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DES

SAVAN S,

SUR LES

AUTEURS

Qui ont traité de la Rhetorique,

AVEC UN PRECIS DE LA DOCTRINE

DE CES AUTEURS.

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Par M. GIBERT ancien Recteur de l'Univerfité & Professeur da Rhetorique au College de Mazarin.

TOME HUITIEM E..

A

AMSTERDAM,

A V X DE PENS DE LA COMPAGNIE,

M. D. C C X X V.

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PREFACE.

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IEN n'eft plus neceffaire à l'homme que la raison; rien auffi ne lui eft plus avantageux après elle que la parole. La premiere, parvenue à un certain point d'excellence, eft ce qu'on appelle Sageffe; la feconde, arrivée à un degré éminent de perfection, eft ce qu'on nomme Eloquence. La liaifon eft grande entre elles.

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eft rare qu'un homme qui penfe bien, ne puiffe pas s'exprimer avec dignité; & que celui qui s'exprime noblement, ne pense pas en même tems avec jufteffe. Il n'eft pourtant pas impoffible de rencontrer ces deux talens l'un fans l'autre (1). En ce cas, la raifon eft préferable (2) à la parole. Mais il faut convenir, felon la remarque: d'un grand Maître, que fi l'Eloquence fans la Sageffe eft une fource de maux, la Sageffe fans l'Eloquence ne produit pas de grands

biens (3).

C'eft auffi par cette confideration que l'amour même de la Sageffe a fait cultiver l'Art de bien parler; que ceux qui s'y font rendus habiles, ont pris plaifir à communiquer & à répandre leurs lumieres; que les autres fe font empreffez d'en profiter; que cette ardeur a multiplié les Maîtres & les Disciples de l'Eloquence; que tous les Livres font pleins de préceptes de Rhétorique, & que jamais on n'a tant écrit d'aucun Art, que de celui de perfuader.

Au milieu des Ouvrages qui ont été faits fur cette matiere, & de ceux qui fe feront encore, celui-ci peut être confideré ou comme un Sommaire des premiers, ou comme des Memoires pour les feconds. C'eft néanmoins le fondement d'un plus grand Ouvrage que je médite; c'eft par cette partie que j'ai dû le commencer.

J'ai entrepris fur les Orateurs ce que Monfieur Baillet a executé fur les Poëtes: mon deffein eft de rapporter les jugemens qu'on en a faits; & comme il a commencé par les Auteurs qui ont traité de l'Art poetique, je commence de même par ceux qui ont traité des préceptes de l'Eloquence, parce qu'on ne peut juger ni des Orateurs, ni des Poëtes, que par les regles de leur Art.

1 Fieri poteft ut rectè quis fentiat, & id quod fentit, politè eloqui non poffit. Cic. 1. Tusc. Quaft. n. 6..

2 Malo indifertam prudentiam, quàm ftúl tam loquacitatem. Cic. 3. de Orat. 140.

La

3 Sapientiam fine eloquentiâ parum prodeffe Civitatibus; Eloquentiam verò fine fapientiâ nimium obeffe plerumque, prodeffe numquam. Cic. I. 1. de Invent. n. 1.

La beauté du fujet, jointe à fon utilité, m'a porté à ce travail. J'ai confideré d'ailleurs que Monfieur Baillet ayant eu deffein de recueillir les jugemens des Savans fur toutes fortes d'Auteurs, fon projet ne devoit pas demeurer imparfait. Je me fuis flatté que mon entreprise exciteroit les Theologiens, les Philofophes, les Jurisconfultes, les Hiftoriens & autres, à fe charger, chacun dans fon reffort, de la partie de cet important travail qui lui conviendroit; de même que dans ma profeflion je me charge des Rhétoriciens & des Orateurs, fans m'exclure néanmoins de traiter quelqu'une des autres parties que j'ai nommées, fi je viens heureufement à bout de celle-ci, que j'ai choifie d'abord, parce qu'elle ne me tire point de ma fphére, & ne me détourne point de ma principale occupation. Par cette raifon, je ne me fuis point arrêté à ce qui, dans le plan de Monfieur Baillet, refte à faire fur les Poëtes. Il s'agiffoit de parler des Romans, qui font des Poëmes en profe; & il n'y avoit pas moins d'honneur à acquérir dans cette partie que dans les autres, mais elle me convenoit moins que celle-ci.

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On n'aime point d'ordinaire à travailler fur le plan d'un autre, la penfée qu'il y a plus d'honneur à choifir fon fujet, & à faire fon plan foi-même, que de bâtir en quelque forte fur le fond d'autrui: mais l'utilité publique doit l'emporter fur cette délicateffe; & d'ailleurs Monfieur Baillet ne fournit que le fujet des parties qu'il n'a point traitées, & rien n'empêche d'ajoûter quelque chofe à fon plan, ainfi que je fais dans ce que je donne aujourd'hui fur les Maîtres de l'Eloquence.

