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François van den Ende, qui l'enfei- B. DE gnoit alors à Amfterdam, & y exer- SPINOSA. çoit en même tems la profeffion de Medecin. Cet homme enfeignoit avec beaucoup de fuccès & de réputation; deforte que les plus riches Marchands de la Ville lui confioient l'inftruétion de leurs enfans, avant qu'on cût reconnu qu'il enfeignoit à fes difciples autre chofe que le Latin car on découvrit enfin qu'il répandoit dans l'efprit de ces jeunes gens des femences d'Athéifime. Cette découverte l'ayant décredité, il fut obligé d'aller chercher de l'emploi ailleurs, & paffa en France, où quelques années après, c'est-à-dire en 1674. il fut pendu, pour avoir trempé dans l'affaire du Chevalier de Rohan.

Spinofa, après avoir appris la Langue Latine fous cet homme,qui ne lui infpira que trop fes principes dangereux, comme il parut dans la fuite, s'appliqua à l'étude de la Theologie, qui l'occupa pendant quelques années. Il paffa enfuite à la Philofophie, qui eut pour lui un attrait particulier. Il déli•

B. DE beroit fur le choix d'un Maître qui SPINOSA. pût lui fervir de guide dans cette fcience, lorfque les Œuvres de Def cartes lui tomberent entre les mains. Il les lut avec avidité, elles lui plurent, & il a fouvent declaré depuis que c'étoit de là qu'il avoit puifé tout ce qu'il fçavoit de Philofophie.

Il étoit fur tout charmé de cette maxime de Descartes, qu'on ne doit jamais rien recevoir comme veritable, qu'il n'ait été auparavant prouvé par de bonnes & folides raifons; & il en tira cette conféquence, que la doctrine & les principes ridicules des Rabbins Juifs ne pouvoient être. admis par un homme de bon fens ; puifque ces principes font établis uni quement fur l'autorité des Rabbins même, fans que ce qu'ils enfeignent vienne de Dieu, comme ils le prétendent fans aucune raifon.

Il commença alors à être fort refervé avec les Docteurs Juifs, dont il évita depuis le commerce autant qu'il lui fut poffible; & on le vit rarement dans leurs fynagogues, où il ne fe trouvoit que par maniere

d'acquit; ce qui les irrita extrê- B. DE mement contre lui. Car ils ne dou- SPINOSA. toient point qu'il ne dût bientôt les abandonner, & fe faire Chrétien. Cependant il n'a jamais embraffé le Chriftianifme, ni reçu le Batême; & quoiqu'il ait eu depuis fa defertion du Judaïfme de fréquentes con-: verfations avec quelques fçavans Mennonites, auffi-bien qu'avec les perfonnes les plus éclairées des autres fectes Chrétiennes, il ne s'eft pourtant jamais declaré pour aucune, & n'en a jamais fait profeffion.

Les Juifs firent tout leur poffible pour le retenir, & lui offrirent même pour cela une penfion, qui devoit aller à douze florins; mais il la refufa, quoiqu'il continuât de garder quelques mefures avec eux, & il les auroit peut-être toujours menagez, fans l'accident qui lui ar

riva.

Un jour qu'il fortoit de la fynagogue, il vit auprès de lui un homme le poignard à la main prêt à le frapper, ce qui l'obligea à s'écarter & à éviter le coup, qui porta feule

B. DE

ment dans fon habit. Il a toujours

SPINOSA. gardé depuis cet habit, pour en

conferver la memoire. Jean Colerus, qui rapporte ce fait, dit l'avoir appris de l'Hôte & de l'Hôteffe de Spinofa, à qui il l'avoit fouvent raconté. Ainfi il eft plus sûr de s'en rapporter à lui, qu'à Bayle, qui dit que ce fut en fortant de la Comedie qu'il fut attaqué par un Juif, qui lui donna un coup de couteau, dont la bleffure fut legere.

Quoiqu'il en foit de ce fait, il eft sûr que Spinofa rompit alors entierement avec les Juifs; ce qui fut la caufe de fon excommunication, qu'on ne prononça cependant contre lui, qu'après qu'il eut paru encore devant les anciens de la fynagogue.

Il avoit été accufé de méprifer la loi de Moyfe, mais il s'en défendit toujours, & le nia conftamment, jufqu'à ce qu'on produisît contre lui des témoins, avec lef quels il s'étoit expliqué fur fes vrais fentimens,& qui dépoferent » qu'ils » l'avoient oui fe mocquer des Juifs, » comme de gens fuperftitieux,

#nez & élevez dans l'ignorance, B. DE » qui ne fçavent ce que c'eft que SPINOSA »Dieu, & qui néanmoins ont l'au» dace de fe dire fon peuple, au » mépris des autres Nations; que » pour la Loi elle avoit été insti» tuée par un homme plus adroit » qu'eux, à la verité, en matiere » de politique, mais qui n'étoit » gueres plus éclairé dans la Phyfique, ni même dans la Theolo» gie; qu'avec une once de bon >> fens on en pouvoit découvrir l'impofture, & qu'il falloit être aufsi ftupide que les Hebreux du tems » de Moyfe, pour s'en rapporter à » lui.

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Ces paroles impies exciterent P'indignation de la Synagogue, qui après lui avoir donné un délai, fuivant la coutume, prononça contre lui la Sentence d'excommunication & le retrancha de fon corps. Spinofa compofa alors en Espagnol fon Apologie, mais cet écrit n'a pas été imprimé, il en a seulement inferé plufieurs chofes dans fon Tractatus Theologico-Politicus.

La conduite des Juifs à son égard

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