Imágenes de páginas
PDF
EPUB

braffez. Vous avez où faire preuve de ce grand courage à fouffrir la faim, le froid, une extrême difette; & vous y fuccomberez dans peu.

Au moins, en vous faifant exclure du. Confulat, ai-je gâgné que la République feroit expofée, non pas aux violences d'un Conful, mais aux vains efforts d'un banni: & que dès-lors votre entreprise pafferoit, non pour une guerre, mais pour l'attentat d'un brigand.

Pour aller maintenant, PERES CONSCRITS, au-devant des plaintes que la Patrie auroit lieu, ce femble, de former contre moi je vous prie de redoubler ici votre attention, & de conferver le fouvenir de ce que je vais dire. Suppofons que la Patrie, qui m'eft plus chère mille fois que la vie même ; fuppofons que toute l'Italie, que la République entiere m'adreffe à moi ce difcours.

l'en

» Que faites-vous, Cicéron Un » homme qui vous eft connu pour » nemi de l'Etat, qui va fe mettre » contre nous à la tête d'une armée, » qui déja eft attendu dans le camp en» nemi, qui eft l'auteur & le chef d'une > confpiration, qui fouleve, qui enrôle » efclaves & citoyens vous, inftruit

de tout cela, vous fouffrirez qu'il fe «< retire tranquilement, & de maniere à «< faire dire, non que vous l'avez chaffé « de Rome, mais que vous lui avez «< donné les moyens de s'y introduire <«< plus fûrement? Pourquoi ne pas le « charger de chaînes ? Pourquoi ne pas «< le faire traîner au fupplice ? Pourquoi « ne pas l'immoler? Qu'est-ce qui vous «<< retient eft-ce la coutumé de nos « ancêtres Mais parmi eux il s'eft vu « fouvent de fimples particuliers, qui, « de leur autorité privée, ont fait mou. «<< rir de pernicieux citoyens. Seroient-ce << les lois, qui concernent la punition « des citoyens Romains? Mais dans «< Rome, tout citoyen qui fe révolte, «< fut toujours cenfé déchu de fes droits. <«< Craignez-vous les reproches de la «< Poftérité? Mais la crainte d'être blâ- «<< mé, ou la vue de quelque autre dan- «< ger que ce foit, vous fera-t-elle né- « gliger la vie du peuple Romain? Ah! « ce feroit bien reconnoître les graces <<< qu'il vous a faites, en vous élevant «< de fi bonne heure au pouvoir fuprê- «< me, après vous avoir fait paffer par «<< tous les degrés d'honneur, vous qui «<< n'êtes connu que par vous perfonnel- «<

» lement, & qui ne tirez aucun éclat de » vos ancêtres. D'ailleurs, fi les juge»ments du Public vous épouvantent, » croyez-vous qu'à être ferme & fevere, » vous rifquiez plus qu'à prévariquer »par foibleffe & par lâcheté Quand » la guerre défolera l'Italie, quand nos » villes feront au pillage, quand le feu » confumera nos maisons, est-ce qu'alors » vous ne ferez pas la victime d'un ref» fentiment général » ?

A ces plaintes facrées de la Républi que, & à tous ceux qui penfent ainsi, je réponds en peu de mots. Si j'avois cru, PERES CONSCRITS, que le meilleur parti à prendre dans les conjonctures préfentes, ce fût de faire mourir Catilina, je n'aurois pas laiffé une heure de vie à ce gladiateur. Car enfin, puifque de grands hommes & de très-illuftres citoyens n'ont point fouillé leur mémoire, mais l'ont bien plutôt ennoblie, par le fang qu'ils ont répandu, & de Saturninus, & des Gracques, & de Fulvius, & de quantité d'autres plus anciens je n'avois pas à craindre, certainement, que la mort d'un parricide indignât contre moi la Poftérité; & quand même j'aurois eu tout fujet de m'y attendre, mon fenti

ment fut toujours que des plaintes uniquement fondées fur ce que nous avons fait notre devoir, ne font pas des plaintes, mais des éloges.

Une réflexion que j'ai faite, c'eft que divers Sénateurs, ou ne voient pas, ou affectent de ne point voir nos dangers; que leurs timides avis ont nourri les ef pérances de Catilina ; que leur incrédulité a fortifié sa conjuration naissante; & que leurs fentiments ont influé, nonfeulement fur ceux qui ont de mauvaifes intentions, mais encore fur ceux qui favent peu les affaires. Or, fi j'en ufois ici à la rigueur, ils me traiteroient de cruel & de tyran. Au-lieu que fi Catilina fuivant fon projet, fe rend au Camp de Mallius alors les moins éclairés feront convaincus qu'il y a une confpiration; & les plus méchants contraints de l'avouer.

[ocr errors]
[ocr errors]

J'ai compris d'ailleurs, que fa mort toute feule n'eût fait que pallier le mal pour un temps, & ne l'eût pas guéri pour toujours. Que s'il quittoit Rome s'il étoit fuivi de fes partifans, & s'il raffembloit de toutes parts au même endroit tous les factieux, non-feulement nous étoufferions cette pefte, dont les

[ocr errors]

PERES

progrès font déja fi grands ; mais nous arracherions jufqu'à la racine, jufqu'au germe de tous nos maux. Car, CONSCRITS, il y a y a long-temps que cette conjuration fe trame: mais la fureur l'audace, toute forte de crimes font venus, je ne fais comment, à maturité, fous mon Confulat. En fe bornant à faire périr le Chef de ces brigands, peut-être fufpendroit on pour un peu de temps nos peines & nos craintes tandis que le danger, toujours le même, fe renfermeroit dans les veines & dans les entrailles de la République. Comme des malades qui ont une fievre violente femblent d'abord s'être foulagés en buvant de l'eau froide dans le fort de l'accès, & que par-là ils s'atti rent un redoublement plus fâcheux : de même, quand le fupplice du Chef nous auroit donné quelque relâche, fi le reste des conjurés lui furvit, nos maux ne feront que croître.

[ocr errors]

Que les pervers fe retirent donc. Que féparés des bons, ils faffent un corps à part. Qu'ils mettent, comme je l'ai dit fouvent, les murs de Rome entre eux & nous. Qu'ils ceffent de tendre des pieges au Conful jufque dans fa maison;

« AnteriorContinuar »