où une penfion confidérable facilita fes études. Michel Ange MICHEL- répondit aux bontés de ce Prince. Le cifeau fut fon premier ANGE inftrument, il l'avoit vû manier chez fa nourrice femme d'un BUONAROTA tailleur de Pierre. Des figures ( a ) qu'il fit alors étonnérent (a) Le combat tout le monde, elles ne parurent point l'ouvrage d'une jeune d'Hercule contre main. les Centaures.

La mort du Grand Duc lui ayant rendu la liberté, il alla voir les morceaux de peinture les plus renommés qui exiftoient à Venise & à Bologne. Il fit dans cette derniére Ville les figures de faint Petrone & d'un ange qui manquoient à l'arc de faint Dominique. La ville de Rome l'attira ensuite, & le cardinal de faint George le tint dans fon palais pendant un an; enfin il revint à Florence où il fit quelques figures telles qu'un faint Jean & un Cupidon; ce dernier fut trouvé si beau, qu'on lui confeilla de l'envoyer à Rome, & de l'enterrer dans une vigne où l'on fçavoit qu'on devoit bientôt foüiller. La chofe arriva comme on l'avoit imaginée, on déterra la figure, les connoiffeurs la reputérent antique, & ils ne furent désabufés que par un bras que Michel Ange avoit caffé au Cupidon, & qu'il avoit apporté à Rome.

Ce fut en ce temps-là que le beau grouppe de la Piété qui est dans faint Pierre à la chapelle de la Vierge fortit de fon ciseau. Il retourna enfuite à Florence; d'un grouppe de marbre manqué par Simone da fiefole qui en avoit voulu faire un géant, il tira un jeune David avec fa fronde; cette inimitablefi gure eft dans la grande place de Florence. Michel-Ange fut employé dans la grande falle du confeil en concurrence avec Leonard de Vinci. Il y représenta en clair obfcur la guerre de Pise, dont il fit les cartons qui furent fi eftimés des peintres même, qu'ils s'empreffoient de les copier. On compte le grand Raphaël au nombre de ces admirateurs.

Alexandre VI. étant mort, Jules II. lui fuccéda & fit venir Michel-Ange à Rome pour travailler à fon tombeau; il en donna un fuperbe deffein, compofé de quarante figures.

Quelque mécontentement qu'il reçut de Jules, le fit retirer promptement à Florence; le Pape qui le fçut, envoya cinq couriers après lui, & le fit venir à Bologne lui demander pardon : cette petite difgrace parut aux yeux de plufieurs une grande faveur, & Bramante ami de Raphaël en devine jaloux, il fit propofer par le Pape à Michel-Ange les ouvrages de pein

ture de la chapelle Sixte, dont il crut que ce peintre ne se tireroit pas avec honneur. Par là il le détournoit de s'exercer MICHELà la fculpture, où il excelloit plus que perfonne, & il inter- ANGE rompoit le projet du tombeau du faint Pere. Michel-Ange qui BUONAROTA fentit la malice du fon rival, voulut s'en excufer, mais le Pape le preffa vivement, & il fallut obéïr.

Enfin Michel-Ange fit les cartons pour la chapelle, & manda plufieurs peintres de Florence, dont il fut fi peu content, qu'il les remercia, & réfolut de peindre feul ce grand ouvrage; il n'étoit pas à moitié fait, que le Pape impatient de le voir fit lever les échafauds & en parut très-fatisfait. Bramante qui demandoit l'autre moitié pour Raphaël, fut refufé, & MichelAnge remplit cette grande carrière en vingt mois de temps. Neuf fujets de l'ancien Teftament, paroiffent au haut de la voûte, & plus bas les Prophétes & les Sibylles dans ( a ) des attitudes convenables à la fainteté du lieu.

peu

Après la mort de Jules II, Leon X. de la maison de Médicis, qui lui fuccéda, fit fufpendre l'entreprise du tombeau de fon prédéceffeur, & ordonna à Michel-Ange de décorer la façade de l'Eglife de faint Laurent de Florence, la bibliothéque & les monumens des Princes de fa maison. Michel-Ange les a ornés de fept belles figures: celles de Laurent & de Julien de Médicis qui ont chacun leur tombeau, font accompagnées des figures du jour, de la nuit, de l'aurore & du crépufcule. La feptième eft une Vierge affife dans le fond de la chapelle : la correction de ces ftatues, leur grand caractére, la légéreté de leur touche les met de pair avec l'antique. L'architecture eft de fon deffein, il inventa un nouveau chapiteau qui depuis a porté fon nom.

il

Durant les troubles qui furvinrent dans les états de Florence, il fortit de cette Ville avec deux hommes de confiance emportant avec lui douze mille écus d'argent comptant; vint à Ferrare, les offrit au Duc, & paffa de là à Venife, où il donna le deffein du fameux pont Rialto bâti tout de marbre & d'une feule arche, dont l'ouverture eft de quarante-trois pieds Vénitiens.

