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force, & la met plus en état d'agir. Un peu d'attention, je vous prie.

Pour m'expliquer d'abord en faveur des pauvres, je vous ferai obferver que nos revenus, il n'y a pas long-temps, ne paffoient (8) pas cent trente talents. Perfonne alors, qui, fous prétexte que l'argent n'étoit pas commun, refusât d'équiper une galère, ou d'y contribuer. On fe portoit de foi-même à faire fon devoir. Alors nous avions toujours des vaiffeaux prêts à faire voile, toujours de l'ar

(8) Cent trente talents ne faifoient que trois cents foixante & dix mille livres de notre monnoie, fuivant le calcul rapporté ci-deffus, pag. 48. Mais premiérement il faut confidérer que ceci s'entend uniquement des revenus, qui fe tiroient de l'Attique feule. Car les contributions des Alliés, fuivant la taxe d'Ariftide, étoient annuellement d'environ 460 talents, & elles furent portées par Périclès à un tiers de plus. En fecond lieu, pour bien comparer leurs revenus avec les nôtres, il faut confidérer quel étoit alors le prix des choses. Un boeuf, du temps de Solon, fe vendoit cinq drachmes, c'eft à dire cinquante fous, fuivant Plutarque dans la Vie de Solon. Un cochon, du temps d'Ariftophane, valoit trois drachmes, qui font trente fous; comme on le voit dans celle de fes Comédies, qui eft intitulée, la Paix.

gent, rien n'arrêtoit nos projets. Aujour d'hui, grâce à la Fortune, nos revenus fe montent à quatre cents talents : & bien loin que les riches fouffrent de cette augmentation, elle tourne à leur profit; car ils en ont (9) leur part, & cela eft jufte. Pourquoi donc nous reprocher de part ou d'autre, un avantage qui eft commun? Pourquoi feroit-ce une raison aux riches, d'oublier ce que l'honneur exige d'eux ? Jugeons-nous les pauvres dignes d'envie, parce que la Fortune leur a envoyé ce foulagement ? Pour moi je ne crois point qu'on doive leur faire un crime de leur indigence. Je ne vois pas que dans une famille les jeunes méprisent les vieux, & refusent inhumainement de travailler, à moins que chacun n'en faffe autant. Tout homme qui manqueroit d'af fifter les fiens, pécheroit contre la nature, & contre la loi. Or la République n'est qu'une même famille, dont chaque citoyen eft membre. Ainfi n'ôtons point aux pauvres ce que la République leur accorde; & fi elle ne leur donnoit pas d'une façon, elle feroit obligée à leur

(9) Tous les Officiers de la République avoient des appointements, qui fe prenoient fur ces mêmes fonds.

donner d'une autre, pour ne les pas laif fer dans le befoin. Que les riches ne prétendent donc pas abolir une pratique fi raifonnable; & ajoutons, fi avantageufe: car des citoyens, à qui la République cefferoit de fournir le néceffaire, devien droient fes ennemis.

Mais d'un autre côté, que les pauvres ne donnent pas lieu aux riches de fe plaindre plus long-temps, & avec raison. Car, ne confultant que l'équité, de même que j'ai parlé pour les uns, je parlerai hautement pour les autres. Personne, ni dans Athènes, ni ailleurs, n'eft affez dur, affez féroce, pour être fâché que l'indigence foit affiftée. Où eft donc ici la difficulté ? Qu'eft-ce qui aigrit les riches? C'eft quand ils voient que pour fournir à cette diftribution, qui eft affignée fur les deniers publics, on propose de prendre fur les biens des particuliers:

& que l'Orateur qui le propose, devient auffi-tôt un homme illuftre, un homme fûr de l'immortalité, s'il n'avoit que vos jugements à craindre. Un pareil avis n'a point paffé au Scrutin: mais il avoit été (1) fort applaudi. Voilà ce qui fait peur

(1) J'appelle la Logique au fecours de la Grammaire, & c'eft ce qui me fait prendre

aux riches, & ce qui les irrite. Car il faut, ATHENIENS, que l'on fe rende juftice de part & d'autre, pour vivre en fociété. Que les riches puiffent tranquillement & fans risque pofféder leurs biens; & que leur opulence, dans les befoins urgents, foit la reffource de la patrie. Que les pauvres ne regardent comme biens communs, que ceux qui le font ; & que contents de ce qui leur en revient, ils fachent que le bien d'un particulier eft à lui, & à lui seul.

Par-là, & les petites villes s'agrandiffent, & les grandes se maintiennent. Tels font donc nos devoirs mutuels. Pour les remplir avec plus d'exactitude, achevons, fi vous le jugez à propos, de rechercher les divertes caules, qui depuis long-temps ont produit nos calamités, & le trouble où nous fommes.

On a renversé le fondement, fur le

ici og en bonne part. Il y en a dans Démosthène d'autres exemples.

On voit, dit M. de Tourreil, ce même hom me condamné d'abord par des clameurs éclatantes, fortir enfin abfous par vos fuffrages fecrets.

J'avoue que cela me paroît un contrefens formel. Je m'en rapporte à ceux qui voudront prendre le fil du raifonnement; & je ferai toujours difpofé à me rétracter.

quel vos peres avoient bâti la grandeur d'Athènes. On vous a fait croire, que d'être à la tête de tous les Grecs, & d'avoir toujours une armée prête à venger quiconque eft offenfé, c'étoit une dépenfe inutile, & trop onéreufe. Que de vivre en repos, ne fe donner aucun foin, & peu-à-peu céder tout, pour n'avoir querelle avec perfonne, c'étoit la -vraie félicité, & le moyen d'être à l'abri de tout danger. Pour avoir fuivi ces nouvelles maximes, vous avez laiffé prendre votre place à un autre. Il est heureux, il eft grand, tout fléchit fous lui: & il le mérite. Il voyoit Sparte découragée par fes derniers revers, Thèbes occupée de fa guerre avec la Phocide, Athènes enfevelie dans la molleffe. Perfonne donc ne lui difputant cette fupériorité, qui de tout temps avoit fait la jaloufie de nos premieres Républiques, il s'en est emparé comme d'un pofte vacant. On a dèslors recherché fon alliance, & à mesure que fon pouvoir a fait des progrès, la crainte en a fait auffi dans l'efprit des Grecs, dont enfin la fituation eft devenue fi fâcheufe, qu'il n'eft presque pas poffible de les fauver. Vous fur-tout, ATHENIENS, non feulement parce que

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