cette grande & importante ville du Péloponnèfe. Il a voulu furprendre Mégare. En un mot, ni la Grèce, ni les terres habitées par les Barbares, rien ne peut affouvir fon avidité. Tout ce que nous fommes de Grecs, nous le favons, nous le voyons, & fans indignation! Au-lieu de nous envoyer des ambaffadeurs les uns aux autres, nous nous enterrons chacun dans nos villes, ne prenant aucune réfolution, ne tra vaillant point à nous réunir contre l'ennemi commun, fpectateurs tranquiles de fes progrès. On diroit que chacun regarde comme un temps gâgné pour foi, le temps que Philippe met à la deftruc tion d'un autre. Perfonne cependant n'ignore, que femblable à une fièvre contagieufe, il viendra tôt ou tard fondre fur celui-là-même, qui préfentement se croit le plus éloigné du péril. Au refte, fi les Grecs ont eu quel quefois à fouffrir de vous, ou des Lacédémoniens; il avoient du moins l'agrément d'avoir des maîtres, qui étoient Grecs auffi-bien qu'eux, & dont les fautes pouvoient être comparées à celle d'un fils de famille. On blâme ce jeune hom me opulent; fa conduite lui attire de E juftes reproches; mais elle ne fait pas qu'on lui difpute les droits de fa naiffance. Que,fi un esclave au contraire, fi un enfant fuppofé diffipoit le bien d'au trui; avec quelle indignation, avec quels murmures le verroit-on ? Où font-ils donc vos murmures? Où eft l'indignation que vous faites éclater au fujet de Philippe, qui, loin d'être Grec, loin de tenir aux Grecs par aucun endroit, loin même d'avoir une origine illuftre parmi les Barbares, eft un miférable Macédonien , forti d'un lieu d'où il ne vint jamais un bon esclave? Hé quel outrage vous épargne-t-il? Après avoir faccagé nos villes, il préfide aux Jeux (9) Pythiques, où les Grecs ont droit eux feuls de paroître & lui absent, il envoie fes efclaves (1) y préfider. Tous les paffages de la Grèce lui font ouverts, puifque la garnifon des Thermopyles eft à lui. Il s'eft arrogé (2) les honneurs du Temple, honneurs qui Jeux célébrés à l'honneur d'Apollon. (1) Tout fujet d'un Roi n'étoit qu'un ef clave aux yeux de ces anciens Républicains. 8 (2) Philippe après avoir terminé cette guerre facrée, dont j'ai parlé ci-deffus, pag. 70. Rem, 5, fe fit tranfporter le droit qu'avoient n'appartenoient pas même à tous les Grecs il nous en a fruftrés, nous, les Theffaliens, les Doriens, tous les autres Amphi&yons. Il réforme à fon gré le gouvernement de la Theffalie. Il envoie des troupes, & dans Porthmos, pour en chaffer les Erétriens ; & dans Orée, pour la faire plier fous (3) un Tyran. Voilà ce que fouffrent les Grecs. Voilà ce qu'ils voient du même œuil qu'on regarde tomber la grêle : chacun pour la détourner de deffus fes terres, faifant des voeux, & rien de plus. Telle eft l'infenfibilité de la Grèce, que nonfeulement les injures faites à la nation en général ne trouvent point de vengeur, mais que perfonne même ne venge les injures qu'il reçoit perfonnellement. Ambracie & Leucade, villes qui appartiennent aux Corinthiens, Philippe ne les a-t-il pas envahies? Celle de Naupacte, ne l'a-t-il pas enlevée aux Achéens, & promife aux Etoliens? Thébes ne l'a-t-elle pas laiffé s'emparer d'Echine? les Phocéens, maîtres du Temple, de confulter l'Oracle les premiers. J'ai évité, d'être ici trop littéral, de peur d'être obscur. (3) Philiftide, nommé dans le Texte. Actuellement ne marche-t-il pas contre Byzance? de qui alliée ? d'Athènes. Je fupprime le refte. Mais Cardie, la principale ville de la Cherfonèfe, n'eft-elle pas entre fes mains? Outragés au point que nous le fom-. mes tous en général & en particulier, nous temporifons: la molleffe nous endort: nous en fommes de part & d'autre à nous regarder un efprit de défiance règne par-tout. Mais enfin, fi cet homme traite avec tant de hauteur la Grèce entière, que fera-ce, quand il nous aura tous affervis les uns après les autres ? Quelle est donc, ATHENIENS, la fource de tout ceci ? Car les Grecs n'ont pu, fans y être déterminés par quelque puiffant motif, paffer de ce violent amour qu'ils eurent autrefois pour la liberté, au goût qu'ils marquent aujourd'hui pour l'esclavage. Autrefois il y eut dans le cœur de nos peuples, il y eut ce qui n'y eft plus; ce qui alors brava l'opulence des Perfes; ce qui maintint la Grèce libre; ce qui nous rendit invincibles & fur terre & fur mer. Depuis que cela n'eft plus tout a changé de face parmi nous. Qu'étoit-ce donc Rien de mystérieux, point > d'artifice, mais une haine univerfelle & implacable contre tout mercenaire, contre tout homme capable de fe prêter à qui eût cherché à nous affervir, où à nous corrompre. Accepter un préfent c'étoit alors un crime capital, puni avec la dernière rigueur, & irrémiffiblement. Alors ni vos Orateurs ni vos Généraux ne vendoient ces occafions heureufes " qui fouvent refufées aux plus vaillants & aux plus attentifs, font accordées par la fortune aux lâches & aux négligents. Alors on ne vendoit ni la concorde qui doit régner entre les Grecs, ni la défiance où ils doivent être des Barbares, ni l'horreur due aux Tyrans, ni enfin aucun des appuis de notre liberté. Aujourd'hui tout cela fe négocie, comme en plein marché. Tout eft facrifié à un fordide intérêt. On porte envie à ceux qui reçoivent s'ils l'avouent, on ne fait qu'en rire s'ils en font convaincus, on leur pardonne: & c'eft fe rendre odieux, que de s'élever contre de tels abus, principe de tous nos maux. Car du refte nous fommes aujourd'hui plus puiffants que nous ne le fûmes jamais, en vaiffeaux, en troupes, en revenus, en tout. Mais le trafic de nos mercenaires détruit, ren |