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poufuivroit pas leurs ennemis avec tant de chaleur mais de la conduite qu'il tient aujourd'hui, je conclus que dans tout ce qu'il a fait auparavant, il n'a rien fait que de deffein prémédité. Or quiconque voudra en juger fainement, verra que fon deffein eft de ruiner Athènes ; & que c'est même une forte de néceffité pour lui d'en venir à bout. Raifonnez, en effet. Il veut dominer. Il ne voit que vous qui puiffiez lui être un obstacle. Vous avez depuis long-temps à vous plaindre de lui. Il le fait, à n'en pouvoir douter. Car il retient les places qu'il vous a prifes, Amphipolis & Potidée, qui lui fervent à couvrir fes frontieres & fans lesquelles il ne fe croiroit pas chez lui en fûreté. Ainfi l'un & l'autre lui font connus, & qu'il cherche à vous perdre, & à vous que vous n'êtes pas en appercevoir. Vous croyant donc gens fenfés, il préfume que vous lui portez une haine très-jufte, & qu'à la première occafion, s'il ne vous prévient, il s'en trouvera mal. Plein de cette idée, qui allume (6) fon courroux, il ne s'endort

(6) J'ai transporté ici le apaguva de la phrafe précédente. J'en avertis, de peur qu'on ne s'imagine que je prête rien à mon original.

point,

point, il épie le moment de vous fur prendre, il fe fait des créatures parmi les Thébains, il acquiert leurs amis du Péloponnèfe, tous efprits qu'il croit en même-temps, & trop mercenaires pour ne pas goûter leur fituation préfente, & trop (7) épais pour conjecturer quel fera Pavenir.

Pour peu cependant que l'on ait de prudence, le paffé fournit des exemples, qui dévoilent affez l'avenir: exemples que j'eus occafion de citer, & aux Mef féniens, & aux Argiens, mais qu'il ne fera peut-être pas inutile de vous remettre à vous-mêmes devant les yeux.

Penfez-vous, dis-je aux Mefféniens, « que les Olynthiens n'euffent pas fouf- « fert impatiemment quiconque leur eût « parlé mal de Philippe, dans un temps « où il leur cédoit Anthémunte, place,

Du refte, il eft aifé de voir que j'ai lu Trous au lieu de rar, qui est dans les éditions de Volfius.

(7) On fait jusqu'à quel point les Béotiens paffoient pour épais parmi les autres Grecs. Baotum in craffo jurares aëre natum. Pindare cependant étoit de Thèbes, & Plutarque de Chéronée. Il y a des lieux où l'éducation manque : les dons naturels ne manquent nulle part,

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» dont jufque-là tous les Rois de Ma» cédoine avoient été fi jaloux ? Dans » un temps où déclaré contre nous en » leur faveur, il leur donnoit Potidée » avec toutes les terres qui en dé» pendent, après en avoir chaffé no»tre colonie ? Auroient-ils craint alors » une révolution, ou écouté qui l'eût » prédite? Point du tout. Les voilà ce«pendant, après avoir peu jouï du bien « d'autrui, dépouillés du leur propre » pour long-temps: & non-feulement » ils ont été fubjugués & honteusement

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chaffés par Philippe, mais ils fe font » trahis & vendus eux-mêmes les uns » les autres. Tant il eft peu fûr à des » Républiques de fe familiariser avec des » Tyrans!

» Aux Theffaliens, que leur eft-il ar» rivé Quand Philippe leur donnoit » Nicée & Magnéfie, & qu'il chaffoit » leurs Tyrans, fe figuroient-ils qu'un »jour, comme en effet nous le voyons » il les afferviroit à des (8) Tétrarques? Quand il les rétabliffoit dans leurs

(8) Tétrarque, Gouverneur, Commandant, qui a toute autorité dans la quatrième partie d'un Etat. Je fuis la leçon d'Harpocration,

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droits (9) d'Amphyctions, croyoient- « ils qu'un jour il s'empareroit chez eux « des deniers publics? Voilà pourtant ce « qui s'eft fait, & aux yeux de toute la Grèce.

Vous donc, ajoutai-je, qui favez «

(9) On appeloit Amphyctions, les Dépu tés que les divers peuples de la Grèce envoyoient à une affemblée générale, qui se tenoit deux fois l'année : en Autonne, dans le Temple de Cérès, tout près des Thermopyles au Printemps, dans le Temple de Delphes. Aujourd'hui nous appellerions cette affemblée, les Etats généraux de la Grèce. Ils traitoient de toute affaire concernant la Religion & l'Etat, avec plein pouvoir.

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Or les deux Temples où ils s'affembloient, étant, pour ainfi dire, fous la main des Pho céens ceux-ci, pendant la guerre facrée, dont j'ai déja parlé, n'y laiffèrent point venir les Theffaliens, unis contre eux avec les Thébains. Philippe n'eut pas plutôt réduit la Phocide, qu'il fit rétablir les Theffaliens dans leurs droits d'Amphyctions; & c'est ce que Démosthène dit ici. Mais en même temps, Philippe ne s'oublia pas. Il fe fit auffi donner droit de féance dans cette affemblée, & parlà il en devint le maître. Jufqu'alors la Macédoine n'avoit point été comprise dans la Grèce: c'étoit un gouvernement, des mœurs, une langue toute différente : & Démosthène tranche le mot, il traite Philippe de Barbare,

❤ ce que c'eft que Philippe, lorfqu'il don ne & qu'il promet: évitez, fi vous êtes fages, de favoir ce que c'eft, lorfqu'il trompe & qu'il trahit.

Pour mettre les villes hors d'infulte, on a inventé des remparts, des murailles, des foffés, toute forte de fortifications, qui exigent de grands travaux, & des frais immenfes. Aux gens fages, la nature elle-même leur don>ne une arme défenfive, qui eft à tous d'un grand fecours: mais principale ment aux villes libres, pour fe défendre des Tyrans. Quelle eft cette arme? La défiance. Portez-la toujours avec vous jamais ne vous en déffaififfez, & jamais vous ne courrez de péril,

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Votre but enfin, n'eft-ce pas la liberté Mais ne fentez-vous donc point qu'il n'y a pas même jufqu'aux noms que porte Philippe, qui ne foient incompatibles avec elle? Car tout Mo»narque, tout Tyran, eft ennemi de la liberté, & des lois. Prenez garde qu'en cherchant à n'avoir point la guerre, vous ne trouviez un maître. Après ce difcours, qui parut sensé les Mefféniens m'applaudirent fort; ils

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