Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pour

chercher celles qui conviennent le mieux (ce que les Italiens appellent il pentimento ) ces doubles traits ne partent pas d'un copifte; ils prennent leur naissance dans la tête du maître qui a fait l'ou

vrage.

L'histoire d'un deffein & fa filiation qui nous apprennent les noms des amateurs à qui il a appartenu, les grandes collections dont il eft forti, ne conviennent qu'à des Marchands qui ont intérêt de s'en défaire avec plus d'avantage. Ĉes connoissances ftériles n'éblouiffent que les ignorans; on prouve foiblement par cette prétendue authenticité l'originalité d'un dessein; c'est à la chose même, à la VALEUR INTRINSEQUE de l'ouvrage qu'il faut s'attacher.

On peut appeller des deffeins équivoques, quelques morceaux de Raphaël, de Jules Romain, & autres qui n'étant pas finis, ont été achevés ou retouchés par Rubens felon fon goût. Alors ces deffeins font originaux de deux maîtres & ne peuvent paffer pour des copies.

Il y a encore une observation à faire fur le temps dans lequel le deffein a été fait. On sçait qu'un peintre a trois temps, fon commencement, c'eftà-dire, fa premiere maniere qui tient de fon maître, le bon temps qui est la force de l'âge, & le temps foible qui en est le déclin: ainsi un dessein ne laiffe pas d'être original, quoique fait dans le temps foible, ou de la premiere & derniere ma

nicre.

Les grands maîtres finiffent peu leurs deffeins, ils se contentent de faire des efquisses, ou griffon

una qualità che

non altro ch'ef

(^) Ma che nemens faits de rien, (a) qui ne plaisent pas aux elle aueffero demi-connoiffeurs, ils veulent quelque chofe de noi chiamiamo terminé qui foit agréable aux yeux: un vrai conpittoresca, che noiffeur penfe autrement; il voit dans un croquis fere fati con ot- la maniere de penfer d'un grand maître pour catimo d'intorno ractériser chaque objet avec peu de traits; fon imaquerello ed al gination animée par le beau feu qui régne dans le più di qualche deffein perce à travers ce qui y manque, elle apperfo o Biacca, çoit fouvent ce qui n'y eft pas & ce qui y doit être. ed altri ancora C'est ainfi qu'un beau génie fecondé par ce qu'il difegni che al- voit, fupplée & s'accommode à tout.

& di poco ac

lume di gef

l'occhio de poco pratici appa

pazzati confufi

da poter fervire

coups

Défiez-vous des deffeins trop finis; rarement rifcono ftrap- font-ils originaux, ils font même plus aifés à contree del tutto in- faire que les autres; leur façon peinée & lechée en formi, fono- découvre ordinairement la fauffeté; d'autres com però efpreffi mencés par des éléves font retouchés par le maî agli artefici per tre en plufieurs endroits, dans lesquels on apperçoit ftudio delle des proprie opere de force ou des rehauffemens de blanc e per loro ani- au pinceau. Ces traits hardis, des contours reffenmaeftramento. tis & rafraîchis par une habile main, font entrevoir comminciamen- l'ouvrage de deffous qui en eft appauvri & qui en to e progresso del paroît encore plus froid. Ces marques ne paroiffent arte d'intagliare p. 33. firenze qu'aux yeux extrêmement clair-voyans. Les desseins de Rubens & de Vandick qui font ordinairement faits de cette maniere, & qui ont été commencés par Vosterman, Paul Pontius, Pietre de Jode, & autres, en ont impofés à plufieurs connoisseurs.

1686.

Baldinucci

Un homme qui penfe, peut-il s'imaginer que de grands peintres tels que Raphaël, le Titien, Paul Veronefe, Rubens & Vandick, dont le génie étoit si sublime & si fécond, ayent pu se captiver au point de finir ou de terminer un deffein, comme feroit

un

un graveur? La vivacité de leur génie ne leur permettoit pas un tel travail; le temps qui leur étoit cher, la néceffité dans laquelle ils se trouvoient de fournir des deffeins à leurs éléves, pour continuer les travaux commencés des galeries, des plafonds, des palais, des voûtes des Eglifes; les différens Souverains qui leur demandoient de grands ouvrages, les voyages qu'ils étoient obligés de faire pour di verfes entreprises, tout cela joint ensemble leur ôtoit le moyen de pouvoir finir & terminer des def feins, tels que nous en voyons de Raphaël, de Rubens & de Vandick.

