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ment des vaisseaux. Par exemple, lorsque Cook partit de l'île de Taïti, en décembre 1777, pour aller faire des décou vertes au nord, il découvrit, sur sa route, les îles Sandwich, où il aborda sans difficulté, parce que le courant du pôle sud lui étoit favorable; mais lorsqu'il retourna du nord pour prendre des rafraîchissemens aux mêmes îles, il eut ce courant du sud si contraire dans la même saison, que les ayant aperçues le 26 novembre 1778, il mit plus de six semaines à louvoyer pour en atteindre le mouillage, et ne put y jeter l'ancre que le 17 janvier 1779. Ainsi, la vraie saison pour aborder aux îles qui sont à une latitude plus élevée que celle d'où l'on part, est l'hiver de leur hémisphère; car alors, on est favorisé par les courans de l'hémisphère opposé, et c'est ce que prouve le premier voyage de Cook aux îles de Sandwich. Mais le contraire arrive lorsqu'on veut aborder à une île moins élevée en latitude, dans l'hiver de son hémisphère, comme on le voit par l'exemple de son retour aux mêmes iles. Je pourrois multiplier les faits en faveur d'une théorie si importante à la navigation; mais j'abuserois de l'attention du lecteur. J'ose donc me flatter d'a voir mis dans le plus grand jour la con

cordance des mouvemens des mers avec ceux du soleil, et leur discordance avec les phases de la lune.

Je pourrois faire plus d'une objection contre le systême même d'attraction par lequel Newton rend compte du mouvement des planètes dans les cieux. Ce n'est pas que je nie en général la loi de l'attraction, dont nous voyons des effets sur la terre dans la pesanteur des corps et dans le magnétisme; mais je ne trouve pas que l'application que Newton et ses partisans en ont faite au cours des planètes, scit juste. Selon Newton, le soleil et les planètes s'attirent réciproquement avec des forces qui sont en raison directe des masses et en raison inverse du carré de la distance. Une seconde force se combine avec l'attraction, pour maintenir les planètes dans leurs orbites. Il résulte de ces deux forces une ellipse pour la courbe décrite par chaque planète. Cette ellipse est continuellement altérée par les actions que les planètes exercent les unes sur les autres. Au moyen de cette théorie, le cours de ces astres est tracé dans le ciel avec la plus grande précision suivant les Newtoniens. Le cours seul de la lune avoit paru s'y refuser; mais

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pour me servir des termes d'une introduction à l'étude de l'astronomie, dont l'extrait a paru dans le Mercure du premier décembre 1787, n° 48, ce satellite, que le célèbre Halley appeloit un astre rebelle, Sydus pertinax, à cause de la grande difficulté de calculer les irrégularités de son cours, a « été enfin maîtrisé par les sayantes mé thodes de MM. Clairault, Euler « Dalembert, de la Grange et de la « Place. »

Ainsi voilà donc les astres les plus rebelles soumis aux lois de l'attraction. Je n'ai qu'une petite objection à faire contre cet empire et les savantes méthodes qui ont maîtrisé le cours de la lune. Comment se peut-il que les attractions réciproques des planètes, aient pu être calculées avec tant de justesse par nos astronomes et qu'ils en aient pesé si exactement les masses, lorsque la planète découverte depuis quelques années par Herschel, n'est pas encore entrée dans leurs balances? Cette planète n'attire donc rien et n'est donc point. attirée?

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A Dieu ne plaise que je me propose de détruire la réputation de Newton et des savans qui ont marché sur ses pas.

Si d'un côté ils nous ont jeté dans quelques erreurs, ils ont contribué de l'autre à augmenter les connoissances de l'esprit humain. Quand Newton n'auroit inventé que son télescope, nous lui devrions beaucoup. Il a étendu pour l'homme la sphère de l'univers et le sentiment de l'infinité de Dieu. D'autres ont répandu dans toutes les conditions de la société, le goût de l'étude de la nature par les superbes tableaux qu'il nous en ont présentés. En relevant leurs fautes, j'ai respecté leurs vertus, leurs talens, leurs découvertes et leurs pénibles travaux. Des hommes aussi célèbres, tels que Platon, Aristote, Pline, Descartes,etc., avoient accrédité comme eux de grandes erreurs.... La philosophie d'Aristote avoit été seule pendant des siècles le plus grand obstacle à la recherche de la vérité. N'oublions jamais que la république des lettres doit être une véritable république, qui ne reconnoît d'autre autorité que celle de la raison. D'ailleurs, la nature a mis chacun de nous dans le monde, pour correspondre directement avec elle. Son intelligence luit sur tous les esprits, comme son soleil éclaire tous les yeux. N'étudier ses ouvrages que dans des sys

têmes, c'est ne les observer qu'avec les yeux d'autrui.

Je n'ai donc voulu m'élever sur les ruines de personne. Je ne cherche point de piédestal. Un gazon suffit à qui n'aime plus que le repos. Si moi-même j'osois faire l'histoire de la foiblesse de mon esprit, j'exciterois la pitié de ceux dont j'ai peut-être irrité l'envie. De combien d'erreurs, depuis l'enfance, n'ai-je pas été le jouet ! Par combien de faux aperçus, de mépris injustes, d'estimes mal fondées, d'amitiés trompeuses, ne me suisje pas fait illusion! Ces préjugés ne me sont pas venus seulement sur la foi d'autrui, mais sur la mienne. Ce ne sont point des admirateurs que j'ambitionne, mais des amis indulgens. Je fais bien plus de cas de celui qui excuse mes défauts, que de celui qui exagère mes foibles vertus. L'un me supporte dans ma foiblesse, et l'autre s'appuie sur ma force; f'un m'aime dans mon indigence, et l'autre dans ma prétendue richesse. Autrefois, j'ai cherché des amis parmi les gens du monde mais je n'y ai guère trouvé que des hommes qui ne veulent que des complaisans ; des protecteurs qui pèsent sur vous au lieu de vous soutenir, et qui vous accablent lorsque vous

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