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Tome 3.

pag. 79.

LXII.

Ignorance de Mr. Baillet dans for Métier de Bibliothécaire. Mr. Baillet n'a jamais la le Digefte.

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que

anonyme qui a écrit un Traité Jingulier de l'Autorité d'Homere parmi les jurisconfultes, dit que ce qui fait le sujet de fon étonnement de fon admiration, c'eft de voir que dans les Pandectes & les Inftitutes du Droit Civil on allégue l'autorité d'Hamere feul beaucoup plus fouvent que celle de tous les autres Poëtes enfemble, & celle de tout ce qu'il y a eu d'Orateurs de Philofophes mêmes, qui femblent a▾ voir plus de liaison avec les Jurifconfultes que les Poëtes. Il ajoûte, qu'à peine trou ve-t-on une citation de Platon & d'Ariftote dans tous les anciens Jurifconfultes dans les Compilations de Droit. On peut ni Démofthene ni Ciceron, ni aucun des autres Orateurs n'y font pas plus citez, non pas même Virgile. Mais on s'y eft fervi des témoignages d'Homere en plufieurs rencontres. Et cet Auteur prend occafion de là de le préferer à Virgile, comme

dire

que

nous le verrons ailleurs.

MENAGE. Si Mr. Baillet avoit pratiqué avec les gens de Lettres, il fauroit que cet Auteur fans nom eft un Auteur qui a un grand nom. C'est Mr. Fermat (1) Confeiller au Parlement de Touloufe, très-digne fils du grand Fermat, auffi Confeiller au Parlement de Touloufe. I m'a donné lui-même cette Differtation de Auctoritate Homeri apud Jurifconfultos, comme un Ouvrage de fa façon. Et j'en ai fait mention en cette qualité au chapitre 43. de mes Aménitez de Droit, en ces termes: Obiter & hic obfervandum, Clariffimum Fermatum, Senatorem Tolofa num, virum elegantiffimum && doctiffimum, verè TO TUTρÒS TO Tαidiov, de Auctoritate Homeri apud Jurifconfultos differtationem diligentiffimè nuper fcripfis

propres, ni l'en retrancher mal à propos. Saumaife ne prenoit point le de, M. de Fermat le prenoit. 11 faut donc les appeller comme ils s'appelloient

fe, & diligentiùs multò Scipione Gentili, qui idem argumentum tractavit Libro 2. Parergun ad Pandectas, capitibus, 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. & 15. Sed in qua ta men diligentiam ejus fugit hic locus Papiniani in Lege y. de Supellectile legata: Supellectilis menfas, &c. Le même Mr. Fermat a fait depuis r'imprimer cette mê me Differtation. Il ett vrai qu'il n'y a

tion de l'endroit de mes Aménitez de Droit: Suam præterea fententiam confirmat Homeri loco Papinianus lege IX. Digeftis de Supellectili legata: ut me nuper monuit vir Clariffimus&& doctiffimus, qui fæculi Varro nuncupatus fuit ab eximio Scriptore, Dominus Menagius, libro cui Titulus Amonitates Juris Civilis, iterum edito Lutetiæ Parifiorum anno 1676. Et ainfi, il ne peut être revoqué en doute que cette Dis iertation ne foit de Mr. Fermat.

Examinons maintenant les paroles de Mr. Baillet. On allégue l'autorité d'Homere feul beaucoup plus fouvent que celle de tous les autres Poëtes ensemble. Pourquoi ce mot de feul? A peine trouve-t-on une citation de Platon & d'Ariftote, &c. On peut dire que ni Démofthene ni Ciceron,

