duquel il rendit tous les honneurs dont il fut capable. De retour à Florence, il peignit quelques morceaux pour l'arrivée de la Reine Jeanne d'Autriche. Il y feroit resté plus long-temps fi Grégoire XIII. ne l'eût mandé à Rome pour peindre la voûte de la falle Pauline. Pendant qu'il travailloit au Vatican, quelques différends qu'il eut avec les principaux officiers du Pape lui infpirérent l'idée de peindre le tableau de la calomnie, dans lequel il représenta avec des oreilles d'â ne FREDERIC ne ces mêmes officiers qui l'avoient offenfé; la hardieffe qu'il eut d'expofer le tableau fur la porte de l'Eglife de faint Luc, ZUCCHERO. le jour de la fête de ce faint, irrita fi fort le Pape, que Frédéric fut obligé de fortir de Rome, où il ne revint que longtemps après. Le Cardinal de Lorraine le fit enfuite venir en France pour quelques ouvrages, de là il paffa à Anvers où il fit des cartons pour des tapifferies, puis en Hollande & en Angleterre, il y peignit la Reine Elifabeth & plufieurs autres tableaux. Venife l'attira enfuite, le patriarche Grimani vouloit faire finir fa chapelle qui étoit restée imparfaite par la mort de Baptifta Franco; Frédéric y représenta le Lazare, & la converfion de la Madeleine. On voit de lui fur l'efcalier de ce palais d'excellentes figures, & fon tableau à l'huile de l'adoration des Rois, qui excita la jaloufie des peintres Vénitiens. La falle du grand Confeil où il travailla en concurrence avec Paul Véronefe, le Tintoret, le Baffan, & le Palme, lui attira des marques de la fatisfaction du Sénat, qui le créa Chevalier. pe Enfin après toutes ces courses, il revint à Rome, & le Palui rendit fon eftime & fa bienveillance; il finit la voûte de la falle Pauline & plufieurs autres hiftoires à fresque sur la muraille. Les Eglifes & les Palais où fe voyoient des ouvrages commencés par Taddée furent entiérement achevés de la main. Philippe II. fous le Pontificat de Sixte V. le manda en Espagne pour travailler à l'Efcurial: il y fut reçû avec diftinction, & les récompenfes de ce Monarque le devoient engager à faire fes efforts pour les mériter, il ne fut pas cependant heureux dans cette entreprise; après que le Roy l'eut congédié & comblé de préfens, il fit hacher tout ce qu'il avoit peint dans le cloître pour le donner à Peregrino. De nouveaux ouvrages l'occupérent à fon retour à Rome, où fon plus grand foin fut d'établir une Académie dont il fut le chef fous le nom de Prince. Cette fondation confomma la plus grande partie du bien qu'il avoit amaffé; l'Académie après la mort devoit avoir ce qui lui reftoit, fi fes héritiers mouroient fans enfans. Frédéric étoit bien fait, aimé & chéri de tous les honnêtes gens; il avoit beaucoup de génie, inventoit toutes fortes de fujets avec une facilité furprenante, deffinoit bien quoique D ZUCCHERO. maniéré, & fon coloris étoit vigoureux. Il ne lui manquoit FREDERIC ainfi qu'à Taddée, que ainsi qu'à Taddée, que d'avoir plus confulté le naturel & d'être plus gracieux dans les têtes. Las enfin de tant travailler il fortit de Rome, & parcourut l'Italie. Il fit imprimer à Venife deux volumes fur la peinture, & un autre contenant fes poëfies. De là paffant en Savoye le Duc lui donna une galerie à peindre; le befoin qu'il avoit d'argent lui fit extrapaffer cet ouvrage. Lorette & Ancone terminérent fon voyage; accablé de fatigue & épuisé par fes grands travaux, il expira dans cette derniére ville en 1609, âgé de foixante & fix ans. Le cavalier Pomerancie qui peignoit la coupole de Lorette, & qui l'avoit reçû depuis peu en cette ville, ayant appris fa mort fe rendit à Ancone & le fit enterrer avec diftinction. Il eut pour éléve Dominique Paffignano Florentin, qui s'eft fort diftingué par plufieurs ouvrages à Rome, particuliérement dans la chapelle de Paul V. a fainte Marie majeure, à faint Jean des Florentins, à faint Jacques des Incurables, à la Paix, & à Florence où il eft mort à l'âge de quatre-vingts ans, comblé d'honneurs & de richeffes. Rien n'est fi facile à connoître que les deffeins de Frédéric, les yeux de fes figures font pochés, les draperies lourdes & coupées, les figures roides, le trait de la plume un peu gros, lavé au bistre ou à l'encre de la Chine. Il eft moins fpirituel que Taddée, plus maniéré dans les extremités de fes figures, particuliérement les têtes qui font coëffées d'une manière finguliére. Ses deffeins font rarement rehauffés de blanc de craie ou au pinceau, la grande quantité qu'il en a faite les rend très communs. On peut remarquer à Rome dans l'Eglife de fainte Catherine Dei funari, l'histoire de cette fainte en prison, & décollée avec plufieurs autres martyrs. Les trois Rois pour la chapelle des Orfévres. Une flagellation du Sauveur, & les vertus peintes à frefque dans l'oratoire des faints Pierre & Paul du Confalon. Un portement de croix peint à l'huile à fainte. Praxede. A faint Laurent in damafo le tableau du maître Autel qui représente ce faint fur le gril. A faint Marcel la converfion de faint Paul à l'huile, ce qui eft à frefque eft de Taddée. Dans l'Eglife des Peres reformés de Jefus, une pentecôte, une annonciation, six prophétes, & un chœur d'an ges peint dans une chapelle. Une annonciation dans le collége Romain, avec une nativité & une circoncifion à frefque. A fainte Marie del horto, il a peint à frefque le mariage de la Vierge & une vifitation. Au Jefus la chapelle Dei vittorii eft toute à frefque, & le tableau de l'autel repréfente des anges en priere. Dans la facriftie de fanéti Apoftoli, les stigmates de faint François peints à l'huile. Le couronnement de la Vierge dans une chapelle à la Trinité du Mont. A Cefene dans l'Eglife de faint Tobie, un Chrift qui tire plufieurs faints des limbes. Au collège Boromeo à Pavie dans une falle à côté du jardin il a peint l'hiftoire de faint Charles, Dans la galerie de l'Archevêché de Milan une nativité en clair obfcur. A l'Escurial dans la chapelle qui fert aux officiers de la fabrique & dans les falles qui y font contigues, une annonciation, un faint Jérôme, une nativité, une adoration des mages, & le martyre de faint Laurent. Dans la grande Eglife de Cordoue une fainte Marguerite, A Florence la coupole de l'Eglife de fanta Maria dei fiori. A Duffeldorf chez l'Electeur Palatín Vénus & Cupidon en ovale, deux petits enfans en rond. gra Raphaël Sadeler, Matham André Zucchi, & les mêmes veurs de Taddée ont gravé d'après fon frere Frédéric plu fieurs planches. FREDERIC ZUCCHERO. |