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RAPHAEL
d'URBIN.

'ART de la Peinture commença à fortir des té-
nébres de l'ignorance en 1 2 40, lorfque Cimabué RAPHAEL,
inftruit par les peintres Grecs mandés par le
Sénat de Florence, fe diftingua dans la peinture

à frefque & à détrempe. Le Giotto fut fon disciple & en forma d'autres : enfin Antoine de Meffine en 1430 fut le premier Italien qui peignit à l'huile, & André Verrochio en 1460, fe rendit célébre par un deffein plus correct & par la grace de ses têtes. Ce dernier fut maître de Leonard de Vinci, & de Pietre Perugin qui le devint à son tour de Raphaël.

Ce grand homme, chef des peintres Romains, naquit dans la ville d'Urbin en 1483, le jour du Vendredi Saint.

Son pere, Jean de Santi peintre fort médiocre le mit dans RAPHAEL. l'école de Pietre Perugin, dont la réputation étoit fort au-dessus de la fienne, le difciple en peu de temps furpaffa le maître. Souvent un éleve qui a du génie, apprend à devenir habile en voyant fon maître exécuter médiocrement. Raphaël le quitta pour aller étudier à Sienne & à Pérouse, où il peignit plufieurs tableaux qui pafférent pour être du Pérugin.

Sur le bruit que faifoient les cartons de Leonard de Vinci & de Michel Ange, destinés pour le palais de Florence, Raphaël quitta la bibliothèque de Sienne, où le Pinturicchio l'avoit employé, & fe rendit à Florence. Les ouvrages de Frere Barthelemy de faint Marc, de Leonard de Vinci, & de Michel Ange, le charmérent au point qu'il changea toute la manière de peindre qu'il tenoit du Pérugin.

Ayant appris la mort de fes parens, il retourna à Urbin pour mettre ordre à fes affaires, il y peignit plufieurs tableaux pour le Duc d'Urbin, & pour les Eglifes de cette ville, il revint enfuite à Pérouse, & de là à Florence, où il continua fes études. L'amitié qu'il lia avec Frere Barthelemy de faint Marc fut avantageufe à l'un & à l'autre, Raphaël y trouva les régles certaines du coloris, Frere Barthelemy cel les de la perfpective. Comme il avoit commencé les cartons de la chapelle Baglioni à faint François de Pérouse, il fut la terminer & y repréfenta un Chrift que l'on met dans le tombeau: les ouvrages de Leonard de Vinci l'attirérent de nouveau à Florence, il y fit un tableau d'autel pour l'Eglife de San-Spirito, & un autre pour Sienne qu'il lailla imparfait. Enfin la ville de Rome termina fes courfes; il y fut attiré par le Bramante fameux architecte & fon parent, qui le préfenta au Pape Jules II. Ce Pontife le prit en amitié, & lui donna dans la fuite beaucoup d'emploi dans le Vatican.

Le premier ouvrage de Raphaël à Rome fut l'école d'A. thénes, dont la riche composition étonne autant qu'elle enchante. Les plus grands hommes y difputent fur toutes les Sciences humaines. Ce tableau lui fit tant d'honneur, que le Pape fit détruire les peintures commencées par d'habiles gens, pour donner un nouveau champ à Raphaël. Le Mont-Parnaffe, la difpute du Saint Sacrement, le portrait de Jules II, quelques tableaux de chevalet augmentérent confidérablement la haute idée que l'on avoit conçue de ce grand homme.

Raphaël, quoique gracieux & excellent deffinateur, n'avoit point encore acquis cette grandeur & cette majesté qu'il donna depuis à fes figures. La chapelle que peignoit Michel Ange, & que Bramante, malgré les précautions que prenoit ce peintre, trouva le moyen de faire voir à Raphaël, fit en lui un grand changement. Il y puifa cette fierté & cette élévation, qui font le principal caractére de Michel Ange. Raphaël réforma fur le champ fon Prophéte Ifaïe peint fur un des piliers de l'Eglife de faint Auguftin. Michel Ange s'apperçut de ce changement à fon retour à Rome, & fe douta de l'infidélité de Bramante. Il ne devoit qu'à l'excellence de fon génie un progrès fi rapide. Ces peintures de la chapelle de Michel Ange, expofées depuis ce temps-là aux yeux de tous les peintres de l'univers, n'ont pu former un fecond Raphaël. Il peignit enfuite dans le palais Chigi, l'Hi. ftoire de Pfyché en deux morceaux féparés qui occupent tour le plafond, une Galathée fur le mur, les trois Graces dans un angle, une chapelle pour le même Chigi dans l'Eglife de la Paix, des portraits & plufieurs autres fujets. Après la mort de Jules II, Leon X de la Maifon de Médicis, qui pro tégea toujours les Arts, fit continuer les peintures du Vatican, & dédommagea Raphaël de la perte qu'il avoit faite de fon prédéceffeur: rien n'eft fi admirable que le portrait qu'il fit de ce Pontife.