c. Platon eft cité par Calliftrate dans la Loi 2. de Nundinis: Ariftote eft cité par Julien en la Loi 36. de Solutionibus &liberationibus. Démofthéne eft cité par Marcianus en la Loi 2. de Legibus: & par Claudius Saturninus en la Loi 16. de poenis. I eft fait mention de Ciceron par Papinien en la Loi 8. Ad Legem Juliam Majeftatis. Et par Pomponius en la Loi fegonde, au paragraphe 40. de Origine Juris. Et au paragraphe 46. Et il eft cité par Ulpien au paragraphe 4. de la Loi 7. Quibus ex caufis in poffeffionem eatur. Et par Tryphonin en la Loi 39. de Bonis damnatorum. Et par Celfus, en la Loi 96. de Verborum fignificatione. Virgile eft cité par Marcianus en la Loi 6. de Divifione rerum qualitate. Xénophon eft: cité par Gaius en la Loi 233. de Regulis Juris. Et Théophrafte par Pomponius en la Loi 3. de Legibus. Et Chryfippe par Marcianus en la Loi 2, du même ti

tre.

eux-mêmes, & qui diroit M. Thou, & M, de Mé nage fe rendroit ridicule.

tre. Il eft auffi parlé du Poëte Ennius en la Loi 2. au paragraphe 38. de Origine Juris. Et ainfi, il ne faut pas prendre à la lettre ce qu'a dit Mr. Fermat, qu'Ho

LXIV.

Camaldoli.

mere eft feul plus cité dans le Droit De la Traduction de Laerce d'Ambroise de que tous les Orateurs, les Philofophes & les Poëtes. Homere n'eft cité que fix fois dans le Digefte, & trois dans les Inftitutes.

LXIII.

Ignorance de Mr. Baillet dans fon métier de Bibliothécaire. Cafaubon n'a point traduit Laërce.

Quoique Mr. Baillet faffe fon étude principale des Bibliographes, il n'entend point la Bibliographie. Je l'ai fait voir en plufieurs endroits de ces Remarques. En voici une nouvelle preuve. Il dit à la page 415. du Tome 2. que Cafaubon a traduit Diogene Laërce: ce qui n'eft pas véritable. Cafaubon a feulement fait des Notes fur Diogene Laerce. Mr. Baillet dit ailleurs que Mr. Pearfon, Evêque de Chefter, a fait des Notes & des Corrections fur Laerce: à quoi il n'a jamais fongé. Et dans fa Lifte des Traducteurs, il n'a point fait mention d'Aldobrandus, Traducteur de Laerce (1). Tout cela me fait croire que Mr. Baillet n'a jamais lû le Laerce de Londres, qu'il cite fans ceffe.

Monfieur BAILLET: page 384. du

Tome 2. Paul Jove ajoute, que la Verfion de Laerce d'Ambroife Camaldule n'a rien de l'éloquence & de la pureté de fa Traduction du Traité de la Hiérarchie de S. Denis, & qu'il s'en faut beauqu'elle foit limée & châtiée comme

celle-là.

MENAGE. L'Obfervation de Paul Jove eft véritable (2). Mais le principal defaut de cette Verfion de Laerce, c'eft la trop grande liberté avec laquelle elle a été écrite. Ce que j'ai remarqué dans mes Obfervations fur Laerce: en ces termes: Supereft ut de variis Diogenis Laërtii edi tionibus differamus. Primùm is Latinè prodiit Interprete Ambrofio, Monacho Camaldulenfi, viro non inerudito,fed qui tanta licentia in his libris vertendis ufus fuit, ut Scriptorem potiùs Hiftoriæ quàm Histo rici Interpretem dixeris. J'apprens de ces vers de Philelfe, que cet Ambroife Religieux de Camaldoli (il fut depuis General de fon Ordre) l'avoit prié de lui traduire en vers Latins les vers Grecs qui font dans Laërce (3):

1. Cet Auteur fe nomme en Latin Aldobran dinus, & non pas Aldobrandus. La même faute fe trouve ci-devant pag. 10. Dans un Ecrit François je dirois plutôt Aldobrandin, & voudrois en ufer toûjours ainfi à l'égard des Auteurs qui n'ont écrit qu'en Latin, lorfque leurs noms peuvent recevoir commodement une terminaifon Françoife.

