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,, nom d'un homme, que celui de l'Eloquence même. Ayons donc les yeux continuellement fur lui: ,, qu'il foit notre modèle : & te,, nons-nous sûrs d'avoir beaucoup profité, quand nous aurons pris de l'amour & du goût pour Ci

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céron.

22 Ainfi penfoit le plus judicieux de tous les Critiques. Il y a donc premiérement, felon lui, une parfaite conformité pour ce qui regarde l'Invention & la Difpofition, entre Cicéron & Démosthène. Pourquoi? Parce qu'ils ont l'un & l'autre fuivi, & dû fuivre pas à pas la nature. Or la nature tainement, ne peut que ne peut que dicter toujours les mêmes raifons, & les mettre à peu près dans le même ordre pour convaincre les efprits, pour toucher les cœurs, qui font les mêmes dans tous les climats & dans tous les temps.

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Mais en fecond lieu, ces deux

Orateurs diffèrent un peu, quant à l'Elocution. Pourquoi ? Parce que le Grec étant, comme nous l'apprenons de Plutarque, un homme chagrin, févère, incapable de fe plier; & le Romain au contraire ayant l'âme tendre, l'imagination belle, l'humeur enjouée ; il ont dû l'un & l'autre fe conformer à leur caractère perfonnel, dont la différence a néceffairement produit celle de leur style.

A l'égard des deux premieres parties, l'Invention & la Difpofition, dans lesquelles ils fe reffemblent; c'eft une chofe aifée au

Traducteur, que de les repréferter tels qu'ils font ; parce qu'il fuffit pour cela d'exprimer leurs pen fées, & de n'en point changer Fordre. Mais la difficulté confifte dans l'Elocution, qui eft cependant fi effencielle, que c'eft par cet endroit feul qu'on les diftingue l'un de l'autre, fuivant ce que j'ai rapporté de Quintilien,

Plus cette difficulté m'étoit connue, moins ai-je dû me flatter de pouvoir la vaincre. Perfuadé plus qu'homme du monde, qu'il n'eft point poffible de peindre Démofthène & Cicéron, avec toutes leurs grâces, j'ai feulement regardé comme poffible de les défigurer un peu moins qu'ils ne l'ont été, ce me femble, par d'autres écrivains, qui je fais gloire de céder d'ailleurs. Tous les jours nous voyons que des Peintres du premier ordre manquent des reffemblances, qui n'échappent pas à un Peintre des plus

à

communs : & la reffemblance eft ici tout ce que j'ai cherché.

Autre chofe eft donc l'exactitude à rendre le fens d'un Orateur : autre chofe, la fidélité à exprimer le caractère de fon éloquence. Or il me paroît que M. (4) de Mau

(4) Je parle de la Traduction qu'il publia en 1685, & non de celle qui fut mise parmi fes Euvres pofthumes en 1710. Celle-ci ne vaut

croix, & M. de Tourreil, qui ont mis les Philippiques en François, ne s'affujétiffent point affez au goût, au génie de Démosthène. Ils lui font dire à peu près tout ce qu'il a dit, mais rarement comme il l'a dit : & dès-là ce n'eft plus le même Orateur. Dans M. de Maucroix, c'est un malade, que l'on voit bien avoir été un très-bet homme, mais qui eft tombé dans un état de langueur, où ceux qui l'avoient vu & connu auparavant, luitrouvent les yeuxprefque éteints,

pas mieux, & peut-être vaut moins que l'autre mais elle ne doit pas lui être attribuée. Cependant M. l'Abbé Maffieu dans l'excellente Préface dont il a embelli son édition des Eu vres de M. de Tourreil, parle ainsi : Nous avons fous le nom de M. de Maucroix deux différentes: traductions des Philippiques. La premiere parut de fon vivant, en 1685. La feconde, après fa mort, en 1710. Celle-ci ne nous eût rien laisse è défirer, fi l'on y trouvoit autant de fidélité & de force, qu'on y trouve d'élégance & d'agrément. J'avois un peu allongé ceci dans l'édition précédente. Mais le détail où j'entrai, ne pou voit intéreffer que moi, & dès-lors il n'eft bon qu'à fupprimer

les traits à peine reconnoiffables. Dans M. de Tourreil, c'est un malade d'une autre espèce, d'autant plus incurable qu'il fe doute moins de fon mal, & qu'il prend pour embonpoint ce qui n'est que bouffiffure.

Je craindrois de me tromper fur M. de Tourreil, qui a encore beaucoup d'admirateurs, fi je n'étois fortifié dans mon opinion par deux Juges non fufpects & d'un grand poids. Je veux dire Meffieurs Rollin, & Maffieu. Tout le monde ayant lu (5) ce que le premier en a écrit, je ne citerai que feu M. l'Abbé Maffieu, dont l'ouvrage (6)

(5) Voyez M. Rollin, de l'éloquence du Barreau, article premier.

(6) Remarques, dont le Manufcrit original fe garde dans la Bibliothèque du Roi, fur la premiere édition de M. de Tourreil. J'en donnerai ci-après un échantillon, qui mettra les Connoiffeurs plus à portée de juger: parce qu'en matiere de Critique, il ne fuffit pas de blâmer en gros; on ne prouve a on n'inftruit que par le détail,

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