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faites des guerriers pour la montre, non pour le fervice.

Quoi, pour pouvoir dire qu'une armée eft celle d'Athènes, ne faudroit-il pas que les principaux Officiers qui s'y trouvent, fuffent Athéniens ?

Pour aller au fecours de Lemnos, vous prenez le Général de votre Cavalerie: & au contraire, vous laiffez à Ménélas, à un étranger, le commandement des Troupes deftinées à vous défendre vousmêmes. Je ne vous dis point ceci pour attaquer le mérite de (5) Ménélas. Je

(5) M. de Tourreil dit que ce Ménélas étoit le frere de Philippe. Mais quoique Philippe & Ménélas fuffent nés de meres différentes & qu'ils ne vêcuflent pas en bonne amitié, cependant il n'eft guère vraisemblable qu'Athènes eût voulu le fier fi fort au frère de fon ennemi. J'aime donc mieux croire avec M. Lucchéfini, que le Ménélas dont il eft ici queftion, eft un homme inconnu d'ailleurs.

Voici, au refte, la penfée de Démosthène ; elle n'a befoin d'éclairciffement que pour ceux qui n'ont pas devant les yeux la Carte de la Grèce. Quand il s'agit, dit-il, d'aller au secours de Lemnos, qui eft une île fort éloignée de vous; vous y envoyez des troupes commandées par un Athénien : & aujourd'hui c'est à un étranger que vous confiez les troupes qui gardent vos frontieres, & qui défendent le pas

dis feulement que le Général de votre Armée, quel qu'il fût, devoit être pris d'entre vous.

Peut-être jugez-vous que j'ai raison jufqu'ici mais vous êtes dans l'impatience de favoir où trouver des fonds, & ce qu'il en faut. Vous allez l'apprendre.

Toute l'armée que je vous propose de lever, vous coûtera pour les vivres feulement, un peu au-delà (6) de quatre-vingt-dix talents: favoir, pour les dix vaiffeaux légers, quarante talents, à vingt mines par mois pour chaque vaiffeau autant pour les deux mille hommes de pied, à dix drachmes par mois pour

des Thermopyles. Il n'y a pas de raison à ne point prendre pour vous-mêmes, & pour ce qui vous touche de plus près, les précautions que vous prenez pour vos alliés.

J'ai lu ici, ὑφ ̓ ὑμῶν ἔδει κεχειροτονημένον είναι Tổ, au-lieu que toutes les éditions portent, i jur, &c. Un changement si léger ne fera fi point blâmé, je m'en flatte , par ceux qui voudront prendre le fil du raisonnement.

(6) Une Drachme, felon M. Dacier, pefoit ce que nous appelons un Gros ; & il met le gros d'argent à dix fous.

Une Mine valoit cent drachmes; & par conféquent cinquante livres Tournois.

Un Talent, valoit foixante mines, & par conféquent trois mille livres Tournois.

chaque

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chaque foldat enfin pour les deux cents chevaux, douze talents, à trente drach. mes par mois pour chacun d'eux.

Mais de pourvoir feulement aux vivres, c'est peu, dira-t-on. Et moi, pourvu que notre armée n'en manque point, je fuis affuré que la guerre lui procurera d'elle-même tout le refte, fans que ni Grecs ni Alliés en fouffrent. Je m'embarquerai, fi l'on veut : & au cas que le fuccès me démente, ma tête en répondra.

Mais enfin, la fomme que j'ai dite, comment la faire ? Le voici.

[ On lit ici le Mémoire de Démosthène fur le fubfide qu'il veut être ordonné ; & après la lecture, il reprend fon difcours.]

Telle eft, ATHÉNIENS, l'idée que j'ai conçue. Quand vous irez aux opinions, arrêtez-vous au parti le plus avantageux, & faites qu'enfin on batte Philippe, non plus avec des décrets & des lettres feulement, mais à main armée.

Ainfi la fomme totale que Démosthène demande pour l'entretien de fon armée, se monte à deux cent foixante & dix mille livres, en fuppofant toujours que le gros eft

à dix fous.

C

Pour mieux délibérer, & fur cette guerre, & fur les préparatifs, il vous eft important, ATHENIENS, de confidérer la fituation du pays où il faut que vous portiez vos armes. Remarquez à cet égard, comme Philippe profite des vents & des faifons, pour l'arrangement de fes deffeins. Tandis que les vents (7) Etéfiens règnent, ou quand l'hiver eft venu, c'eft alors qu'il ouvre la guerre, parce qu'il nous fait dans l'impoffibilité d'aller à lui. Vous avez donc befoin de troupes qui foient toujours prêtes, toujours à portée. Car de croire que dans l'occafion vous n'avez qu'à ramaffer des foldats, & les faire partir, c'est vouloir n'y être jamais à temps.

Vous pourrez faire hiverner vos troupes à Lemnos, à Thafe, à Sciathe, & dans les autres îles voifines, qui ont des ports, abondance de vivres, tout ce qu'il faut à des gens de guerre.

(7) Vents du Nord, contraires par conféquent pour aller d'Athènes en Macédoine. Toutes les années réguliérement ils fe levent

deux jours après que le foleil eft entré au figne du Lion; & ils règnent quarante jours de fuite. Ils fe calment toujours fur le foir, pour ne reparoître qu'avec l'aurore : & delà vient que fur mer on les appelle les dormeurs. Plin. II. 47.

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Vos (8) vaiffeaux étant à l'abri dans ces ports, & vos foldats ne s'éloignant point des villes maritimes, il vous fera aifé de profiter du vent, pour mettre à la voile fans nul rifque.

Quant aux entreprises, elles dépendent des conjonctures, & il faut s'en repofer fur celui que vous aurez revétu de votre autorité.

Mais pour vous, ATHÉNIFNS, votre affaire eft d'accomplir ce qui eft porté dans le mémoire qu'on vous a lu. Si vous faites les fonds que je demande & c'est par où il faut commencer : fi enfuite, quand vous aurez votre infanterie, vos galères, & votre cavalerie, vous exigez de toute l'armée, par une loi expreffe, la continuité du fervice:

(8) Wolfius dit fur cet endroit : Locus videtur corruptus, & vatem potiùs, quàm interpretem poftulare. Il rapporte enfuite la pensée de Mélanchton, celle de Paul Manuce, la fienne propre, & il ajoûte : Ego meam dubitationem, ac potiùs ignorationem ingenuè confiteor. Que cette candeur me charme dans un Savant! Pour moi, au milieu de ces ténèbres, je me fuis laiffé guider par M. Lucchéfini, & j'ai pris à peu-près le fens qu'il propofe dans fes Notes fur la Traduction de Wolfius.

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