2. Pour peu que M. Ménage eût jetté les yeux fur cette Verfion du Traité de la Hiérarchie il ne l'eût pas trouvée plus élégante que celle de Laerce par le même Ambroife, & fe fût par confequent bien garde de dire que l'obfervation de Paul Jove eft véritable.

3. Ambroise de Camaldoli ayant entrepris de traduire en Latin Diogene Laerce, & ne fe fentant pas de génie pour la verfification, pria Philelphe fon ami, Poëte de profeflion, de vouloir bien lui mettre en vers Latins les vers Grecs repandus dans l'Ouvrage de Diogene. Philelphe le lui promit. Cependant foit qu'il trouvât la chofe plus difficile qu'il ne l'avoit cruë d'abord, foit qu'il n'eût pas le loifir d'y travailler, il ne s'acquita point de fa promeffe: Ambroife s'en plaignit & c'eft le fu

Am

jet de cette Satire de Philelphe dans laquelle il ne ménage pas trop ce pauvre Religieux. S'il s'ennuie, dit-il, de garder fi long-tems fou Ouvrage fans le pullier, qu'il fe contente de traduire en profe ce qu'il ne fauroit traduire en vers. Il peut même en omettre plufieurs qui l'obligeroient à exprimer bien des chofes indignes de fon ca puchon:

Quod fi forte moram patitur minus ipfa cupido
Edendi decimum que jam produxit in annum,
Quod nequit ipfe metro poffit traducere profá,
Poffit item varios (fi malif) omittere versus.
Quippe quibus permulta fuo non digna cucullo
Sint verbis referenda fuis.

Ce fut une néceffité à Ambroife de prendre ce parti, fans avouer neanmoins que ce fut par impuisfance de mieux faire. C'eft un plaifir de voir comme il tourne cet article dans fon Epitre dédicatoire à Cofine de Médicis. Il y a, dit-il, plufieurs vers dans l'original que je n'ai point voulu exprès traduire en vers Latins, ne jugeant pas que ce mélange de vers parmi la profe convint autrement à la gravité de l'histoire, j'ai

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fait en forte feulement de ne rien altérer de la fidélité du fens. Les premiéres éditions de cette Verfion Latine parurent donc toutes en profe. Peu de tems après Benedetto Brugnoli de Legnago dans le Véronois, appellé par cette raifon tantôt Liniacenfis, tantôt Veronenfis, ayant été prié par les Badeari Nobles Vénitiens de revoir cette même Verfion, dans les exemplaires de laquelle il s'étoit gliffe quantité de fautes, en fit faire une nouvelle édition que dans fon Epitre dédicatoire à ces Meffieurs il leur garantit entiérement conforme à l'original du Traducteur aux vers près. Jufque-là ils n'avoient été rendus qu'en profe, Brugnoli en procura une traduction en vers Latins que bien des gens, Erafme entre autres, ont pris pour être d'Ambroife. Mais quelque bonne opinion que Brugnoli ait euë de fon travail, il eft aifé de-reconnoitre qu'en voulant retoucher l'ancienne Traduction il l'a gâtée en beaucoup d'endroits, les vers qu'il a fubftituez à la profe font miferables, & ceux qu'a donnez depuis Michel Bentin, & qu'Henri Etienne & d'autres ont emploiez dans leurs éditions, ne font pas meilLeurs. Ce Benedetto Brugnoli eft le Benedictus Pru

Tom. VII.

Cantio lenga quidem, tos me traducere varsus, Quot, gravium vitas defcribens ille virorum, Rettulit interpres. Si reddere quaque Latina Nititur Ambrofius, cur non quoque verfibus

ornat

Scripta fuis? Metrum nefcit, &c.

