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Puiffe-t-il éprouver leur courroux ! Il en veut fur-tout à notre gouvernement. Toutes ses rufes ne tendent qu'à l'abolir : & vous allez comprendre que c'eft pour lui préfentement une néceffité d'en venir à bout. Il veut dominer. Il ne voit que vous en état de le traverfer. Vous avez depuis long-temps à vous plaindre de lui, & il n'en fauroit douter, puifqu'aujourd'hui fes plus fermes remparts font des places qui vous appartiennent, & qu'il vous a enlevées; car, s'il perdoit Amphipolis. & Potidée, il ne fe croiroit plus en fûreté, même dans la Macédoine. Il fait donc, & qu'il vous a tendu des pieges, & que vous n'êtes pas à vous en apercevoir. Il vous croit fenfibles. Il compte donc fur votre haine. Mais de plus, quand il auroit conquis tout le refte de la Grèce, fi la Démocratie subsiste dans Athènes il conçoit que fes conquêtes font mal affurées ; & que dans un revers de fortune, comme il peut lui en arriver, & plus d'un, les peuples qui préfentement ne font à lui que par force, viendront fe jeter entre vos bras. Car le penchant que vous recevez de la nature, vous porte, non à vous agrandir, non à faire des esclaves mais à détruire les Tyrans, & à vouloir

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que tous les hommes foient libres. Philippe veut donc n'avoir pas à vous craindre dans l'adverfité. Il a raison. Mais delà concluez qu'il ne peut jamais, ni fe réconcilier avec vous, ni fouffrir la Démocratie dans Athènes.

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Tenez, en fecond lieu, pour certain, que toutes fes batteries, actuellement vous regardent. Aurions-nous la fimplicité de croire que Drongile, Cabyle, Maftire, & autres femblables mazures de la Thrace, font l'objet de fes defirs; que c'eft-là pourquoi il brave travaux, frimas, hafards; & qu'il regarde fans envie nos ports, nos arfenaux, nos galères, nos mines d'argent, nos revenus immenses, toute cette fplendeur, dont à Dieu ne plaife que ni lui ni autre nous dépoffede jamais? Quoi, au mépris de ce qu'il voit ici, ce feroit pour avoir un peu de feigle & de millet caché dans les abymes de la Thrace, qu'il pafferoit l'hiver dans cette affreuse contrée ? Vraiment non. Mais de tout ce qu'il entreprend là, & ailleurs, l'unique but eft Athènes.

Voilà donc fur quels principes vous devez vous régler ; & ne point exiger d'un Orateur plein de zele, qu'il prenne fur lui de propofer la guerre. Vouloir

qu'un particulier en coure les rifques, ce feroit vouloir qu'on ne la fît point : & dès-lors, c'eft abandonner le falut de la patrie. Qu'un de vos Orateurs, la premiere, la feconde, ou la troifième fois que Philippe a violé la paix, eût propofé d'armer contre lui; & qu'enfuite comme il fait aujourd'hui, il fe fût déclaré contre nous en faveur des Cardiens; tout le monde n'eût-il pas dit que Philippe ufoit de repréfailles, & qu'il falloit mettre en pieces l'Orateur qui étoit cause qu'on l'avoit attaqué? Ainfi ne cherchez perfonne qui veuille porter les iniquités de Philippe ; perfonne que vous puiffiez, dans les tranfports d'une aveugle colère, livrer en proie à la fureur de fes partifans.

Que fi de vous-mêmes, ATHÉNIENS, vous prenez la réfolution d'armer; plus de difpute après cela, pour favoir fi elle a été prudente ou non. C'est donc à vous de fonger à rendre guerre pour guerre : ne laiffez manquer de rien vos troupes de la Cherfonèfe: que chacun de vous perfonnellement contribue de fes deniers : pourvoyez-vous, & de foldats, & de galères, & de chevaux, & de bâtiments pour les tranfporter, & généralement de tout ce que la guerre demande.

Aujourd'hui, en effet, il y a du rifible dans notre maniere de nous gouverner; & affurément, fi Philippe a un fouhait à faire, c'eft de nous voir toujours les mêmes, toujours indécis, toujours épuisés par de folles dépenfes, jamais d'accord fur le choix de nos Généraux, toujours en colère, toujours acharnés les uns contre les autres.

Remontons à la fource du mal, & voyons le remede. Vos plans, vos préparatifs ne se font jamais à temps. Pour y penfer, vous attendez qu'un événement arrive. Quand vous êtes prêts, l'occafion eft paffée, & vous vous replongez dans l'inaction. Qu'il furvienne une nouvelle affaire; nouvelles mefures prifes tumultuairement. Or ce n'est pas le moyen de réuffir. Jamais vous ne ferez rien avec des milices levées à la hâte. Mais ayez toujours une armée fur pied, & payez-la bien. Ayez des Tréforiers, affurez-vous de leur fidélité, & qu'ils vous rendent un compte exact de la dépense. Que votre Général pareillement vous rende compte de fes actions; & qu'on ne lui laiffe aucun prétexte ni d'aller ailleurs, ni de faire autre chofe que ce qui eft porté par vos ordres. Philippe, fi vous en ufez ainfi,

forcé à fe renfermer dans les bornes de la paix, démeurera tranquille dans fa Macédoine. Que s'il ne veut pas, vous aurez de quoi vous battre à forces égales. Peut-être, ATHÉNIENS, que comme aujourd'hui vous demandez ce que fait Phi lippe, & où il marche; peut-être qu'alors il ne demandera pas avec moins d'inquiétude : Où eft defcendue la flotte d'Athènes ? Où va-t-elle tomber?

Pour fuivre mon plan, dira-t-on, il en coûteroit beaucoup de foins, beaucoup de peines, les frais iroient loin. Je l'avoue. Auffi la guerre amene-t-elle toujours de grand maux. Mais, en comptant d'une part les maux que cette guerre vous caufera; & de l'autre, ceux qu'elle préviendra; vous trouverez qu'il y a du profit à faire généreufement votre devoir.

Quand même un Dieu (car ici la parole d'aucun mortel ne peut fuffire) quand même un Dieu vous répondroit que vous, ATHÉNIENS, Vous n'aurez personnellement rien à craindre de Philippe, fi vous ne remuez point: ne feroit-il pas honteux, ne feroit-il pas indigne, & de vous, & de la majefté d'Athènes, & de la gloire que nos ancêtres ont fi juftement méritée, d'immoler à votre repos la liberté

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