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Il y a une grande différence des dents & des mâchoires de la vipere à celles de la couleuvre; car celle-ci n'a point de dents canines, mais elle furpaffe la vipere quant au nombre des mâchoires & des dents, elle a quatre mâchoires fupérieures & deux inférieures (internes & externes ), avec treize dents à chaque mâchoire fupérieure externe, autant à chacune des inférieures, & vingt à chaque mâchoire fupérieure interne, en forte qu'on peut compter jufqu'à quatre-vingt-douze dents dans une feule couleuvre; & toutes ces dents font crochues, creuses, blanches & diaphanes, de même que celles de la vipere.

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Les dents venimeufes de la vipere ont dans la partie interne de leurs racines, de petites ouvertures qui donnent paffage aux vaiffeaux qui leur apportent la nourriture dont elles ont befoin. Il eft bon de remarquer que la Nature a donné aux viperes des dents fatales, dont la force eft indépendante de l'âge, pour qu'elles puiffent accrocher & tuer leur proie dès le moment qu'elles viennent au monde. Les mâchoires fupérieure & inférieure font de plus garnies de dents, qui font celles de la troifieme efpece; elles reffemblent à de petits crochets elles font recourbées comme les grandes ou canines, à la réferve qu'elles n'ont ni fente, ni ouverture, & qu'elles font beaucoup plus petites, elles font même les dents les plus petites; elles font implantées fortement au nombre de huit, de dix, même de quinze dans deux petits os affez longs & paralleles, qui forment de chaque côté la mâchoire fupérieure ; on en compte auffi depuis huit jufqu'à douze dans chacun des deux os qui forment la mâchoire inférieure. Cette troifieme forte de dents fert à la vipere à s'affurer de fa proie dans le temps où elle mord, de peur qu'en fe débattant pour s'échapper, elle n'arrache les groffes dents; en un mot, ces petites dents

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fervent à rapprocher du gofier & à tenir plus ferme l'animal que la vipere a faifi pour le dévorer.

Après avoir décrit les inftrumens qui dardent le venin, nous allons, d'après le Docteur Mead, examiner ceux qui fervent à le préparer & à le contenir.

Cette liqueur eft féparée du fang par deux glandes fituées de chaque côté de la tête, directement derriere l'orbite de l'oeil : chacune de ces glandes eft immédiatement placée fous le muscle qui fert à abaiffer la mâchoire fupérieure, de façon que celui-ci ne peut agir qu'il ne la preffe, ce qui facilite la fécrétion de la liqueur qu'elle contient. Ces glandes font conglomérées ou compofées de plufieurs autres glandes plus petites, enfermées dans une membrane commune, dont chacune envoie un vaiffeau excrétoire qui fe dégorge dans un vaiffeau plus grand qui va fe vider dans la véficule des gencives: cette véficule couvre la racine des groffes dents; elle eft compofée de plufieurs fibres longitudinales & circulaires, à l'aide defquelles elle fe refferre dans le temps que les dents fe levent; c'eft par le moyen de cette contraction que le venin s'infinue dans l'ouverture qui eft pratiquée à la racine de la dent, & vient fortir par celle qui eft vers fa pointe. On ne doutera point de la vérité de ce que j'avance continue le Docteur Mead, lorfqu'on faura que pour m'en convaincre j'ai coupé la tête à plufieurs viperes vivantes, & que leur ayant fait ouvrir la gueule, en leur preffant le cou, j'ai vu jaillir le venin comme d'une feringue. Lorfque la vipere refte tranquille avec la ` gueule fermée, les dents demeurent couchées fur la mâchoire & couvertes de la véficule extérieure ; mais lorsqu'elle veut mordre, elle ouvre confidérablement la gueule, & par le mécanisme qui s'opere alors, fes dents fe trouvent vifiblement redreffées; leurs pointes paroiffent: la vipere avance fes dents,

dans cet état, conjointement avec la mâchoire fupérieure & les enfonce en même temps qu'elle fait couler fon venin dans la plaie.

La vipere ne mord jamais qu'elle n'enfonce fes dents jufqu'à la racine, & par-là les véficules fouffrent une compreffion qui facilite encore plus la fortie du venin. On remarquera que la vipere peut mouvoir l'un des côtés de la mâchoire fans que l'autre remue, à caufe qu'elles ne font point articulées par leur extrémité comme dans les autres animaux ce qui lui eft extrêmement avantageux dans la déglutition; car tandis que les dents d'un côté restent immobiles & enfoncées dans la proie pour empêcher qu'elle n'échappe, celles de l'autre s'avancent en dehors pour mieux l'attirer en dedans, & l'affujettiffent jufqu'à ce que les premieres s'avancent à leur tour: elles agiffent fucceffivement, & pouffent l'animal entier (car la vipere n'a ni dents incifives, ni molaires pour broyer) dans l'oefophage, dont les fibres mufculaires font trop foibles pour pouvoir agir.

