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la guerre au loin, nous nous expofons à l'avoir dans l'Attique; fi nous faifons, dis-je, toutes ces réflexions, alors nous connoîtrons nos véritables devoirs, & nous fermerons l'oreille à de vains difcours. Car il ne faut point que de frivoles conjectures nous arrêtent, quand il eft clair que fi nous manquons de prévoyance & d'activité, nous périrons.

Pour moi, qui jamais ne cherchai à vous plaire, fi ce n'eft autant que vos intérêts me l'ont permis, je viens de vous dire librement, & fans adouciffement, ma pensée. Heureux fi, comme il vous eft falutaire de recevoir les meilleurs confeils, il l'étoit de même à l'Orateur de vous les donner. J'en aurois redoublé ma confiance, fi je l'avois cru. Mais enfin, de quelque manière que vous preniez mon opinion, il m'a fuffi de la croire avantageuse, pour me fentir obligé à vous la dire. Puiffe l'emporter celle qui doit vous être la plus utile à tous !

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SECONDE

PHILIPPIQUE, Prononcée la première année de l'Olymp. 109.

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UAND on invective devant vous contre Philippe, qui tous les jours, au mépris de la (1) paix qu'il vous a jurée, fe porte à de nouveaux attentats : je vois, ATHENIENS, que l'Orateur ne manque point d'être applaudi, & que fes difcours vous paroiffent l'équité, la raison même; mais qu'au fond ils n'opèrent rien d'utile, aucun fruit digne de l'attention que vous leur prêtez.

Tel eft même l'état de nos affaires ' que plus on vous montre clairement, & la mauvaise foi de Philippe à l'égard d'Athènes en particulier, & les pièges qu'il tend à la liberté de tous les Grecs en

(1) Philippe avoit fait fa paix avec Athènes la feconde année de l'Olympiade 108.

général; plus on fe trouve embarraffé à vous bien confeiller.

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Quand il s'agit, en effet, de réprimer des ufurpateurs; ce qu'il faut ATHENIENS, ce font les œuvres, c'est la force, mais non pas de fimples paroles. Cependant vos Orateurs, dans la crainte de vous déplaire, & d'en porter la peine, n'ofent prendre fur eux de vous propofer ce qu'il faudroit: en forte: qu'ils fe bornent à vous repréfenter ce qu'il y a dans la conduite de Philippe, & d'injurieux, & de violent.

Vous, tranquilement affis, vous trouvez, foit dans vos lumières, foit dans nos harangues, de quoi raifonner mieux que Philippe, felon les principes de la juftice. Mais, aujourd'hui qu'il s'agit de repouffer vivement fes efforts, une énorme indolence vous retient. Delà, & c'en eft une fuite néceffaire, il arrive que vous & lui, dans ce qui fait l'objet de votre étude, vous réuffiffez : lui, à bien. faire; vous, à bien parler.

Suffit-il dans l'état où nous fommes, d'alléguer que la justice est toute entière de notre côté ? Rien de fi facile. Mais eft-il temps de pourvoir à ce que nos affaires prennent un autre cours, de peur

qu'infenfiblement le mal n'augmente, & qu'enfin l'on ne tombe fur nous avec des forces tellement fupérieures, que nous ne puifions même nous mettre en défense Dès-lors, changeant de méthode dans nos délibérations, nous devons abfolument, & Orateurs, & Auditeurs, préférer aux confeils agréables & commodes, les confeils qui vont au bien & qui peuvent nous fauver.

Premiérement donc, à confidérer les progrès de Philippe, & combien fa domination s'eft accrue, fi quelqu'un de vous, ATHÉNIENS, fe figure que vous. n'avez point à vous en alarmer, & que dans toutes fes démarches il n'y a rien qui vous regarde : pour moi, furpris que l'on pense de la forte, & bien convaincu que Philippe eft notre ennemi, je vous conjure tous d'écouter fur quoi je fonde mon opinion : afin que vous jugiez qu'estce qui doit prudemment vous régler, ou mes défiances, ou la fécurité de ces gens hardis, qui comptent fur la foi de Philippe.

Après la conclufion de la paix, devenu maître des Thermopyles, & gouvernant à fon gré la Phocide, en faveur de qui a-t-il fait ufage de fon pouvoir ? En

faveur, non pas d'Athènes, mais de

Thèbes.

Pourquoi ? Parce que rapportant tout, non pas au maintien de la paix, non pas aux lois de l'équité, mais à fon agrandiffement feul; il a parfaitement compris que, ni par promeffes, ni par bienfaits, il n'engageroit une République, qui, comme la vôtre, s'eft tou jours conduite par des principes d'honneur, à lui facrifier, dans la vue de vos intérêts particuliers, quelqu'un des autres Grecs mais que, s'il attentoit jamais à leur liberté, auffi-tôt le zèle de la juftice, la crainte de l'ignominie, & l'attention que vous croyez devoir au falut public, vous mettroient les armes à la main, comme fi vous étiez vous-mêmes perfonnellement attaqués.

Quant aux Thébains, Philippe favoit, ce que l'événement a bien fait voir, que pour leur utilité propre, ils étoient gens à lui laiffer faire tout ce qu'il vou droit & non-feulement à ne point le traverfer, mais, s'il le commandoit, à l'affifter de leurs forces.

Aujourd'hui encore, parce qu'il a la même opinion, & des Mefféniens, & des Argiens, il les comble de faveurs.

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