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peut bien faire que Spinofa, pour B. DE ôter tout fujet de foupçon & de SPINOSA crainte à fon Hôte, ait jugé à propos de lui cacher la verité. M. Def Maizeaux, pour éclaircir ce fait, a confulté M. Morelli, qui avoit connu Spinofa, & qui lui a fait cette réponse,

J'ai connu très - particuliere»ment M. Spinofa. Il m'a dit plus » d'une fois qu'étant à Utrecht avec » M. le Prince de Condé, ce Prince » après s'être entretenu avec lui, » lui fit de grandes inftances pour » l'engager de le suivre à Paris, & » d'y refter auprès de fa personne; » ajoûtant qu'outre fa protection, » fur laquelle il pouvoit compter, » il y auroit logement, bouche à » Cour & mille écus de penfion : à

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quoi Spinofa répondit, qu'il fup» plioit fon Alteffe de confiderer » que tout fon pouvoir ne feroit » pas capable de le foûtenir [ contre » le zele de quelques-uns] d'autant plus que fon nom étoit déja fort décrié par le Traité Theologique & » Politique, & qu'il n'y auroit point » de sûreté pour lui, ni de fatis

B. DE

»faction pour fon Alteffe.... Mais SPINOSA. "qu'il étoit prêt d'accompagner »fon Alteffe dans les armées, pour » le délaffer, s'il en étoit capable, » de ses travaux guerriers. M. le » Prince goûta ces raifons & le re

n

» mercia.

» J'ai auffi confulté, ajoûte M. » Des-Maizeaux, M. Buiffiere, cele»bre Chirurgien de Londres, qui » étoit alors à Utrecht en qualité » de Chirurgien de l'Hopital de » l'Armée : il m'a affuré qu'il avoit » vû plufieurs fois Spinofa entrer » dans l'appartement de M. le Prin» ce de Condé. Ainfi il n'y a plus » lieu de douter que ce Prince ne » fe foit effectivement entretenu » avec ce Philofophe. (Not. fur la Lettre 282. de Bayle.)

Le voyage de Spinofa à Utrecht penfa lui faire des affaires. On le foupçonna d'intelligence avec les ennemis de l'Etat, & fon Hôte voulut le faire fortir de chez lui; dans la crainte de voir piller fa maison, mais il le raffura, & cette affaire n'eut point de fuite.

La même année 1673. l'Electeur

Palatin

Palatin Charles Louis ayant entendu B. DE parler avantageufement de fa capa- SPINOSA. cité, & ayant vû fon Ouvrage fur la Philofophie de Defcartes imprimé en 1663. mais ignorant le venin qu'il cachoit dans fon fein, voulut l'attirer à Heidelberg, pour y enfeigner la Philofophie, & donna ordre au Docteur Fabricius, Profefleur en Theologie, & l'un de fes Confeillers, de lui en faire la propofi

tion.

Fabricius lui écrivit donc le 16. Fevrier de cette année & lui offrit au nom de fon Prince une chaire de Philofophie, avec une liberté trèsétendue de raifonner faivant fes primcipes, comme il le jugeroit à propos, Philofophandi libertatem habebis ampliffimam. Mais à cette offre il joignit une condition, qui n'accommoda point Spinofa; ce fut qu'il n'abuferoit point de cette liberté au préjudice de la Religion établie par les Loix; quâ te ad publicè abilitam Religionem conturbandam non abufurum credit.

Spinofa vit bien l'impoffibilité où il étoit de raifonner fuivant fes prin Tome XIII.

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B. DE cipes, & de ne rien avancer en mê SPINOSA.me tems qui fût contraire à la Religion établie, & ce fut ce qui l'engagea à refufer le pofte qu'on lui offroit. Sa Lettre à Fabricius eft du 30. Mars 1673. Il lui mande que L'inftruction de la jeunesse seroit un obftacle à fes propres études, & que jamais il n'avoit eu la pensée d'embrasser une femblable profession. Mais ce n'étoit là qu'un prétexte, & il fait affez connoître la veritable raifon de fon refus, en ajoûtant: De plus, je fais reflexion, que vous ne me marquez point dans quelles bornes doit être renfermée cette liberté, pour ne pas choquer la Religion établie.

Ce qu'on trouve dans le Menagiana, to. 3. p. 30. fur le compte de Spinofa, n'eft qu'une fuite de fauffetez. On y fait parler ainsi M. Menage. » J'ai oüi dire que Spinofa étoit » mort de peur qu'il avoit eu d'être » mis à la Baftille. Il étoit venu en » France, attiré par deux perfon

nes de qualité, qui avoient envie » de le voir. M. de Pompone en fut » averti; & comme c'étoit un Mi»niftre fort zelé pour la Religion,

il ne jugea pas à propos de fouf- B. DE »frir Spinofa en France, où il étoit SPINOSA, » capable de faire bien du defordre, » & pour l'en empêcher, il réfolut 2

» de le faire mettre à la Baftille. » Spinofa, qui en eut avis, fe fauva » en habit de Cordelier, mais je ne garantis pas cette derniere cir» conftance. Ce qui eft certain, et » que bien des perfonnes qui l'ont » vû, m'ont affuré qu'il étoit petit, » jaunâtre,qu'il avoit quelque chofe » de noir dans la phyfionomie, & » qu'il portoit fur fon visage un ca»ractere de reprobation.

Ce dernier article eft vrai, fuivant Bayle, qui affure avoir entendu dire la même chofe à des perfonnes qui l'avoient vû. Pour ce qui eft de fon voyage en France, & des circonftances dont on l'a accompagné, il n'eft rien de plus faux. Il n'y a jamais mis le pied, quoique des perfonnes de diftinction ayent voulu l'y attirer. Sa mort ne doit donc pas être attribuée à la crainte d'être mis à la Bastille.

Il étoit d'une conftitution trèsfoible, mal fain, maigre, & attaqué

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