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Mais puifqu'il s'agit d'une affaire déja rebattue tant de fois, vous ferez, je m'en flatte, affez équitables pour me pardonner d'avoir faifi la parole. Car enfin, fi jufqu'ici l'on vous avoit bien confeillés, vous n'en feriez pas réduits à confulter

encore.

Premiérement donc, ATHENIENS, ne vous découragez point, quelque mauvais que vous paroiffe votre état présent Car de la même cause qui vous a perdus, on doit en tirer des motifs d'espé

rance.

Que veux-je dire ? Que fi vous êtes dans une fituation fâcheufe, c'eft uniquement parce que vous n'avez pas fait ce que vous deviez.

Vous auriez fujet de ne rien efpérer, s'il étoit bien vrai que pour prévenir vos difgrâces, vous euffiez fait en vain tous vos efforts.

Aujourd'hui, & vous qui l'avez entendu conter, & vous qui l'avez vu de vos yeux, reffouvenez-vous de ce haut dégré où (2) Lacédémone avoit porté sa

(2) Lacédémone ou Sparte, car c'est la même République fous ces deux noms, alloit à fubjuguer tous les autres peuples de la Grèce. Elle avoit rafé les murs d'Athènes, & pris la

puiffance, il n'y a pas long-temps; & avec quel courage, avec quel foin de votre honneur, vous fûtes, les armes à la main, la contenir dans les bornes de la juftice.

Pourquoi en rappeler la mémoire ? Pour vous montrer, ATHENIENS, pour -vous faire bien fentir que la vigilance peut vous mettre au-deffus de tout danger; mais que l'inaction vous perdra toujours.

Vous avez ici un exemple de l'un & de l'autre de ce que fait la vigilance, puifqu'alors elle vous rendit fupérieurs aux plus grandes forces des Lacédémoniens: de ce que fait l'inaction, puisqu'aujourd'hui elle donne lieu à d'infolents procé Cadmée, qui étoit la citadelle de Thèbes. Elle avoit réduit les Argiens & les Corinthiens à fe faire honneur d'être fes alliés de nom, & fes fujets en effet. Thèbes, pour secouer le joug, excita la guerre appelée Béotique, où les Athéniens eûrent la meilleure part, & contribuêrent le plus à la défaite des Lacédémoniens. La Cadmée avoit été prise * la troifieme année de l'Olympiade 99. Quatre ans après elle fut reprise. De-là, jufqu'au temps où parle Démosthène, il n'y a donc que vingtcinq ans ; & par conféquent une bonne partie de fes auditeurs pouvoit avoir vu la guerre Béotique.

Petav. Rat. Temp. part. 1,

lib.

3, C. IQ.

dés, qui vous caufent de vives alarmes. Philippe, dira-t-on, à la tête d'une armée nombreuse, & après nous avoir enlevé tant de places, n'eft pas facile à

vaincre.

Je le fais, ATHENIENS. Mais auffi n'oublions pas que nous fumes autrefois les maîtres, & de Pydne, & de Potidée, & de Méthone, & de toutes les contrées (3) voifines. Il a été un temps,

(3) Pour entendre Démosthène, c'est à tout moment une néceffité de fe mettre devant les yeux la Carte de l'ancienne Grèce ; fans quoi l'on ne fauroit bien fentir la force de fon raifonnement. Mais la forme de ce volume ne permettant guère d'y faire entrer une Carte de Géographie, je pouvois y suppléer de deux manieres: ou par des Notes mifes au bas des pages, ou par une Table générale contenant les noms des pays, villes & autres lieux, dont Démosthène fait mention. De ces deux manieres j'ai préféré la feconde, pour n'avoir pas à répéter fouvent les mêmes notes; & d'ailleurs, parce que le moins qu'on peut couper le Texte d'un Orateur, c'est toujours le mieux. On trouvera donc à la fin des quatre Philippiques, cette Table dont je parle, & qui fervira également pour toutes. Je me contenterai d'y rapporter en fimple Géographe, le nom & la fituation des villes. Car, de conter leur histoire en Commentateur, ce ne feroit jamais fait. Il n'y a en Grèce, ni

ne l'oublions point, que la plupart des peuples qui font préfentement livrés à Philippe, & qui étoient autrefois indépendants, furent moins jaloux de fon amitié que de la nôtre.

Dans ce temps-là s'il eût craint, se voyant fans alliés, de fe commettre avec une République maîtreffe alors des places qui commandent fes frontières ; il n'eût tenté aucune des entreprises qu'il a finies, & certainement fa puiffance ne fût pas allée où nous la voyons. Mais toutes ces places, il les regarda comme autant de prix (4) expofés à la vue des combattants, & deftinés au vainqueur. Il favoit que felon le cours ordinaire de la nature, les abfents font dépouillés par les préfents; & ceux qui manquent d'attention , par ceux qui ne craignent, ni travaux, ni périls. Delà fes grands progrês. Il a tout conquis: ou ce qu'il n'a point conquis, il l'a eu à titre d'alliance; car on embraffe toujours le parti où l'on voit le plus de force & le plus d'activité.

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bourgade, ni ruiffeau, ni montagne, qui ne pût fournir un volume.

(4) Image tirée de ce qui fe pratiquoit aux Jeux folennels, où l'on étaloit aux yeux des

Vous donc, ATHENIENS, fi dès au jourd'hui, puifque vous ne l'avez pas fait plutôt, vous raisonnez de même que Philippe ; fi chacun de vous, dans le befoin préfent, veut concourir au bien public de bonne foi, & autant qu'il le peut, les riches en contribuant de leurs deniers, les jeunes en prenant les armes; & pour tout dire en un mot, fi chacun veut agir comme pour foi, & ne plus efpérer que, pendant qu'il fe tiendra oifif, d'autres agiront: bientôt avec l'aide des Dieux, & vous réparerez des pertes qui ne fauroient être imputées qu'à votre négligence, & vous ferez vengés de Philippe.

Car ne vous figurez pas que fa félicité foit immuable, comme celle d'un Dieu. Il y a des gens qui le haïffent, il y en a qui le craignent, il y en a qui lui portent envie, même parmi ceux qui lui paroiffent le plus dévoués. En effet, vous ne devez pas fuppofer que ceux qui l'environnent, foient exempts des paffions humaines. Mais, parce qu'ils ne fe fentent pas foutenus, ils n'éclatent point; & l'on ne doit s'en prendre qu'à cette lenteur, qu'à cette

Athlètes, les prix deftinés aux victorieux.

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