qui produifoit un tel nectar leur parut un lieu divin. Ils eurent bientôt attiré d'au-delà des Alpes d'autres peuplades nombreufes de Gaulois, en envoyant de côté & d'autre plufieurs outres ou cruches de vin; auffi-tôt des armées de Berrichons, de Chartrains & d'Auvergnats renoncerent aux glands de leurs forêts. Les Alpes ne purent les arrêter, nul péril ne les effraya, & ils allerent conquérir les deux bords du Pô. Rendus maîtres de cette terre fortunée, ils s'appliquerent à la culture du figuier, de l'olivier, & fur-tout de la vigne. Tel fut le motif de leur entreprife fur l'Italie.

C'eft aux Gaulois établis le long du Pô, que nous. devons l'invention utile de conferver le vin dans des vaiffeaux de bois exactement fermés, & de le contenir dans les liens malgré fa fougue. Depuis ce temps, la garde & le tranfport en devinrent plus aifés que quand on le confervoit dans des vaiffeaux de terre fujets à fe brifer, ou dans des facs de peau fujets à fe découdre ou à fe moifir. L'art de former des vignobles trouva dans la Bretagne & dans le Nord de la Belgique des obftacles infurmontables du côté de la Nature; mais on en établit dans tous les pays ой ils purent réuffir les plus beaux fe formerent en Bourgogne, en Champagne, parce que la nature des terrains y feconda mieux la culture. On cultive la vigne dans prefque toute la France, & peut-être les. vignes attirerent-elles les Francs dans la Gaule comme elles avoient appelé les Gaulois en Italie. Les autres Allemands qui n'avoient plus de conquêtes à faire effayerent de défricher quelque canton de la Forêt Noire, & planterent des vignes le long du Rhin. La Hongrie eut auffi fes vignobles; & depuis que la vigne s'eft ainfi multipliée par-tout, les peuples contens de leur fort, n'ont plus cherché à s'aflurer ailleurs de nouveaux établiffemens. Ce n'eft que depuis la multiplication des vignobles, que les nations

de l'Europe ont ceffé de faire des émigrations & s'en font tenus à leur terre natale.

On lit dans le Traité des Arbres de M. Duhamel > que la vigne croît naturellement dans les bois de la Louifiane & du Canada: elle s'y multiplie d'ellemême, peut-être auffi quelquefois par rejetons; mais il est vraisemblable que c'eft le plus fouvent par femences, ce qui doit occafionner le grand nombre d'efpeces ou de variétés qu'on y rencontre. Aucune de ces efpeces n'a paru jufqu'à préfent reffembler à celles de France. On ne fait de vin ni dans l'une ni dans l'autre de ces Colonies. En Canada on ne cultive même pour le fruit, aucune des efpeces de vigne du pays; on préfere celles de France quoique difficiles à garantir des rigueurs de l'hiver de ces climats. Les raifins du pays viennent rarement en maturité dans la faifon où on pourroit en faire ufage. On en a cependant vu à Quebec qui étoient mûrs à la fin de Septembre; le grain en étoit très-petit, il avoit bon goût, mais la peau en étoit très épaiffe; ils contenoient quantité de gros pepins & très-peu de jus, d'un rouge très-foncé.

Nous apprenons qu'un particulier y a femé des graines de raifins, & que par les foins qu'il y a portés il eft parvenu à fe procurer des vignes dont les diffé rentes efpeces ou variétés font très-propres à faire du vin parfait qui a l'avantage de moins pouffer à la fermentation putride: un tel fuccès mérite qu'on tente de nouvelles expériences.

Defcription de la VIGNE, & fa culture.

La racine de la vigne eft longue, peu profonde, figneufe & vivace; elle pouffe un arbriffeau qui s'éleve quelquefois à la hauteur d'un arbre, & dont la tige eft mal-faite, tortue', couverte d'une écorce brune, rougeâtre & crevaffée, portant plufieurs

farmens longs, munis de mains ou vrilles qui s'attachent aux arbres voifins : fes feuilles font grandes belles, larges, vertes & dans un ordre alterne; le tiffu de leur furface fupérieure eft uni, les nervures y font gravées en creux; la furface inférieure eft pleine de petites inégalités, les nervures y font gravées en relief; le pourtour offre des découpures trèsprofondes. On obferve quelques petites différences dans plufieurs efpeces; les fleurs naiffent dans les aiffelles des feuilles; elles font petites, compofées chacune de cinq pétales, difpofés en rond, de couleur jaunâtre, avec autant d'étamines droites à fommet fimple: lorfque les fleurs font tombées, il leur fuccede des baies rondes ou ovales, ramaffées & preffées les unes contre les autres, en grappe, vertes & aigres au commencement, mais qui en mûriffant prennent une couleur blanche, rouge ou noire; c'est le fruit qu'on nomme raifin, & qui eft plein d'un fuc doux & agréable les grains du raifin font diftribués fur la tige de la grappe d'une maniere irréguliere & qu'il feroit affez difficile de décrire, dit M. Bonnet.