Le calme ayant fuccédé aux troubles de la ville de Florence, Michel-Ange y revint travailler au tombeau des Médicis qu'il finit entièrement. Le Pape le manda enfuite à Rome pour peindre le jugement univerfel au-deffus de l'Autel de la cha

(a) Daniel de Volterre en a cou

vert dans la fuite

la plus grande par.

tie.

pelle Sixte, dont il avoit déja orné la voûte: cet ouvrage l'oc

MICHEL- Cupa pendant huit ans, & ne put être fini que fous le pontiANGE ficat de Paul III: il y fit connoître fon grand goût de dessein BUONAROTA & l'élévation de fes pensées; un nombre infini de figures, &

des attitudes très extraordinaires forment une compofition auffi grande que terrible. L'idée eft tirée des poëfies de Dante qui étoit fon auteur favori : il a représenté dans l'enfer les fept péchés mortels avec beaucoup de démons, parmi lefquels il a placé le maître des cérémonies du Pape, lequel avoit mal parlé de fon ouvrage. La joye des bienheureux eft auffi fenfible que le défespoir des damnés. Il fe furpaffa lui-même dans ce grand morceau bien supérieur à la beauté de la voûte.

Ces grands ouvrages retardérent l'exécution du tombeau de Jules II. pour lequel le Duc d'Urbin fon parent preffoit fort Mi, chel Ange. Il avoit reçu à compte des fommes confidérables, enfin il s'accommoda avec le Duc,& ce grand projet fut réduit à trois figures dont le Moïfe fait l'admiration de tout le monde; il eft accompagné de Lia fille de Laban, tenant un miroir d'une main, & de l'autre une guirlande de fleurs, pour repré fenter la vie active, l'autre figure eft Rachel regardant le ciel & appuyée sur son genoux, pour marquer la vie contemplative. Ce tombeau eft placé dans l'Eglise de faint Pierre ès liens. Il n'y a que ces trois figures de la main de Michel-Ange, celles de Jules II. & les trois autres qui repréfentent une Vierge avec le Jefus, un Prophéte & une Sibylle, ont été faites fur les modelles par Raphaël da monte Lupo, & autres bons fculpteurs.

Michel Ange exerça encore fon pinceau dans la chapelle Pauline, & peignit fur le mur la converfion de faint Paul & le crucifiment de faint Pierre. Il fit auffi la fameuse Leda qui fut transportée à Fontainebleau, le caractére trop libre de cette peinture l'a fait brûler dans la fuite. Après que ces morceaux furent terminés, Michel Ange qui avoit foixante & quinze ans paffés, ne peignit plus ; la peinture à frefque le fatiguant trop,il reprit la fculpture: il commença un Chrift mort, grouppé de quatre figures qu'il n'a pas achevé. Après la mort d'Antoine de Sangallo, le Pape Pie IV. le nomma architecte de faint Pierre, dont il reforma le plan. Il fit bâtir le dôme quí est de diamettre égal à celui de la Rotonde; la façade du Capitole, le bel entablement du palais Farnese, la vigne du Pape Jules III. & la porte Pie font encore de fon deffein. En faut

il

il davantage pour prouver l'universalité de ses talens ! Etant très vieux, & ne pouvant plus deffiner avec fermeté, il fe fer- MICHE Lvit de la main de Tiberro Calcagni fculpteur Florentin, qui ANG E termina plusieurs morceaux de fculpture que Michel-Ange BUONAROTA

avoit commencés.

Quoique ce fublime artiste ait excellé dans les trois arts de la peinture, de la fculpture & de l'architecture, il semble que la fculpture doive l'emporter fur les deux autres, on y trouve la légèreté de la main, la belle touche, la correction, l'élégance & le fublime de la pensée. On voit de lui un Cupidon grand comme nature, different de celui dont on a déja parlé; & un Bacchus tenant une taffe, & de l'autre main la peau d'un tigre avec une grappe de raifin que mange un jeune Satyre. Ces figures font fi parfaites, qu'un (a) auteur Italien dit de lui, qu'en fait de fculpture il ne peut être furpaffé par un autre que par lui-même.

