foutiendra toujours qu'il ne nous attaque pas. Auffi ne dit-il rien aux Oritains, avant que de fe voir campé fur leurs terres; ni à la ville de Phères, avant que de l'affiéger; ni aux Olynthiens, avant que d'être chez eux à la tête de fon armée. Quand donc nous le verrons à nos portes, prendra-t-on encore pour des efprits turbulents, ceux qui vous parlent de vous défendre? Acceptons, fi cela eft, la fervitude car il n'y a point de milieu. Vous risquez encore plus que tous les autres. Philippe se propose, non d'affervir Athènes; non; mais de l'anéantir. Il conçoit affez qu'une République, qui eft accoutumée à commander, ne veut pas, & quand elle le voudroit, ne peut pas porter le joug. Il conçoit qu'à la premiere occafion, vous lui fufciterez vous feuls plus d'affaires, que tous les autres Grecs enfemble. Attendez-vous donc, fi vous tombez entre fes mains, aux plus affreuses extrémités. Il s'agit de fauver tout, ou de perdre tout. Ainfi déteftez, exterminez ceux qui fe font, de notoriété publique, vendus à lui. Tant que vous heurterez contre de femblables écœuils, votre naufrage est fûr : & jamais vous ne dompterez vos ennemis du dehors, que vous n'ayez détruit ceux du dedans. Pourquoi, ATHENIENS, Philippe vous outrage-t-il avec tant d'indignité ? Pourquoi use-t-il de menaces avec vous, tandis que pour féduire les autres Grecs, au moins a-t-il recours à des voies douces & flatteuses? Quand il précipita les Theffaliens dans l'esclavage, ce fut en les aveuglant par fes bienfaits. On ne fauroit dire par combien de faveurs, à la tête defquelles étoit la ceffion de Potidée, il trompa les trop crédules Olynthiens. Aujourd'hui encore il amorce les Thébains, en leur remettant la Béotie, après les avoir délivrés d'une longue & pénible guerre. Ainfi les miferes, dont quelques-uns de ces peuples font accablés, & les autres menacés, ont du moins eu de beaux commencements. Mais nous, fans parler de nos pertes anciennes, & à ne compter que depuis la négociation de la paix, comment nous a-t-on traités ? On nous a enlevé la Phocide, & les Thermopyles. On nous a pris Serrie & Dorifque dans la Thrace. On a mis aux fers Cherfoblepte notre allié. On s'empare de Cardie, & on l'avoue. Pourquoi, dis-je, les procédés de Phi lippe font-ils fi différents avec vous, de ce qu'ils font avec les autres Grecs? Parce qu'il n'y a qu'Athènes, où l'on fouffre les penfionnaires d'un ennemi déclaré, & où il foit permis de plaider la cause de l'Ufurpateur, en préfence de ceux - mêmes qu'il dépouille. On n'eût pas pris impunément le parti de Philippe à Olynthe, avant que la ceffion de Potidée lui eût gâgné le peuple. On n'eût pas pris impunément le parti de Philippe en préfence des Theffaliens, avant qu'il les eût affranchis de leurs Tyrans, & rétablis dans leurs droits d'Amphictyons. On n'eût pas pris impunément le parti de Philippe dans Thèbes, avant que la Béotie fût rendue, & que les Phocéens fuffent détruits. Mais dans Athènes, quoiqu'il nous ait pris Amphipolis & Cardie, quoiqu'il nous bride par fes fortifications dans l'Eubée, quoiqu'il marche actuellement contre Byzance dans Athènes, il eft permis de parler en fa faveur. Que dis-je ? C'eft par-là qu'on a vu tout-à-coup des hommes obfcurs & pauvres, devenir illuftres & riches vous, au contraire, de l'opulence & de l'éclat, tomber dans le mépris & dans l'indigence. Car, felon moi, la richeffe d'une Répu blique blique confifte dans le nombre, dans la confiance, dans le zêle de fes alliés. Or voilà en quoi vous êtes d'une extrême. pauvreté. Et cette forte de pauvreté, qui eft le fruit de votre négligence, fait que Philippe eft heureux, tout-puiffant, formidable aux Grecs & aux Barbares ; tandis que vous êtes décriés, abandonnés : fomptueux, il eft vrai, dans vos Marchés, mais dignes de rifée dans vos armements. Je remarque, au refte, que plufieurs de vos Orateurs font bien éloignés de prendre pour eux-mêmes, les confeils qu'ils vous donnent. Car, quoique vous foyez attaqués, ils vous exhortent à demeurer en repos: eux qui ne peuvent s'y tenir au milieu de nous, quoiqu'on ne les attaque point. Ariftodème, fi quelqu'un, toute (3) invective à part, vous faifoit cette queftion: Puifque vous n'ignorez pas que la vie des hommes privés eft libre, tran (3) Par un fragment de Cicéron, De Rep. IV, que faint Auguftin nous a confervé dans le fecond livre de la Cité de Dieu, chap. 10,' nous apprenons que le premier métier de l'Ariftodème, dont il eft queftion ici, avoit été de monter fur le Théâtre. Ariftodemum, tragicum actorem, maximis de rebus pacis ac belli legatum ad Philippum Athenienfes fæpe miferunt, G quille, fûre, & qu'au contraire la vie de ceux qui fe mêlent des affaires publiques, eft pleine de foins, de traverfes, de périls; d'où vient qu'à la douceur & à la fûreté de celle-là, vous préférez les dégoûts & les dangers de celle-ci ? Que répondriez vous? Que ce qui vous anime, c'est la gloire ? Je le veux. Ou du moins, c'est le plus beau de tous les prétextes. Mais, vous dirois-je, est-il poffible qu'un homme perfuadé qu'il faut tout fouffrir, tout hasarder pour la gloire, confeille à la République de fe couvrir d'infamie? Vous n'oferiez dire qu'il eft important que votre nom brille dans Athènes, mais qu'il ne l'eft point qu'Athènes foit confidérée dans le refte de la Grèce. Je ne vois pas non plus, pourquoi l'intérêt de la République veut qu'elle fe borne à fes propres affaires, & pourquoi cependant vous trouvez fi fort votre compte à vous mêler de celles d'autrui. Je croirois plus volontiers, que la République pour n'en point faire affez, & vous pour en faire trop, vous courez à votre perte l'un & l'autre. Que vous refte-t-il à dire ? Quoi? Que la vertu de vos ancêtres vous oblige à ne point dégénérer, & que les Athéniens n'ont reçu des leurs |