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Le SN

effort augmenter fa légéreté naturelle & en achever plus rapidement fa course.

On voit affez par tous ces ufages que blime. l'ode tend particulierement au fublime. Ainfi les poëtes lyriques ne fçauroient s'appliquer avec trop de foin à le connoître & à le chercher.

Mais je ne fçais fi la nature du fublime eft encore bien éclaircie. Il me femble que jufqu'à préfent on en a plutôt donné des exemples que des définitions. Il est néanmoins important d'en fixer l'idée; car les exemples ne font que des moyens de comparaison fujets à mille erreurs; au lieu que les définitions font juger des chofes par un principe invariable, fans avoir recours à des analogies toûjours: très imparfaites.

J'oferai donc expofer là deffus ma conjecture, qui ne peut être qu'utile, quand elle ne feroit qu'exciter quelqu'un à en trouver le faux, & à lui opposer la verité. Je crois que le fublime n'est autre chofe que le vrai & le nouveau réünis dans une grande idée, exprimés avec élégance & précifion, J'entens par

que

la

le vrai, une verité pofitive,comme dans ces paroles de Moyfe: Dien dit Lumiere fefaße, & la lumiere fe fit; ou feulement une verité de convenance & d'imitation, comme dans ce fentiment d'Ajax :

Grand Dieu,rend nous le jour,& com

bats contre nous.

où fur le caractere de ce Guerrier une fois connu, on voit qu'il a dû penfer ce qu'Homere lui fait dire. J'entens par le nouveau, la nouveauté des choses en elles-mêmes, ou du moins celle de la maniere de les ordonner & de les dire. J'entens enfin par grande idée les penfées qui étonnent l'efprit, ou qui flattent l'orgueil humain.

J'ajoûte l'élégance & la brieveté, fans lesquelles tout cet affemblage manqueroit encore fon effet; mais en les y joignant, où raffemblera-t-on ces trois qualités que je viens de dire, qu'on n'y fente auffi-tôt le fublime? Et au contraire, où le sentira-t-on, fi quelqu'une de ces qualités manque ?

Tout le monde convient aujourd'hui que fans le vrai, il ne peut y avoir de

folide beauté, ni par consequent de fublime. On peut bien féduire quelque fois fans lui; mais l'illufion fe diffipe bien-tôt, & l'on traite de puérile, ce que l'on avoit d'abord trouvé grand. Les pointes & les jeux de mots qui avoient été inventés pour fuppléer au défaut du vrai, ont ceffé de plaire dès qu'il a reparu. Ila réuni tous les goûts, ceux mêmes qui ne le connoiffent pas le demandent, & n'applaudiffent qu'à ce qu'ils prennent pour lui.

Lanouveauté n'eft pas moins neceffaire au fublime; car il eft de fon offence de faire une impreffion vive fur les efprits, & de les frapper d'amiration. Le moyen fans nouveauté de produire ces grands effets ? ce qui eft familier a l'efprit, n'y fçauroit plus faire qu'une impreffion languiffante. Ileft vrai qu'en remontant au tems & aux circonftances, où une chofe fublime a été dite, on reconnoît bien qu'elle a dû étonner alors; & on l'admire foi-même, en la regardant dans fon origine; mais l'imi tateur qui la répete, ne peut plus que furprendre l'eftime de ceux qui l'igno

rent, & qui prennent fa mémoire pour du génie.

La plupart des écrivains devroient rechercher un peu plus la nouveauté, au péril de donner moins d'ouvrages. Ils penfent que pour copier ce qu'ont dit de grands hommes, ils font eux-mêmes de grands hommes. Mais le public ne s'y trompe pas comme eux, & il fçait méprifer des auteurs qui ne lui difent que ce qu'il a cent fois admiré.

Qu'on ne dife pas qu'il n'y a plus de penfées nouvelles, & que depuis que l'on pense, l'efprit humain a imaginé tout ce qui fe peut dire. Je trouverois auffi raifonnable de croire que la nature s'eft épuisée fur la difference des vifages, & qu'il ne peut plus naître d'homme à l'avenir qui ne reffemble précisément à quelqu'autre qui ait été. L'expérience ne prouve que trop qu'avec cette reffemblance générale que les hommes conferveront toûjours entr'eux, ils ne laifferont pas d'avoir des differences confidérables. Je croi de même que nos pensées, quoiqu'elles roulent toutes fur des idées quinous font communes, peuuent cepen

dant par leurs circonstances, leur tour & leur application particuliere, avoir à l'infini quelque chofe d'original.

Les grandes idées font encore effentielles au fublime; car ce n'est pas affez qu'il plaife, il doit élever l'efprit, & c'eft précisément cet effet qui le caractérife. Il faut donc de grands objets & des fentimens extraordinaires. La def cription d'un hameau peut bien plaire par la naivete & la grace; mais Neptune calmant d'un mot les flots irritez, Jupiter faifant trembler les Dieux d'un clein d'œil, ce n'eft qu'à de pareilles images qu'il appartient d'étonner&d'élever l'imagination. Pour les fentimens, on peut bien être touché des plus foibles & de ceux qui nous font les plus familiers; mais nous n'admirons que ceux qui font au deffus des foiblefles communes,& qui par une certaine grandeur d'ame qu ils nous communiquent, augmentent en nous l'idée de notre propre excellence.

Au refte, comme je l'ai dit, c'eft à l'élégance & à la précision à mettre le fublime dans tout fon jour. C'eft même

quelque

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