Imágenes de páginas
PDF
EPUB

quel de ces deux partis eft due la perte d'Olynthe? Par lequel des deux la Cavalerie, qui étoit toute fa défense, futelle livrée? Par le parti de Philippe. Jufqu'à la reddition d'Olynthe, ces âmes vénales ne cefferent d'attaquer, de noircir les défenfeurs de la patrie : & avec un tel fuccès, que l'illuftre Apollonide fut banni.

Une même caufe produifit ailleurs les mêmes effets. Plutarque (6) étant forti d'Erétrie, avec les étrangers qui étoient à fa folde; & les Erétriens, fe voyant les maîtres, tant de leur ville, que de Porthmos; les uns nous offroient le gouvernement, les autres l'offroient à Philippe. On laiffa tellement prendre le deffus à ces derniers, qu'enfin ceux qui étoient du bon parti furent exilés. Philippe l'allié, l'ami des Erétriens, mit alors garnifón chez eux, rafa Porthmos, & les fit tous obéir à trois (7) Tyrans.. (6) Tyran d'Erétrie.

(7) Ces trois Tyrans, auffi - bien que le Commandant de la garnifon, & les Affociés de Philiftide, font nommés dans le Texte. Mais tant de noms propres ne fervent qu'à embarraffer & qu'à obfcurcir une Traduction fur-tout lorfqu'il s'agit de gens, qui nous font inconnus d'ailleurs.

Après quoi, lorfqu'ils ont voulu par deux fois fecouer le joug, il y a pourvu par deux détachements de fes troupes, l'un fous la conduite d'Euryloque, l'autre fous celle de Parménion.

Vous faut-il encore d'autres exemples? Vous avez celui d'Orée. Philiftide & les autres qui préfentement y font les maîtres, portoient les intérêts de Philippe, & on le favoit. Au contraire Euphrée, que vous avez vu ici autrefois, parloit hautement pour la liberté. On ne fauroit dire combien fon zèle lui valut d'outrages. Une année donc avant la ruine d'Orée, voyant ce qui fe tramoit, il dénonça Philiftide & fes adhérents. Auffi-tôt ceux qui étoient à l'aumône de Philippe, font tumultuairement arrêter Euphrée, comme perturbateur du repos public. Tout le peuple, loin de prêter main-forte à l'opprimé, & de faire prendre les oppreffeurs, parut fe repaître d'un tel fpectacle. Ainfi la faction de Philippe, parvenue à la puiffance où elle afpiroit, ne fongea plus qu'à livrer la ville. On avoit beau s'apercevoir de leur manœu vre perfonne, depuis l'accident d'Euphrée, n'ofa dire mot. On ne rompit le filence, qu'à l'arrivée de Philippe fous

les murailles d'Orée. Alors l'un des partis défend la ville; l'autre la trahit: & - la ville prife, les factieux s'emparent du gouvernement. Ils banniffent, ils maf facrent ceux qui avoient tenu pour la liberté, & pour Euphrée. Quant à Euphrée, il fe poignarda; & par cette derniere action, fit voir la pureté de fon zèle pour fa patrie.

Vous êtes furpris, peut-être, de trouver dans les Olynthiens, dans les Erétriens, dans les Oritains, plus de docilité pour les partifans de Philippe, que pour leurs propres défenfeurs. Mais le principe de leur féduction eft le même chez vous. Quel eft-il? Que des Orateurs vraiment zélés ne peuvent pas toujours, quand ils le voudroient, ne rien dire que d'agréable car néceffairement le falut demande qu'on prenne des précautions, & que l'Orateur par conféquent faffe des propofitions dures : aulieu que les traîtres, pour avancer les affaires de Philippe, n'ont qu'à flater le peuple. Quand les uns repréfentoient dans Olynthe & ailleurs, qu'il falloit fe taxer, se tenir fur fes gardes, déclarer la guerre; les autres foutenoient qu'il ne falloit point de taxe, qu'il n'y avoit qu'à

jouir de la paix ainfi du refte. Par con féquent ceux-ci difoient des chofes agréa→ bles dans le moment : & les autres pour aller au-devant du mal, ouvroient des avis fâcheux. A la fin il arrivoit que la faction ennemie ayant pris entiérement le deffus, on fouffroit tout d'elle, non par complaifance, ni par ignorance, mais par l'impuiffance, où l'on fe croyoit d'y mettre ordre.

Jupiter & Apollon me font témoins, que j'appréhende pour vous le même fort. Auffi ceux qui vous y expofent, font-ils pour moi des objets dignes de haine. Que dis-je d'horreur. Qu'ils péchent par ignorance, ou par malice, qu'importe ? Mais puiffiez-vous, ATHENIENS, ne pas donner dans leurs pièges! Plutôt mourir mille fois, que d'en venir à facrifier, par une lâche condefcendance pour Philippe, quelqu'un de vos fideles Orateurs. Voyez quelle eft la récompenfe des Oritains , pour avoir écouté les créatures de Philippe, & rejeté Euphrée. Quelle eft la récompenfe des Erétriens, pour avoir chaffé nos Ambaffadeurs, & pour s'être donnés à de nouveaux maîtres qui ne leur épargnent ni verges ni tortures. Voyez où en font les Olynthiens,

pour avoir confié leur Cavalerie à Laf thène, & banni Apollonide. Vous attendre, comme vous le devez, à de femblables traitements, & cependant ne réfoudre, ne faire rien pour les prévenir, c'eft folie, c'eft lâcheté. Vous écoutez ce que difent des traîtres, qu'Athènes eft d'une grandeur qui fuffit pour la défendre. Mais au premier événement il fera honteux de s'écrier: Qui leût cru? Oui fans doute on avoit dû le croire, & prendre telle précaution, éviter tel piège. Aujour d'hui les Olynthiens peuvent faire bien des réflexions, qui, faites à temps, les auroient fauvés : les Oritains, les Phocéens, tous les autres peuples qui ont péri, tiendront le même langage : mais à quoi bon ?

Tandis qu'un vaiffeau peut encore lutter contre les flots, il faut que pilote, matelots, & paffagers travaillent à empêcher qu'on ne le renverfe, foit à deffein foit imprudemment ; mais s'il vient à être fubmergé, les efforts ne fervent plus de rien. Que ferons-nous donc, ATHÉNIENS, pendant que nous fubfiftons encore, pendant que nous avons de grandes forces, des reffources infinies, une haute réputation? Peut-être quelqu'un de vous est-il

« AnteriorContinuar »