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de tous les autres Grecs? Pour moi, plutôt mourir que de vous le confeiller. Qu'un autre vous le persuade ; à la bonne heure ; n’armez point ; abandonnez tout. Mais fi tous défavouent ce lâche fentiment, & fi tous conviennent que plus l'ennemi s'agrandira, plus il nous deviendra formidable, pourquoi balancer? Pourquoi différer ? Qu'attendons-nous, ATHENIENS, pour faire ce que nous devons? Qu'une forte de néceffité nous y réduife? Mais ce qui eft néceffité pour des hommes libres, n'a plus befoin d'être attendu, & nous l'éprouvons depuis long-temps. Pour des hommes libres, point de plus preffante néceffité que celle de réparer leur honneur. Attendez-vous cette autre espèce de néceffité, la crainte des coups, qui eft le partage des efclaves? Puiffiez-vous ne la connoître jamais!

Toutes blâmables que font vos lenteurs à fervir la République, foit de vos biens, foit de vos perfonnes, encore peut-on les couvrir de quelque prétexte. Mais un défaut inexcufable, c'eft de n'avoir pas même la patience d'entendre parler de vos affaires, & d'apprendre ce que vous êtes dans l'obligation de favoir. Pour nous donner audience, vous attendez, comme

pare,

aujourd'hui, que le danger foit présent. Vous ne prenez jamais confeil d'avance, & à loifir. Pendant que l'ennemi fe préfi l'on vous avertit d'en faire autant, vous fermez la bouche à l'Orateur. Vous annonce-t-on la prife ou le fiege de quelque place? Alors vous prêtez l'oreille, & vous faites des préparatifs. Mais lorfque vous refufiez d'écouter, c'étoit le temps d'armer; & lorfque vous demandez confeil, ce feroit le temps d'agir. Vous faites donc tout le contraire des autres hommes: car les autres délibèrent fur l'avenir; & vous, ATHENIENS, fur le paffé.

Quant à préfent rien de fi preffé que de faire les fonds de la guerre. Vos mefures devroient être prifes; mais nous y fommes encore à temps ; & fi nous profitons des conjonctures, elles nous offrent une abondante reffource. Premiérement, ceux de nos (4) peuples qui font le mieux dans l'efprit du Roi, & à qui même il croit devoir quelque reconnoiffance, dé

(4) Il s'agit ici des Thébains, par qui le Roi de Perfe, Artaxerxès Ochus, avoit été fecouru, & utilement fervi, lorsqu'il fit le fiege de Pélufe, ville d'Egypte, la feconde année de l'Olympiade 107.

testent Philippe, & actuellement lui font la guerre. Mais de plus le confident & le complice (5) de fes deffeins fur la

Perfe vient d'être arrêté. Ainfi ce ne fera point par nous, qui pourions être foupçonnés de parler uniquement pour nos intérêts; ce fera par l'Agent même de Philippe, que le Roi apprendra ce qui fe tramoit contre lui. Vos Ambaffadeurs, dans une circonstance si favorable, feront agréablement reçus : & quand ils repréfenteront au Roi, que fi, faute de fecours, il nous arrivoit de fuccomber, dès-lors Philippe, fans obftacle, fondroit fur la Perfe; le Roi ne poura qu'être charmé de la propofition qu'ils lui feront de joindre fes forces aux nôtres, pour accabler un ennemi commun. Voilà ce qui me fait dire qu'il faut lui envoyer une Ambassade, fans écouter ces vieilles maximes, Que c'est un barbare, Que c'eft l'ennemi de tout le genre humain, & autres fembla

(5) Selon Ulpian, dans fon Commentaire fur cet endroit, ceci regarde l'Eunuque Hermias, Gouverneur d'Atarne en Myfie, avec lequel Philippe entretenoit de fecrètes intelligences, méditant déja la conquête de l'Afie & ces grands projets qui furent exécutés par fon fils Alexandre le Grand.

bles préjugés, qui vous ont déja nui plus d'une fois. Pour moi, quand je vois des gens qui veulent nous faire peur d'un Prince, dont le féjour eft (9) à Ecbatane, ou à Suze; qui nous exhortent à nous en défier, après les marques certaines qu'il nous a données autrefois, & depuis peu encore, d'une bienveillance à l'épreuve ; qui nous tiennent en même temps un tout autre langage de ce brigand, dont nous voyons la puiffance s'étendre dans le fein de la Grèce, & jufqu'à nos portes ; j'admire ces gens - là, & qui qu'ils foient, je les crains, puisqu'ils ne craignent pas Philippe.

Une autre chofe qui fait que la République n'eft point fervie, dont les citoyens mal intentionnés abufent, & qui eft parmi nous un fujet perpétuel de brouilleries & d'altercations, la voici. Je

(6) Les Rois de Perfe paffoient l'été à Ecbatane en Médie, & l'hiver à Sufe en Perfe. Celle de ces deux villes qui étoit la moins éloignée d'Athènes, en étoit à fix cents de nos lieues. Il eft dit ici dans le Texte, que le Roi de Perfe avoit fait depuis peu des offres à la République d'Athènes, qui les avoit refufées. C'est un fait inconnu, & fur lequel on ne peut alléguer que des conjectures, qui fe ront employées ci-après, Rem. 2.

me fais une peine de toucher cet article. Je m'y détermine cependant, parce qu'iln'y auroit, ce me femble, rien de plus utile que de concilier les pauvres avec les riches, & les riches avec les pauvres ; d'affoupir leurs querelles réciproques au fujet de l'argent qui fe diftribue (7) pour le Théâtre ; & de faire voir que cet usage bien loin d'être pernicieux à la Républi que, lui donne au contraire une nouvelle

(7) On fait quelle étoit la paffion des Athéniens pour le Spectacle. Mais comme elle auroit été ruineufe pour le's pauvres, les riches ambitieux profitoient de cette occafion pour fe faire des créatures, dont le fuffrage leur étoit acquis. Rien de plus funefte dans une République. Pour empêcher cet abus, il fut arrêté, du temps de Périclès, que l'on pren droit fur les revenus publics de quoi diftribuer à tout citoyen pauvre deux oboles : qui eft ce qu'il falloit donner pour avoir place au Spectacle, comme nous l'apprenons dans l'Oraifon pour Ctéfiphon. Il eft aifé de concevoir que cette diftribution, qui pouvoit n'être pas onéreuse en temps de paix, faifoit murmurer les riches en temps de guerre, parce qu'ils auroient voulu que cet argent fût employé à payer les Troupes.

Une obole étoit la fixième partie d'une drachme, qui valoit dix fous de notre monnoie. Voyez ci-deffus, pag. 48.

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