Ce fameux Auteur s'etant propofé de ne rapporter que les jugemens d'autrui fur tous les Ecrivains dont il prétendoit parler, en a ufe de la forte dans la premiere partie à l'égard des Critiques, des Grammairiens, & des Traducteurs. Il en a ufé de même dans la feconde à l'égard des Maîtres de l'Art poëtique & des Poëtes. De mon côté, je pourrai à fon exemple n'en pas faire davantage fur les Orateurs; mais fur les Maîtres de l'Art oratoire, je me permettrai quelque chofe de plus. J'ajoûterai le précis de leur doctrine aux jugemens que je rapporterai; & au lieu que Monfieur Baillet a fait profeffion de ne rien avancer de luimême, je hazarderai, en alléguant le fentiment d'autrui, de dire quelquefois le mien.

Quel moyen, en effet, de donner une pleine connoiffance des Auteurs qui ont écrit d'un Art, & de faciliter le choix qu'on en doit faire pour les études, qui eft la fin de cet Ouvrage, fi l'on ne donne quelque abregé de leurs préceptes? Du moins doit-on avouer que fi le fuccès de mon travail répond au deffein que je me fuis propofé, & au foin que j'ai pris de lire avec application les Auteurs dont je parle, je puis me flatter

I Ac veteres quidem Scriptores artis usque à principe illo & inventore Tifia repetitos, unum in locum conduxit Ariftoteles, & nominatim cujusque præcepta magnâ conquifita

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de donner par cette méthode un corps de Rhétorique, dont on me faura quelque gré.

C'est ce qu'Ariftote avoit fait fur les Rhéteurs qui l'avoient précedé (1); & c'est dommage que le tems n'aît point épargné cet écrit, très différent de la Rhétorique qui nous refte. Ce Philofophe y avoit recueilli les préceptes de tous les Maîtres avec tant d'art, de netteté & d'agrément, qu'on ne les cherchoit plus que dans fon livre. C'étoit fans doute un effet de l'habileté & de l'esprit de l'Auteur. Je fuis pourtant perfuadé que la nature des Ouvrages qu'il avoit abregez, ne contribua pas peu à un fi grand fuccès j'ai peine à croire qu'aujourd'hui on pût dégoûter le Public de la lecture des Traitez de Rhétorique que les premiers Maîtres nous ont laiffez. C'eft donc affez pour moi d'ébaucher dans ce Recueil les vrayes idées de cet Art, & de mettre mes lecteurs en état de lire les Originaux avec plus de profit & de plaifir.

Que fi, non content de rapporter & la doctrine des Auteurs, & les jugemens qu'on en a faits, je m'ingere auffi d'en juger moi-même, c'eft qu'il s'agit d'un Art que je profeffe, dont j'ai déja écrit, & fur lequel, par coninftruire féquent, il ne me convient pas de me montrer irréfolu. J'ai dû prendre mon parti il y a long-temps pour inftruire, puisque ce n'eft que douter.

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Si quelqu'un néanmoins n'approuve pas cette liberté, je le prie de confiderer qu'il n'eft guéres poffible, quand on rencontre quelque chofe de bon, de ne le pas approuver, auffi-bien que de ne pas condamner ce On a fait fur cela de grandes plaintes de Monque l'on trouve mauvais. qu'il ne tenoit pas fa parole. fieur Baillet: mais c'eft qu'on a prétendu qu'il Vous avez promis, lui difoit-on, de ne point porter votre propre ju,,gement, vous le faites néanmoins & très-fouvent, & très-librement On peut voir au commencement de fa feconde Partie, ce qu'il a répondu à quand je dis ceux qui n'étoient pas contens de fa méthode. Pour moi mon fentiment, je le fais moins en déclarant ce que je penfe, qu'en rapportant ce que les plus grands Maîtres ont penfé avant moi. Mais je m'en tiens au droit commun; & fans prétendre qu'on doive déferer à mes avis, ou mettre mon fuffrage au nombre de ceux des Savans, je dirai dans l'occafion mon fentiment, fauf à chacun de prendre le parti qu'il lui plaira.

Au refte, pour avoir ainfi travaillé fur les préceptes de Rhétorique, je ne prétends pas tout attribuer à l'Art. Je n'ignore pas auffi quels font les droits de la Nature. Je crois en connoître toute l'étendue: mais plus on voit que la Nature contribue au fuccès de l'Orateur, & plus on conçoit, quand on entend bien la matiere, que les regles y font auffi néceffaires. C'est la Nature qui donne l'Eloquence, & l'Art ne peut la donner à

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