ARGUMENT DES PHILIPP. 27 II. Comment ils pouvoient le vaincre: & il entre dans le détail des moyens. Une troisième propofition, Qu'ils devoient l'entreprendre, n'eft point prouvée à part: elle n'en avoit pas befoin: mais Démosthène y revient toujours. Tel eft le plan de la première Philippique. Quatre ou cinq ans après, Philippe figna un Traité de paix avec les Athéniens: traité captieux, & qui n'eut d'autre effet que de fufpendre le cours des hoftilités trop marquées. A quelque temps de-là, Mefsène & Argos protégées hautement par Philippe, donnérent de l'ombrage à Lacédémone, qui réclama le fecours d'Athè nes. On attendoit des Ambaffadeurs de part & d'autre: il falloit délibérer fur la réponse qu'il y auroit à leur faire : & ce fut à cette occafion que Démosthène fit la feconde Philippique, où il entreprend de prouver, I. Que les Athéniens doivent fe défier de Philippe, comme de leur ennemi. II. Que Philippe a des raifons effencielles pour être leur ennemi. III. Qu'il faut faire punir comme traîtres, ceux qui les ont engagés à faire la paix avec Philippe. Philippe, dont le bon fens & le bon goût font connus par bien d'autres endroits, dit ingénument, après avoir lu ce Difcours J'aurois moi-même donné * : ma voix à Démosthène pour me faire déclarer la guerre, & je l'aurois nommé Général. Je ne donne point l'analyse des deux dernières Philippiques; car elles ne contiennent que les mêmes vérités, mifes dans un nouveau jour : & d'ailleurs il est à propos que chacun fafle foi-même ces for tes d'analyfes, parce que c'est le feul moyen de bien découvrir l'art de l'Orateur. Il n'y a de bon Orateur que celui qui eft bon Logicien. Commençons par examiner qu'eftce qu'on veut nous prouver, & quelles preu ves on emploie ; fi elles font claires, folides, concluantes. Voilà ce qui regarde la Logique. L'art de l'Eloquence confifte à meure ces preuves dans l'ordre qui peut faire le plus d'impreffion, & à les expofer de la manière la plus capable de nous frapper, & de nous plaire. Démosthène gagnera beaucoup à être vu, non-feulement comme Orateur, mais comme Logicien. 1 Peut-être qu'à le lire fuperficiellement on croira trouver qu'il fe répète. On ne * On peut voir l'Hiftoire de Philippe, par Olivier, Tom. II, pag. 156. s'arrêtera qu'à l'uniformité de la matière, fans prendre garde à la diverfité des tours. Mais fouvenons-nous premiérement, que ces quatre Difcours furent prononcés de loin à loin, puifqu'il y a, entre le premier & le dernier, un intervalle de fept années; & fecondement, qu'ils font faits pour peuple d'Athènes. Or le peuple fe corrigei-il ? & ne fait-on pas qu'il faut cent & cent fois lui rappeler la même idée, fi l'on veut qu'elle puiffe lui entrer dans l'efprit? le Où les trois Olympiades, qui font à compter de la première à la dernière Philippique, font réduites à des calculs plus connus. PREMIERE PHILIPPIQUE, Prononcée la premiere année ATHENIENS, Si l'objet de cette délibération étoit quelque chofe de nouveau, j'aurois attendu que plufieurs (1) de mes Anciens euffent parlé : & alors, s'ils m'avoient paru ouvrir un bon avis, j'y aurois foufcrit par mon filence : ou, penfant autrement qu'eux, j'aurois cherché à vous faire entendre mes raifons. (1) Quand le Peuple étoit affemblẻ, un Héraut crioit: Quelqu'un au-deffus de cinquante ans veut-il parler ? Et qui encore ? Chacun à fon tour. Après quoi, felon la loi de Solon, c'étoit aux plus anciens à parler les premiers. Mais du temps de Démosthène, cette loi ne s'obfervoit plus à la rigueur. Il n'étoit que dans fa trentieme année, lorfqu'il prononça cette Harangue, qui, à beaucoup près, ne fut pas fon coup d'effai. |