RAPHAEL,

Jaloux de fa gloire, il finiffoit extrêmement fes ouvrages, & n'épargnoit rien pour leur acquérir l'immortalité. Sa répu tation s'étendit par toute l'Europe, & plufieurs fouverains exercérent fon pinceau. Le fameux Alberdurer lui envoya fon portrait & les eftampes: Raphaël lui répondit par des deffeins de fa main. Ces eftampes lui donnèrent envie de faire graver par un (a) de fes éleves quelques-unes de fes pro- (4) Marc-Anductions, dont il faifoit lui-même le trait pour les rendre plus toine Raimondi, correctes. Il commença par la Cêne, le maffacre des Innocens, veur de Raphaël. le Neptune & la fainte Cecile, qu'il envoya enfuite à Alberdurer.

le meilleur gra

Raphaël fut chargé de tous les ouvrages du Vatican, dont il donna les deffeins (b): il les conduifoit & les retouchoit (b) Les plaentiérement. Après avoir fini les deux chambres de la Signa- fonds, les orneture, il travailla en dernier lieu à celle que l'on appelle di murs & fur les Torre Borgia, où eft peint l'incendie du bourg faint Pierre croifées font re

mens peints fur les

RAPHAEL.

d'histoire qui

eft vis-à-vis.

vitrées à trois éta

premiére cour du

Vatican.

fous faint Leon; il y respecta le plafond peint par fon maître Pérugin.

latifs au morceau L'efcalier, les chambres du Vatican furent embellies de grotefques & de différens animaux peints par Jean da Udine, (a) Ces Loges les (a) Loges commencées par Bramante, furent achevées font des galleries fur le nouveau deffein de Raphaël, les hiftoires, les comges, autour de la partimens, & les grotefques furent peints par fes difciples. Un génie auffi élevé ne s'étoit point borné à la peinture. Il modéla les deux figures d'Elie & de Jonas, ainfi que le basrelief, que l'on voit exécutés en marbre dans l'Eglife de la Madonna del Popolo. Il s'attacha enfuite à l'architecture, & fit bâtir fur fes propres deffeins plufieurs maisons, entr'autres la Vigne du Pape, le palais Pandolfini à Florence, le jardin du Pape, les appartemens de la Vigne Chigi. Comme il étoit devenu riche, il se bâtit auffi un palais in Borgo nuovo: il eut dans la fuite la direction de la nouvelle Eglife de faint Pierre. Leon X le fit un de fes Camériers, & lui commanda de travailler à la falle de Constantin, dont Raphaël donna tous les deffeins. Il fit enfuite les cartons pour les tapifferies qu'on devoit exécuter en Flandre.

Avec un efprit excellent, Raphaël étudioit fans ceffe, & travailloit à fe perfectionner. Ses pensées secondées par l'A. riofte qui étoit fon ami particulier, & par plufieurs autres beaux-efprits, (auxquels il faut attribuer les anachronismes & les défauts de convenance qu'on remarque dans fes ouvrages) devinrent dans la fuite très-élevées. Qu'y a-t-il de plus grand, par exemple, que d'expofer aux yeux d'Attila les deux figures de faint Pierre & de faint Paul, combattans en l'air, idée qui approche de l'élévation d'Homére, quì intéreffoit les Dieux à l'histoire de fes Héros. Ne pouvant atteindre Michel Ange dans fon grand goût de deffein, il prie une manière nouvelle plus gracieuse & qui plaifoit davantage, accompagnée de tous les ornemens & des convenances de la peinture, il la forma fur les belles figures Grecques, & fur les bas-reliefs antiques, qu'il deffinoit avec beaucoup d'application. La belle nature étoit confultée & réformée felon les proportions des anciens ftatuaires. Ses études d'un crayon bien manié font connoître évidemment qu'il corri geoit la nature fur l'antique, & qu'il deffinoit fes figures nuës, avant que de les couvrir de draperies, qu'il varioit jusqu'à ce qu'elles convinffent à son sujet.

Une étude particuliére de l'anatomie, jufqu'à deffiner des figures écorchées, donna à Raphaël cette correction qui fe RAPHAEL. fait tant admirer. S'il profita de fes études d'après l'antique, & de tout ce qu'il faifoit deffiner dans les pays étrangers, il fçut adroitement les employer dans fes ouvrages. Les peintres qui ont fuivi Raphaël, n'ont point fait usage comme lui de toutes ces reffources.

Pour peu qu'on veuille réfléchir fur ce grand homme, on verra qu'il penfoit noblement, & qu'il avoit beaucoup de génie & de fécondité. Ses contours font coulans, & fes ordonnances magnifiques. Il traitoit également l'histoire fainte, la profane, l'allégorie, & la fable; fon grand style se prêtoit à ces différentes maniéres. Un deffein très-correct, un choix parfait, de l'élégance dans fes figures, une naïveté d'expreffions, un naturel dans les attitudes, une grande maniére fans être affectée, des graces dans fes airs de têtes, une fageffe à bien faifir les beautés de la nature, & la fimplicité avec la quelle il s'eft élevé au fublime, tout cela joint ensemble le rend fans contredit le plus grand peintre que nous ayons eu jufqu'à préfent.

Il eft à préfumer par fes derniers ouvrages, que partifan moins zélé des figures antiques, il fe feroit plus attaché à fuivre le vrai de la nature, & qu'il auroit changé fon goût de couleur. Tout différent de lui-même dans certains tableaux, il s'eft élevé infiniment dans fon dernier temps. En faut-il une plus forte preuve que le tableau de la transfiguration qui est à Rome, & que l'on regarde comme fon chef-d'œuvre ? Muni des graces & des proportions des belles figures antiques, il n'avoit plus qu'un pas à faire pour acquérir un coloris auffi parfait que celui du Titien, & un pinceau auffi moelleux que celui du Corrége.

Pour juger de la fineffe de fon efprit, il ne faut qu'examiner avec quelle adreffe il a évité le racourci des figures, qu'il fçavoit ne pas entendre parfaitement. Il a feint de peindre fes fujets fur des tapifferies attachées au mur. C'est ainfi que font exécutés les deux morceaux de Pfyché qui font au petit Farnéfe, la bataille de Conftantin, & les trois autres traits de fon hiftoire, les quatre fujets du plafond de la premiére chambre de la Signature au Vatican.

Le jugement, que porta de Raphaël Annibal Carrache er

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