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nous ont laiffez fur la grandeur & les bienfaits de Dieu.

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Ses Cenfeurs fe récrient au contraire fur les fauffes idées que les Poëtes fe font formés de la vertu, fur les cou leurs qu'ils donnent aux vices, & fur les fables extravagantes qu'ils ont débitées des Dieux.

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Tout cela n'eft point la Poëfie; & cette maniere d'en juger, eft une fource infinie de contradictions. Il n'y a qu'à établir précisément en quoi elle confifte, & régler enfuite là deffus le jugement qu'on en doit faire.

Elle n'étoit d'abord differente du difcours libre & ordinaire, que par un arrangement mefuré des paroles, qui flatta l'oreille à mesure qu'il fe perfectionna. La fiction furvint bien-tôt avec les figures; j'entens les figures hardies, & telles que l'éloquence n'oferoit les employer. Voilà, je croi, tout ce qu'il y a d'effentiel à la Poëfie.

C'eft d'abord un préjugé contre elle que cette fingularité ; car le but du difcours n'étant que de fe faire entendre, il ne paroît pas raisonnable de s'imposer

une contrainte qui nuit fouvent à ce deffein, & qui exige beaucoup plus de temps pour y réduire fa pensée, qu'il n'en faudroit pour fuivre fimplement

l'ordre naturel de fes idées.

La Fiction eft encore un détour qu'on pourroit croire inutile; car pourquoi ne pas dire à la lettre ce qu'on veut dire, au lieu de ne préfenter une chofe, que pour fervir d'occasion à en faire penfer un autre?

Pour les Figures, ceux qui ne cherchent que la verité, ne leur font pas favorables; & ils les regardent comme des piéges que l'on tend à l'efprit pour de féduire.

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C'eft fur ces principes que les anciens Philofophes ont condamné la Poëfie. Cependant malgré tous ces préjugés, elle n'a rien de mauvais que l'abus qu'on en peut faire, ce qui lui eft commun avec l'éloquence. On voit feulement que fon unique fin eft de plaire. Le nombre & la cadence chatouillent l'oreille; la fiction flatte l'imagination; & les paffions font excitées par les fi

gures.

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Ceux qui fe fervent de ces avantages pour enfeigner la vertu, lui gagnent plus fûrement les cœurs, à la faveur du plaifir; comme ceux qui s'en fer vent pour le vice, en augmentent encore la contagion par l'agrément du discours.

Mais choix ne tombe point fur la poëfie; il caractérise feulement les différens Poëtes, & non pas leur art, qui de lui-même eft indifferent au bien & au mala

Il eft vrai que comme cet art demande beaucoup d'imagination, & que c'est ce caractere d'efprit qui détermine le plus fouvent à s'y appliquer, on ne fuppofe pas aux Poëtes un jugement fûr, qui ne fe rencontre gueres avec une imagination dominante, En effet les beautés les plus fréquentes des Poëtes confiftent en des images vives & détaillées, au lieu que les raifonnemens y font rares, & prefque toûjours fuperficiels.

Ils ont laiffé le dogmatique aux philofophes ; & ils s'en font tenus à l'imition contents de l'avantage de plaire,

tandis que les autres afpiroient à l'honneur d'inftruire.

Je fçai que de grands hommes ont fuppofé à prefque tous les genres de poëfie, des vûës plus hautes & plus folides; ils ont crû que le but du poëme épique étoit de convaincre l'efprit d'u ne verité importante; que la fin de la tragédie étoit de purger les paffions, & celle de la comédie de corriger les mours. Je crois cependant, avec le refpect que nous devons à nos maîtres que le but de tous ces ouvrages n'a été que de plaire par l'imitation.

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... Soit que l'imitation, en multipliant en quelque forte les évenemens & les objets, fatisfaffe en partie la curiofité humaine foit qu'en excitant les paffions, elle tire l'homme de cet ennui qui le faifit toûjours dès qu'il eft trop à lui-mêmes foit qu'elle infpire de l'admiration pour celui qui imite; foit qu'elle occupe agréablement par la comparaifon de l'objet même avec l'image; foit enfin, comme je le crois, que toutes ces caufes fe joignent & agiffent d'intelligence; l'efprit humain n'y trouve que

trop de charmes, & il s'eft fait de tout temps des plaifirs conformes à ce goût qui naît avec lui.

Les Poëtes ont fenti ce penchant en cux-mêmes, & l'ont remarqué dans les autres. Ainfi certains de plaire en s'y abandonnant, ils ont imité des évenemens & des objets, ce que leur humeur particuliére leur en a fait juger le plus agréable.

Les imaginations tranquilles & touchées des agrèmens de la vie champê tre, ont inventé la poëfie paftorale. Les imaginations vives & turbulentes qui ont trouvé de la grandeur dans les exploits militaires & dans la fortune des érats, ont donné naissance au poëme épique.

C'eft d'une humeur trifte & compa→ tiffante aux malheurs des hommes que nous eft venue la Tragedie; comme au contraire, c'eft d'une huineur enjoüée, maligne, ou peut-être un peu philofo. phique, que font nées la Comédie & la Satyre. Mais encore une fois, dans tous ces differens ouvrages, je penfe qu'on n'a eu communément d'autre

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