Il est bien plus naturel de croire que ces deffeins faits ordinairement d'après les tableaux originaux, ont été deffinés par de bons éléves, ou par les graveurs mêmes, qui en avoient befoin pour leurs planches; Raphaël, enfuite Rubens, ou Vandick, jaloux de leur gloire, les ont retouchés en plusieurs endroits, pour en faire mieux valoir les tableaux.

a

(4) Ut enim de pictore,fculptore & fictore,

On peut conclure de toutes ces observations, qu'il faut quelque connoiffance de l'art & un peu de pratique, pour décider fur l'originalité d'un deffein: il feroit à fouhaiter qu'un amateur fçût un peu (a) peindre ou du moins deffiner. Cette pratique de l'art, quelque petite qu'elle fût, le mettroit en état de juger mieux qu'un autre. On ne fçauroit croire nifi artifex jucombien l'operation de la main forme le goût, & teft. Prin. jun. donne d'intelligence à l'efprit; elle vous montre la lib. 1. epift. 10. route qu'ont fuivi tant d'habiles gens; peut-être mê- P.29. Lug. Bat• me que fi vous vous y livriez entierement comme cux, vous pourriez les fuivre de près. Cette prati

e

dicare non po

1669.

&

que manquoit à un de nos plus grands curieux que vient de mourir ; fi elle eût fecondée l'inclination naturelle qu'il avoit pour les belles chofes, elle lui auroit acquis des lumieres fupérieures & indépendantes des guides qui le fuivoient par-tout.

DE LA CONNOISSANCE

DES TABLEAUX·

Ca

E QUE l'on vient de dire au fujet des deffeins des grands maîtres, fe peut aifément appliquer à la connoiffance des tableaux. Il s'agit toujours de juger de la bonté d'un ouvrage, du goût naturel des écoles, du nom du maître & de l'originalité. Il fuffit de fubftituer au mot de deffein, celui de tableau, & au lieu des différens crayons & des hachures de la plume, entendre le maniment du pinceau & le goût de la couleur.

Le pinceau dans quelques-uns eft coulant & moëlleux, dans d'autres il eft tranchant & fec; le coloris eft vigoureux; quelquefois trivial; les uns peignent verd comme Paul Bril & Fouquieres; les autres bleu comme Breugel, Vander Meër & Savery; d'autres tirent fur le violet, comme la Foffe & Michel Corneille; fur le gris, comme Vouët & Teniers; enfin fur le noir, comme les Carrache, le Caravage, le Manfredi, le Valentin, les Baffan, le Mole & autres. Chacun par différentes routes arrive au

même but; chacun cherche à imiter les couleurs de la nature; on se fait un systême particulier, heureux fi l'on en trouve un qui approche de celui du Corrége, du Titien, de Paul Veronese, du Baroche, de Rubens & de Vandick, qui peuvent être regardés dans la peinture comme les fouverains du coloris.

La touche du pinceau eft encore différente de celle du crayon. Quoique plus finie, elle doit être fpirituelle & légére. Qui peut difputer à l'esprit d'être le premier artifan de tous les beaux les beaux ouvrages?

Le coloris eft le mot génerique, c'est la partie de la peinture qui fait imiter la couleur des objets naturels & donner aux artificiels la couleur qui leur convient; c'eft, pour ainfi dire, l'intelligence de toutes les couleurs.

La couleur eft ce qui rend les objets sensibles à la vuë. Il y en a deux, la naturelle & l'artificielle. La couleur naturelle eft celle qui nous rend visibles les objets de la nature.

fert

L'artificielle est une matiere dont le peintre se pour imiter ces mêmes objets & représenter la nature dont il faut un peu outrer les clairs & les ombres, afin de remedier au brillant que les couleurs perdent étant employées, & à l'éloignement du tableau peint sur une fuperficie plate. C'est ce qu'on nomme en peinture exageration.

Le coloris & le clair-obfcur font deux. Le coloris eft composé de deux parties, la couleur locale & le clair-obfcur.

On entend par couleur locale, celle qui est naturelle à chaque objet de la nature, laquelle le

« AnteriorContinuar »