Il n'eft pas inutile, avant d'examiner la nature de ce venin, auffi bien que la maniere dont il agit de faire obferver que la fage Nature n'a pas eu deffein, en le produifant, de nuire au genre humain, & que fon unique but a été de veiller à la confervation de l'individu qui ne fauroit abfolument s'en paffer; car les viperes fe nourriffent principalement de lézards, de grenouilles, de crapauds, de fouris, de taupes, de rats & d'autres femblables animaux qu'elles avalent peu à peu tout entiers fans les mâcher, & qu'elles logent dans leur eftomac, ou fuppofé que ce dernier vifcere ne foit pas affez grand pour les contenir, partie dans l'eftomac & partie dans l'oefophage, qui eft membraneux & capable d'une grande diftention: ils y reftent jufqu'à ce qu'ils aient été diffous par les fucs falivaires de ces parties, fecondés de l'action des fibres du ventri

cule, & de la contraction des mufcles du bas-ventre: ils fe convertiffent ainfi en une fubftance fluide propre à fervir de nourriture à la vipere, ce qui demande beaucoup de temps. Enfuite les os & les matieres qui n'ont pu être digérées font rejetés : le mets avalé & digéré fuffit pour entretenir les principes de la vie pendant plufieurs mois.

C'eft ce qui fait que ces animaux peuvent vivre pendant un an, & quelquefois plus, fans prendre de nouvelle nourriture: à quoi l'on peut ajouter que leur fang étant plus groffier & plus vifqueux que celui de la plupart des autres animaux il s'en diffipe fort peu par la tranfpiration, de forte qu'il n'a pas befoin d'être renouvelé fi fouvent. La raifon eft ici d'accord avec les découvertes qui ont été faites par le fecours du microscope; car les muscles de l'eftomac n'ayant pas affez de force pour broyer les alimens & les convertir en chyle, il faut néceffairement que le fang ait une confistance épaiffe & vifqueufe. D'ailleurs le coeur de la vipere n'a proprement qu'un ventricule, & le fang y circule de la même maniere que dans la grenouille & la tortue, dans lesquelles il ne paffe pas plus d'un tiers de ce fluide par les poumons; ce qui fait qu'il eft beaucoup moins atténué par l'air que dans les autres animaux. On voit qu'une pareille façon de fe nourrir exige néceffairement que la proie périffe au moment où elle eft faifie, pour qu'elle puiffe defcendre dans l'eftomac; car on ne doit pas croire que la force de ce vifcere fût feule fuffifante pour la faire mourir, la foibleffe de fes fibres eft telle que l'animal dévoré, felon qu'il eft plus ou moins vivace, éluderoit le fort qui l'attend; en effet on trouve tous les jours des animaux vivans dans l'eftomac de ceux qui les ont dévorés. On apperçoit ici la deftination des dents du venin qu'elles renferment, & l'on ne doit pas être furpris que la vipere fe ferve quelquefois, pour nuire

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aux hommes, des moyens que la Nature lui a fournis pour tuer fa proie, fur-tout lorfqu'on l'excite à mordre, de quelque maniere que ce foit. Ce fuc venimeux eft en fi petite quantité, que ce n'eft tout au plus qu'une goutte qui caufe la mort.

Pour connoître fa nature continue le Docteur Mead, j'ai faifi plufieurs fois des viperes, de maniere à ne pouvoir en être mordu, & je les ai agacées au point de leur faire mordre quelque chofe de dur & de leur faire jeter leur venin; & l'ayant mis fur une plaque de verre, j'ai examiné avec le microfcope auffi exactement que j'ai pu les parties qui le compofent. Je n'ai d'abord apperçu que quelques petites parcelles falines qui flottoient avec beaucoup de rapidité dans la liqueur, mais qui au bout de quelque temps fe font converties en des cristaux extrêmement pointus & ténus, avec des efpeces de noeuds par-ci, par-là, d'où ils paroiffoient fortir; de forte que le tout reffembloit affez au tiffu d'une toile d'araignée infiniment déliée; & cependant ces piquans tranfparens ont une telle dureté, qu'ils ont refté plufieurs mois fur le verre fans recevoir aucune altération. J'ai fait plufieurs effais avec cette liqueur, dans la vue de connoître à quelle claffe de fels ces criftaux appartiennent, & ce n'a pas été fans difficulté, vu la petite quantité de liqueur & les risques dont ces fortes d'expériences font accompagnées, que je fuis venu à bout de découvrir qu'ils rougiffent la teinture de tournefol, de même que les acides. Je n'ai pas fi bien réuffi dans le mélange que j'ai fait de cette liqueur avec le firop violat : il m'a semblé cependant qu'elle lui avoit donné une couleur rougeâtre mais je fuis pleinement convaincu qu'elle ne l'a point teint en vert, comme elle l'auroit dû faire pour peu qu'elle eût été alkaline. Ceci doit fuffire pour faire fentir la fauffeté du fentiment de ceux qui, fans le fecours d'une feule expérience, ont

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