Philelfe dans une de fes Lettres, promet à Ambroise de Camaldole de lui traduire en vers Latins les vers Grecs qui font dans Laërce. Et dans une autre, en parlant d'une Lettre Grecque qu'il avoit reçue de lui, il dit, B8hóεVOS EXλVICEV, λατινίζει τοπαράπαν. Et il dit dans fa grande Lettre à Leodryfius Cribellus, qui eft la premiere du Livre XXVI. De Ambrofio Monacho nihil habes quod mihi obj cias. Nam ego illi, aut quandoque profui, cùm tempeftivè meo uti voluit officio, ant nocui numquam. Tanquam fis oblitus, te à nobis quandoque caftigatum, cùm virum illum protervius infcitie carperes, quòd in Diogene Laërtio transferendo, interpretationem verfuum, quibus totum illud opus refertum eft, prætermiferit. Et dans Lettre 22. du Livre XXVII. Sunt nonnulli qui putant fe fore Græcè eruditos fi eas interpretationes accuratiùs lectitarint ac didicerint, quas noftri Latini è bonis Græcis fecere malas Latinas. In quibus ea funt vel imprimis que ab Ambrofio, Camaldulenfi Monacho, traducta à pluribus habentur in pretio: At ego Diogenem Laërtium

cùm

mulus tant loué par Sabellic dans fon Dialogue de reparatione Lingua Latina. C'eft le même à qui Jule Scaliger a confacré un éloge à la fin de fes Héros au fujet d'un prétendu fonge qu'il déduit en vers, & que fon fils Jofeph raconte comme une merveille dans fa longue Lettre à Douza, quoique depuis en fa réfutation de la fable des Bordons il foit obligé de recourir à un autre Benedetto, & d'avouer que fon Pére avoit confondu l'un avec l'au tre. M. Ménage au commencement de fes Obfervations fur Laerce fait mention de Benedetto Brugnoli, mais il ne s'eft pas fouvenu, lors qu'il le fait précepteur de Jule Scaliger, que celui-ci bien loin de reconnoitre Brugnoli pour fon précepteur, feint au contraire, pour rendre fa vifion plus admirable, de ne l'avoir jamais connu, & dit que quand cet homme vénérable lui apparut en fonge il lui annonça qu'il étoit Benedetto Brugnoli natif de Legnago, précepteur autrefois de fes Oncles & de fon Pére, qu'il l'avoit porté petit enfant dans fes bras. Se Benedic tum Brugnolum effe, domo Leniaco, qui patrem Benedictum ac patruos literas primas docuiffet, ipfum quoque puerulum aliquando inter ulna gestaflet.

K

Tome I. page 78.

Tome 1.

cùm proximè attentiùs legerem, que ille traduxit, inveni errata propè infinita: adeo ut nihil effe ineptius, nihil corruptius, audeam affirmare. Carebam enim Graco codice: proinde utebar eo Latino._ Inpræfentiarum verò fum nactus etiam Græcum. Si quis igitur velit redifcere, legat Traductionem Camaldulenfis Ambrofii.

Voyez ce que j'ai écrit de ce Moine de Camaldoli dans mes Remarques fur la Vie de Mathieu Ménage.

LXV.

Erreurs de Mr. Baillet touchant l'Hiftoire Critique du Pere Simon.

des

Onfieur BAILLET. Le Pere SiM mon prétend que la plupart des Juifs, & particuliérement les Rabins qui n'ont point été animez de PEsprit Saint, & qui n'ont fuivi que leurs lumieres naturelles, ont écrit fans folidité: qu'ils n'ont que puérilitez cabaliftiques; & que le Talmud, par exemple, contient un million de fables, les unes plus impertinentes que les autres. L'Ecriture Sainte est toute mystique, toute allégorique, toute énigmatique. Et les Auteurs facrez, ayant voulu s'accommoder à Vefprit des Juifs, parmi lesquels & pour

lesquets als derivoient, wont point fait dif

ficulté d'employer ces expreffions figurées, pour communiquer aux hommes ce qu'il plaifoit à Dieu de leur inspirer.

MENAGE. Le Pere Simon n'attribue ces puérilitez cabaliftiques & ces allégo ries frivoles qu'à une certaine efpéce de Juifs: dont il ne fait aucune eftime: & il loue les autres Juifs qui fuivent le fens litteral de l'Ecriture. 11 eft à remarquer, que ces mots, l'Ecriture Sainte est toute mystique, &c. fout de Mr. Baillet, & non pas du Pere Simon.

