Imágenes de páginas
PDF
EPUB

veau, & reprendre vos avis fur la punition des coupables, après que j'aurai dit là deffus ce que je dois en qualité de Conful.

[ocr errors]

Je voyois depuis long-temps, à la vérité, qu'il fe préparoit des mouvements parmi nous, & que la fureur s'emparoit de certains efprits: mais je n'avois pu me figurer que des citoyens fuffent capables d'aller fi loin. Préfentement de

[ocr errors]

quelque côté que vous penchiez, il faut fe déterminer avant la nuit. Vous concevez l'énormité du crime détrompezvous, fi vous y croyez peu de perfonnes impliquées. On ne s'imagine pas jufqu'où la contagion s'eft répandue: elle n'a pas feulement infecté l'Italie, elle a paffé les Alpes, & s'eft fourdement gliffée dans plufieurs de nos provinces. Vous n'en arrêterez pas le cours en différant en temporifant. Quelque parti que vous preniez, il doit être prompt.

[ocr errors]

Or les deux opinions, qui jufqu'ici partagent le Sénat, font celle de Silanus, qui condamne les coupables à perdre la vie ; & celle de Céfar, qui, excepté la mort, les condamne à toute autre peine.

Ils ont l'un & l'autre opiné, comme

il convient à des perfonnes de leur rang, & avec toute la févérité requise en pareil cas.

Pour (6) le premier, lorfqu'il ne juge pas qu'on doive laiffer un moment de vie à des fcélérats, qui ont voulu enfevelir le nom Romain, anéantir notre Empire: c'eft qu'en effet il voit que fouvent nos peres ont employé ce genre de peine contre de méchants citoyens.

Quant au fecond, il eft perfuadé que de foi la mort n'eft point une peine impofée aux hommes par les Dieux immortels que c'eft plutôt, ou une indifpenfable loi de la nature, ou la fin de nos travaux & de nos miferes : que par cette raifon elle a toujours été foufferte tranquilement par les fages, fouvent même avec joie par des âmes courageufes mais que certainement une pri fon, & une prifon perpétuelle, eft une peine inventée exprès pour punir les grands crimes. Il faut, conclut de-là Céfar, tenir nos coupables en prifon, & les difperfer dans les villes municipales.

(6) Silanus avoit opiné le premier, parce qu'il étoit Conful défigné. On peut voir Aulu-Gelle, liv. IV, ch. 10, fur l'ordre qui s'obfervoit dans le Sénat Romain.

Mais de commander que ces villes s'en chargent, il me paroît que cela est dur ; & fi l'on ne fait que les en prier, elles s'y rendront difficilement. Ordonnez pourtant ce qu'il vous plaira. Je m'y conformerai, & je trouverai, du moins je l'efpere, des gens qui tiendront à honneur d'exécuter ce que vous aurez cru néceffaire pour le falut public.

Céfar ajoûte que chaque ville répondra fous de grieves peines, des prifonniers à elle confiés : il les condamne à une captivité horrible: il veut, & c'étoit une précaution à prendre contre de fi grands criminels, que jamais on ne puisse demander leur grâce, ni au Sénat ni au Peuple il leur ravit jufqu'à l'efpérance, feule confolation des miférables: il ordonne la confifcation de leurs biens: il ne leur laiffe que la vie. Sans doute de peur qu'en la leur ôtant, ce ne fût mettre fin par un tourment feul, à tous leurs maux, & d'efprit & de corps. Auffi nos Anciens , pour effrayer les méchants, ont-ils enfeigné que dans les enfers il fe retrouve d'autres tourments & cela, parce qu'ils comprenoient que pour qui n'auroit pas ces autres fupplices à craindre, la mort toute

feule ne feroit pas un objet de terreur.

A ne confulter que mon intérêt particulier, je dois fouhaiter, PERES CONSCRITS, que vous fuiviez l'opinion de Céfar, parce que Céfar, étant de ceux que l'on croit portés pour le Peuple, j'aurai peut-être moins de contradictions à craindre, quand je proposerai un avis, dont on faura qu'il eft l'auteur. Je ne fais fi l'avis contraire ne me jette pas dans de plus grands embarras. Quoi qu'il en foit, le bien public doit l'emporter fur mon intérêt personnel.

[ocr errors]

Au refte, l'opinion de Céfar eft digne certainement d'un citoyen tel que lui, dans qui fe réuniffent le mérite & la naiffance: c'eft un gage qu'il donne à la République, de fon éternel attachement par-là nous avons vu quelle différence il y avoit entre un flatteur de la multitude & un homme vraiment populaire, vraiment ami du bien public. Mais parmi ceux qui veulent paffer pour populaires je m'aperçois qu'il nous en manque ici un, qui s'eft abfenté, fans doute, pour ne point fe trouver dans l'occafion de condamner des citoyens Romains à la mort. Avant-hier, cependant, fon avis fut qu'on devoit les

[ocr errors]
[ocr errors]

mettre en prison, & rendre en mon hơnneur de folennelles actions de grâces aux Dieux. Hier encore il demanda que les dénonciateurs fuffent magnifiquement récompenfés. Or c'eft affez faire entendre comment il penfe fur ce fujet.

Pour Céfar, il fait très-bien que la loi Sempronia eft faite en faveur des citoyens Romains; mais que tout homme qui fe déclare contre la Patrie, perd abfolument la qualité de citoyen; & qu'enfin cette loi n'eut pas lieu à l'égard même de fon auteur. Il ne croit pas non plus, qu'on puiffe, fur des largeffes outrées, & fur de folles profusions, regarder Lentulus comme ami du peuple, tandis qu'on lui voit de fi horribles deffeins contre l'Etat. Ainfi, quoique très-humain, & très-doux, il ne laiffe pas de le condamner à finir fes jours dans une obfcure prifon il défend que jamais, dans la vue de plaire au peuple, on propose d'adoucir fes peines : & afin que la pauvreté mette le comble à fa mifere, il ordonne la confifcation de fes biens.

Que vous embraffiez donc l'opinion de Céfar, je me verrai accompagné d'un homme cher au peuple Romain, & qui

« AnteriorContinuar »