Sa peinture eft fiére & terrible, comme il a cherché le difficile & le furprenant, elle étonne plus qu'elle ne plaît, fes couleurs font trop tranchantes & tirent fur la brique. Grand anatomiste, il affectoit de charger trop les muscles de ses figures, & d'en outrer les attitudes. S'il n'a pas été le premier peintre de l'univers, il a été du moins le premier artiste qui ait fait paroître ce qu'il y avoit de plus grand dans cet art c'est lui qui en a ouvert le chemin. Raphaël en a fçû profiter, fans jamaís abandonner le facile, le naturel & le gra

cieux.

Michel-Ange accablé d'années & d'une fièvre lente, mourut à Rome en 1564. âgé de quatre-vingt-dix ans. Cofme de Médicis le fit enterrer magnifiquement, & enfuite l'ayant fait exhumer fecretement, on le tranfporta à Florence, où il eft enterré dans l'Eglife de fainte Croix. On y voit fon buste de marbre accompagné des trois ftatues de la peinture, de la fculpture, & de l'architecture. Il ne manqua rien à fa pompe, une oraison funébre & un catafalque avec des tableaux relatifs à fes actions, peints par tous les académiciens de Florence. L'Académie changea les trois guirlandes qu'il avoit pris pour devife, en trois couronnes avec ces mots Ter geminis tollit honoribus.

Infatigable dans fes travaux, il alloit lui-même choifir les marbres à Carrare. Les études qu'il a faites de l'anatomie font

L

(a) Ne puo cffer Vinto nella fcoltura dà altrui che dà fe steffo.

Dolce p. 52.

ANGE

immenfes. Trop religieux pour avoir tué fon modéle, comMICHEL- me on l'a dit fauffement, afin d'exprimer mieux un Christ mourant fur la croix, il difoit que la peinture étoit fa femme, BUONAROTA & fes ouvrages fes propres enfans: honoré de tous les Princes, il a fervi fept Papes & deux Empereurs; Cofme de Médicis lui parloit toujours le chapeau bas, & plufieurs Papes le faifoient affeoir devant eux.

(a) Un pareil crucifix fe trouve

Il étoit extrêmement fpirituel dans fes reparties, & faisoit bien des vers. Pour faire connoître à Raphaël qu'il étoit venu voir l'histoire de Pfiché que ce peintre peignoit au petit Farneze, il deffina au charbon une belle tête de Faune dans un des coins du plafond, laquelle exifte encore. Raphaël en la voyant s'écria, que ce ne pouvoit être que Michel-Ange qui eût fait cette tête.

Il eut pour éléves Sébastien de Venife, appellé Fra febastien del Piombo, Antoine Minio, Pierre Urbano Pistolefe, Afcanio della ripa Transone.

La plume des deffeins de Michel-Ange eft groffe, mais fçavante, ce font des traits hardis, des hachures croisées de tous côtés, comme une lime, avec un petit lavis de biftre, des plis reffentis, des têtes fiéres & féroces, d'un grand caractére, des attitudes extraordinaires, & des contours très musclés. Baccio Bandinelli fon imitateur à deffiné dans fon goût d'une maniére ferme, mais toujours égale & avec moins de hardiesse & de fineffe que lui. On prétend qu'avant que de mourir, Michel-Ange brûla tous fes deffeins, afin qu'on ne connût pas la peine qu'il s'étoit donnée pour opérer.

On voit à Naples dans le couvent de faint Martin des Chartreux un Chrift flagellé, petit tableau précieux.

Dans la ville de Malte à faint Jean dans la chapelle de la communion la décolation du Saint.

La galerie du Duc de Parme poffède le fameux tableau du jugement univerfel, qui eft l'efquiffe du grand fujet peint dans la chapelle du Pape.

Dans la galerie de Florence le grand rond eft une Vierge à Rome chez le dont la couleur eft tranchante à fon ordinaire; on voit à ce Prince Borghése,

& un parcil chez qu'on prétend l'original de fon fameux (a) crucifix.

les Chartreux de

Naples qu'on af

fure tous deux ori,

ginaux.

L'Electeur Palatin à Duffeldorf poffède une Vierge avec le Jefus & faint Jofeph derriére elle.

Le Roy n'a qu'un feul tableau de ce maître, il représente