Mr. BAILLET. Je ne prétens point page153. parler ici d'aucun des Livres facrez, tels que font les Livres des Rois; les Paralipoménes; & ceux des Maccabées. Quoique quelques Critiques, fur tout entre les Modernes, ayent voulu, ce femble, nous faire croire que ces Livres auroient pu donner quelque lieu à la perte qu'on a faite des Livres de Gad, d'Iddo, de Nathan, du Prophète Jébu, des Mémoires de Salomon, de la Chronique des Rois de Juda, de celles des Rois d'Ifraël, des cinq Livres de

Jafon le Cyrénien, & de quelques autres dont ils se font imaginez que ces Livres Saints qui nous font restez, ne font que des Extraits, ou des Abregez.

MENAGE. Mr. Baillet, dans fes Preuves, nomme parmi ces Critiques le Pere Simon dans fon Hiftoire Critique du Vieux Teftament. Mais il n'y a rien de femblable dans cette Hiftoire. Et le Pere Simon n'y a même rien rapporté touchant les Livres de Gad, d'Iddo, & de Nathan, qui ne fe trouve dans les Peres Grecs.

Mr. Baillet, au refte, n'a qu'entrevû l'Hiftoire Critique du Pere Simon: & il n'en a jugé que fur ce qu'en a dit l'Auteur de la Préface de l'édition d'Elzévir,& fur la Lettre de Mr. Spanheim. Cette Préface eft réfutée dans celle de l'édition de Roterdam, & dans la Réponse du Pere Simon aux Sentimens des Théologiens de Hollande.

LXVI..

Ignorance de Mr. Baillet touchant le tems que Pétrarque a ceffé de faire des vers d'amour. Mr. Baillet n'a jamais lû les Rimes de Pétrarque.

M quit jusqu'à l'âge de 40 ans dans les Page 6.d

Onfieur BAILLET. Pétrarque vé

amusemens agréables de la Poëfie, & dans les paffe-tems de la galanterie. Mais de puis ce tems-là, foit qu'il fût fatigué on défabufé dans les exercices de l'une de l'autre, foit qu'il voulût bien fe faire violence pour fouffrir une féparation, il renonca généralement à la bagatelle, & au plaifir qu'il y a d'être Poëte galant: jugeant qu'il étoit tems de vivre en Philofophe & en Chrétien: quoi qu'on puiffe dire qu'il traîna fes chaînes jusqu'à ce qu'il plût à Dieu de les rompre par la mort de få chere Laure, qui arriva l'an 1348. quatre ans après qu'il eut pris la réfolution de changer de vie d'études.

MENAGE. Mr. Baillet n'a pas l'honneur de connoître Pétrarque. Premiére--ment, Pétrarque n'étoit point galant: il étoit amoureux. D'ailleurs, il est trèsfaux qu'il ait ceffé à 40. ans de faire des vers d'amour. Et en troifiéme lieu, il eft auffi très-faux qu'il ait ceffé d'être a moureux quatre ans avant la mort de Laure. Il devint amoureux de Laure

dans

du

Sonnet 85. de la deuzième partic,

que les Poëtes qui font venus après lui font gloire de prendre de fes vers entiers dans leurs Poëmes. Et après cela, comment Mr. Baillet peut-il juger des Poëtes Italiens?

dans l'Eglife de Sainte Claire d'Avignon
le fixiéme Avril 1327. comme il l'a écrit
lui-même. Et en ce tems-là, il étoit âgé
de 23. ans, & de quelques mois. Laure
mourut à Avignon le fixiéme jour du mê-
me mois, de l'année 1348. Depuis ce
tems-là, il l'aima encore dix ans. Les-
quels dix ans ajoûtez à vingt & un qu'il
l'avoit aimée pendant fa vie, font trente Mr. Baillet n'a jamais lû les Confidérations
& un an. C'eft de lui-même que nous
avons appris cette particularité.