La vigne eft une plante qui à l'aide d'un appui s'éleve en peu de temps à une très-grande hauteur, G l'cn n'a foin de l'arrêter en la taillant; elle s'éleve même jufqu'au point de furmonter les plus grands ormes: elle fleurit en été, & fes fruits ou raifins mûriffent en automne. Les efpeces de la vigne font variées à l'infini : nous parlerons de celles qui font eftimées les meilleures, foit pour faire du vin, foit pour planter en efpalier pour en manger le fruit, foit enfin pour en faire fécher le raifin, afin de le conferver pour l'hiver,

La maniere de cultiver la vigne, les foins & les attentions que l'on prend pour préparer le vin joints à la bonne qualité du terroir & à la bonne expofition, font les conditions néceffaires pour fe procurer des vins d'excellentes qualités. De toutes les différentes méthodes dont on fait ufage dans les

diverfes provinces de France il n'en eft aucun qui approche des foins & des précautions que pren nent les Champenois depuis environ foixante & di ans. Leur vin étoit dès lors très-fin & très-eftimé mais il fe foutenoit peu & ne fe transportoit pas loin Inftruits par une longue expérience & à l'aide de 1: méthode qu'elle leur a fuggérée, ils font parvenus à le rendre à volonté couleur de cerife, oeil de perdrix de la derniere blancheur, ou parfaitement rouge, & d l'affermir au point que, fans rien perdre de fon agré ment, il fe foutient fix & fept années & fouven beaucoup plus. Cette même méthode exactement obfervée à Cuiffi, à Pargnan & dans d'autres cantons du pays Laonnois en Picardie, y produit des vins que toute la Flandre eftime prefque autant que ceux de Bourgogne & de Champagne. Enfin ce procédé fuivi en différens cantons de Bourgogne, tire de temps en temps de l'obfcurité, & met en vogue des vins qu'on ne connoiffoit pas auparavant.

Expofitions convenables à la VIGNE.

Les collines font fans contredit les expofitions les plus favorables à la vigne ( Bacchus amat colles); ce font, pour ainfi dire, autant de grands efpaliers où la vivacité de la réflexion des rayons du foleil se trouve unie à l'influence du plein air. Ce font les vignes plantées fur les côteaux, qui donnent le vin le plus délicieux, fur-tout lorfque la terre eft un peu maigre, légere, feche plutôt qu'humide, mélangée de petits cailloux & de pierres à fufil, qui réféchiffent merveilleufement bien les rayons du foleil, & procurent cette chaleur fi propre à former, à concentrer & à exalter le fuc des raifins. L'action & les influences de l'air pénetrent facilement dans ces terrains légers, y répandent & y développent mieux les principes de la végétation. Les terres font d'autant moins bonnes pour la vigne, qu'elles.

font plus fortes & plus argileufes. En général les vignes plantées dans ces fortes de terrains, ne produifent qu'un vin revêche & groffier, & peu fufceptible de fe conserver.

L'expofition au Midi eft en général la plus avantageufe, quoique l'expérience ait appris qu'en certains cantons, comme le long de la montagne de Rheims, les terroirs expofés au Nord & au Levant pro duifent des vins plus parfaits que ceux qui font expofés au Midi; d'où l'on peut inférer que l'expofition au Midi n'eft pas la feule caufe qui donne au vin fon excellente qualité, mais plutôt. le qualité de la terre; car chaque vignoble a un grain de terre qui lui eft propre auffi dans les pays de vignobles y a-t-il des vins de certaines côtes plus renommés que d'autres. L'affiette la plus heureufe pour la vigne eft celle d'une colline un peu élevée, aplatie & un peu arrondie au deffus, parce que le foleil la voit de tous côtés, & que l'eau en defcend facilement ; car l'eau abondante eft toujours défavorable à la vigne, & c'eft par cette raifon que les années pluvieufes ne donnent jamais de bon vin. Les côteaux d'une élévation moyenne & expofés à des vents doux, qui reçoivent obliquement & non perpendiculairement les rayons du foleil, produifent un vin ferme, chaud & durable.

Il réfulte de ces principes, que les caufes fpécifiques de la bonté du vin, réfident dans la qualité du terroir, la bonne affiette du vignoble, & la bonne qualité du plant. A ces caufes fe joignent l'état de l'atmosphere: le vent du Nord-Ouest eft le plus pernicieux à la vigne, parce qu'il eft chargé d'humidité & qu'il amene les pluies froides. Le vent qui lui eft le plus favorable eft celui du Nord, parce qu'il en éloigne tout ce qui lui eft nuifible, comme les nuages, les pluies, les brouillards qui lui font funeftes. On doit remarquer à cette occafion , que