Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Vos fautes, qui ne font pas en petit nombre, & qui s'accumulent depuis longtemps, nous ont réduits où nous en fommes. Mais ce qui vous rend le plus coupables, c'eft votre averfion pour les affaires. Ici, au fujet d'un nouvel évé

néceffaire, aujourd'hui qu'à peine fait-on s'il a écrit. Je fuis bien perfuadé qu'il n'y a perfonne qui ne voie avec indignation, fans mon fecours, la mauvaise foi d'une cenfure, qui ne portant que fur la Traduction n'effleure pas même l'Original. Qui fans doute, la Traduction préfente à l'efprit un raisonnement mal fuivi. Mais cela vient de ce qu'on s'eft mépris à la valeur de ces particules, que la Grammaire appelle des Conjonctions, & dont les Grecs font bien plus d'ufage que nous, qui n'en avons pas autant qu'eux. Attaquer Démofthène du côté de la Logique, c'eft préci fément l'attaquer par l'endroit où il eft le plus fort.

Pour faire que M. Perrault lui-même raifonnât plus conféquemment qu'il ne fait, je voudrois que fon Ouvrage, qui eft intitulé PARALLELE DES ANCIENS ET DES MODERNES, eût pour titre : PARALLELE DES ANCIENS, qui ont été le plus mal traduits, ET DES MODERNES, qui ont le mieux écrit. Avec une fi égère addition, il fe trouveroit que l'Ouvrage de M. Perrault, qui a fi juftement révolté tous les Savants, contiendroit une forte de vérité, à laquelle il n'y a perfonne qui ne foufcrive volontiers.

peu,

nement, votre attention fe réveille un & vous écoutez, tranquilement affis fur vos fièges. Après quoi, de retour chez vous, non-feulement nos plus importantes affaires ne vous occupent point, mais vous n'en confervez pas même le fouvenir.

[ocr errors]

Philippe, vous l'apprenez de toutes parts, eft d'une audace, eft d'une avidité fans bornes ; & ce n'eft pas avec nos harangues feules, que l'on peut le réprimer. Pour vous en convaincre fi cela avoit befoin de preuves, vous n'auriez qu'à confidérer que toutes les fois qu'il a fallu fe défendre par des raisons, nous l'avons emporté. Par-tout où l'on n'emploie pour armes que la parole, la victoire eft à nous. Mais les affaires de Philippe en vont-elles plus mal, & les nôtres mieux ? Il s'en faut bien. Philippe de fon côté, prend les armes, & affronte les hafards: nous, contents d'avoir les uns prononcé, les autres entendu de beaux difcours, où notre bon droit eft bien établi, nous en demeurons là : & comme les effets font d'un plus grand poids que les paroles, tout le monde a égard, non aux belles chofes, que nous avons dites, & que nous difons encore

mais à ce que nous faifons. Or ce que nous faifons, n'arracheroit pas d'entre les mains de l'ennemi, un feul de ceux qu'il opprime. C'est en dire affez.

Toute la Grèce étant donc divifée en deux partis, ceux-ci jaloux de l'indépendance, & foumis aux lois, ne veulent ni commander, ni obéir. Ceux-là, pour devenir les maîtres de leurs égaux, fe rendent les esclaves de quiconque peut leur être utile. Et ce dernier parti composé d'ambitieux, qui ont la protection de Philippe, a tellement prévalu, que je doute s'il refte une feule de nos villes, excepté Athènes, où la Démocratie con ferve une apparence de vigueur.

Philippe fournit à ceux qui s'attachent à lui, tout ce qui facilite, tout ce qui affure le fuccès d'une entreprise. De l'argent; & c'est le principal, pour gâgner les âmes vénales. Des troupes au befoin; & ce leur eft une reffource non moins utile, pour terraffer ceux qui croi, fent leurs projets. On voit, ATHENIENS que l'un & l'autre nous manquent. On nous trouve (2) toujours en léthargie,

(2) Il y a dans le Texte: Nous ressemblons des gens qui ont avalé du jus de pavots, qu quelque autre femblable breuvage,

Et de-là (car il faut avouer ce qui eft vrai de-là ce mépris qu'on a pour nous mépris fi grand, fi général, que parmi les peuples mêmes qui ont le plus befoin de fecours, quelques-uns nous difputent l'honneur du commandement; d'autres, le droit d'affigner le lieu des conférences; & d'autres enfin ont réfolu de fe défendre feuls, plutôt que de vous avoir avec eux.

Pourquoi vous faire ces reproches ? Jupiter, tous les Dieux me font témoins que ce n'eft pas à deffein de vous of fenfer. Je veux, ATHÉNIENS, vous faire fentir que dans les Républiques, comme dans la fortune des particuliers, fi les fautes où l'on tombe par une négligence habituelle, paroiffent d'abord, chacune à part, de petite conféquence, à la fin elles portent coup. Vous laiffâtes prendre, d'abord après la paix, Serrie & Dorifque, deux places dont plufieurs de vous, peut-être, ne favent pas feulement les noms. Voilà pourtant ce qui entraîné la perte, & de la Thrace, & de Cherfoblepte (3) votre allié. Philippe,

(3) Cherfoblepte, Roi de Thrace, fut dé. pouillé de fon royaume par Philippe, comme je l'ai déja dit, la feconde année de l'Olymp.

109.

après

après cette premiere preuve de votre peu d'attention, rafa Porthmos, & mit dans l'Eubée des Tyrans, pour tenir Athènes en bride: vous fermâtes les yeux là deffus. Peu s'en fallut qu'il ne prît Mégare : nul mouvement de votre part à ce fujet, nulle marque de reffentiment. Il acheta donc la ville d'Antrône, & peu après fe rendit maître d'Orée. Je paffe fous filence la prise de Phères, l'expédition d'Ambracie, le carnage de l'Elide, une infinité de femblables attentats. Car mon deffein n'eft pas de faire un dénombrement exact de fes violences, de fes ufurpations. Tout ce que je prétends, c'eft de vous montrer qu'il n'en arrêtera pas le cours, à moins que d'y être forcé."

Vous avez ici des gens, qui, fans fe donner le loifir d'entendre de quoi il s'agit, ont coutume de demander: Que fautil faire ? Rien de plus louable, fi c'étoit par impatience d'en venir à l'exécution; mais c'eft pour fe délivrer de l'Orateur. Je vais donc me hâter de vous dire mon avis.

Premiérement, foyez bien convaincus que Philippe nous fait la guerre, qu'il a violé la paix, qu'il eft l'ennemi mortel, & d'Athènes, & de nos Dieux tutélaires.

F

« AnteriorContinuar »