Tennemi Amor anni vent' uno, ardendo
Lieto nel fuoco, e nel duol pien di speme:
Poi che Madonna, e'l mio cor feco infeme
Saliro al Ciel, dieci altri anni piangendo.

Il avoit donc cinquante-quatre ans quand il ceffa de l'aimer. Et fi on en croit Ludovico Beccadello Archevêque de Ragufe, il l'aima toute fa vie. Grandemente Aunque l'amò: & in vita di lei, che furono anni 21. e dopo morte per fin ch' egli viffe; che furono 26. Et ainfi, quand Pétrarque a écrit, dans fon Epître de Studiorum fuorum fucceffu, que la mort de Laure avoit éteint fon amour qui commençoit à fe rallentir, cela doit s'entendre de fon amour véhément : & non pas de fon amour en général. Pour ce qui eft des vers, il en a fait toute fa vie: comme il le témoigne lui-même dans fon écrit à la Pofterité. Ce qui a été remarqué en ces termes, par le même Beccadello: la fua vecchiezza fpefe tutta in facre lezzioni. Dice bene averfi riservato per spasso & ornamento le Mufe.

Il paroît par toutes les chofes qu'a dites ici Mr. Baillet qu'il n'a jamais entrevû les Rimes de Pétrarque. S'il les avoit entre vues, il fauroit que ces Rimes font divifées en trois parties: que la premiere comprend les vers que Pétrarque a faits in vita di Madonna Laura: que la fegonde comprend ceux qu'il a faits in morte di Madonna Laura: & la troifiéme, les Triomphes: qui font encore des vers fur la mort de Madame Laure: qu'il ne publia pas de fon vivant, n'y ayant pas mis la derniere main.

Il est donc vrai de dire que Mr. Baillet n'a jamais vu les Rimes de Pétrarque, le Prince des Poëtes Italiens, & qui eft d'une fi grande autorité parmi les Italiens,

LXVII.

du Tafoné fur Pétrarque.

Mfalloit dire le Talloni) a donc fait fur

Onfieur BAILLET. Taffoni, (il

Pétrarque des remarques, dans lesquelles il le traite avec une sévérité inexorable. Il n'y a prefque pas une locution ni un mot dans toutes fes Oeuvres Poetiques auquel il veuille faire grace. Il y reprend générale ment toutes choses. Il prétend que tout eft plein d'abfurditez & de defauts inexcufa bles, &c.

MENAGE. Puifque Mr. Baillet n'a point lû Pétrarque, il ne faut pas s'étonner qu'il n'ait point lê les Commentateurs de Pétrarque. Le Taffoné n'eftime pas feulement, mais il admire un nombre infini des vers de Pétrarque. Les paffages fuivans le vont démontrer. Page 334. fur le Sonnet O dolci (guardi, qui eft le 214. de la premiere Partie : Io ammiro questo Sonetto per la maniera chiara, nobile, e dolce con che è spiegato.

Page 220. fur le Sonnet Nè così bello, qui eft le cent onziéme de la premiére partie: E' Sonetto graziofiffimo.

Et page 42. fur le Sonnet Sono animali; qui eft le 16. de la même partie: Avanza quefto Sonetto senza alcun dubbio tutti i paffati di bontà: percioche non à parte al cuna difconvenevole: è diftinto con metodo: lo ftile è dolce e maeftofo: la comparazione è vaga; e risponde di parte in parte.

Page 433. fur le Sonnet Conobbi; qui eft le 68. de la fegonde partie: Quefto Sonetto è in iftile magnifico, ed avanza al mio giudicio quanti ne componeffe il Poëta in così fatto ftile.

Et page 382. fur le Sonnet Quanta invidia; qui eft le 32. de la fegonde partie: E quefto pure è di concetti ordinari, non punto ordinariamente (piegati. E l'ordine con che è tessuto, è mirabile, fe fi confidera la varietà con che ripiglia quattro volte lo ftesso.

Et à la même page, fur le Sonnet Val-
K 2

be,

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