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que fait-il? Selon lui, ce n'eft pas rompre la paix. Pour moi non-feulement je regarde ce qu'il fait actuellement dans la Cherfonèfe, comme un acte d'hoftilité; mais quand je vois qu'il a voulu furprendre Mégare, qu'il n'oublie rien pour établir la tyrannie dans l'Eubée, qu'il fe jète fur la Thrace, qu'il trame de fourdes pratiques dans le Péloponnèfe, & que tout ce qu'il entreprend, c'eft tou jours à main armée, je foutiens qu'il vous fait la guerre.

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Peut-être direz-vous que ceux qui approchent des batteries d'une place, n'ont point rompu la paix, tant qu'ils ne les ont pas encore dreffées au pied du mur. Mais non. Car qui prépare tout ce qu'il faut pour me faire périr, je le crois dèslors mon ennemi, quoiqu'il n'ait encore lancé, ni flèche, ni dard.

ceffion qu'il avoit faite de la Cherfonèle aux Athéniens, s'étoit réservé la ville de Cardie, la plus confidérable de cette Prefqu'île. Mais quand Philippe eut dépouillé Cherfoblepte de fon Royaume, ce qui arriva la feconde an née de l'Olympiade 109, les habitants de Cardie, pour ne point tomber, comme le refte de la Cherfonèfe, entre les mains des Athéniens, eurent recours à Philippe, qui ne manqua pas de les prendre fous fa protection.

Que ne rifquez-vous donc pas, lorf que Philippe vous aura enlevé l'Hellef pont, lorfqu'il fera maître de Mégare & de l'Eubée, lorfqu'il aura tout le Pé, loponnèfe dans fes intérèts. Hé comment pourrois-je vous dire qu'un homme qui dispose une femblable batterie contre vous, n'eft pas votre ennemi ?

Oui, à compter du jour même qu'il extermina les Phocéens, je prétends qu'il vous a fait la guerre.

Traverfez donc fes deffeins, fi vous êtes fages. Pour peu que vous différiez vous le voudrez trop tard. Je pense fi différemment des autres, que mon avis eft de ne pas perdre un moment à délibérer, ni fur la Cherfonèfe, ni fur Byzance; mais qu'il faut voler à leur fecours, les mettre à couvert de tout accident, & pourvoir à ce que les troupes que nous y avons, ne manquent de rien. Après quoi nous chercherons les moyens de fauver la Grèce entière, menacée du plus grand péril.

Voici, ATHENIENS, ce qui me fait prendre l'alarme. Pefez, je vous prie, mes raisons, afin que fi elles vous pa roiffent folides, vos propres intérêts yous faffent agir, quand ceux d'autrui

ne vous ébranleroient pas : & au contraire, fi ce ne font que des terreurs paniques, regardez-moi comme un homme en délire, indigne, dès-à-préfent, & pour toujours, d'être écouté."

Je ne vous repréfenterai point que Philippe originairement petit & foible, alla toujours en s'agrandiffant; qu'aujourd'hui les Grecs font en proie à la défiance, à la difcorde; & qu'après ce qu'il a conquis, on auroit moins à s'étonner de lui voir fubjuguer tout le refte de la Grèce, que de voir ce qu'il eft devenu, du peu qu'il étoit. Je laiffe à part ces fortes de réflexions, pour ne m'attacher qu'à un feul point, qui eft que tous les Grecs, à commencer par vous, lui ont accordé un droit, de tout temps la fource de toutes nos guerres. Et ce droit, quel eft-il ? De faire tout ce qu'il lui plaît, ruiner, piller, ufurper, tyrannifer.

Vous fûtes (5) les arbitres de la Grèce pendant foixante & treize ans : les Lacédémoniens (6) après vous la gouver

5) Depuis la dernière année de l'Olym piade 75, jufqu'à la dernière de la 93. (6) Depuis la dernière année de l'Olymp! 93, jufqu'à la dernière de la centième.

nêrent pendant vingt-neuf : dans ces der niers temps, & depuis la bataille (7) de Leuctres, les Thébains y ont eu auffi quelque fupériorité. Mais la Grèce ne yous donna jamais, ni à vous, ni à d'autres, un pouvoir fans bornes. Quelqu'un avoit-il à fe plaindre des Athéniens ? Tous les autres Grecs, fans nul mécontentement perfonnel, fe joignoient à l'offenfé, & le vengeoient. On traita de même les Lacédémoniens, devenus les dépofitaires de l'autorité. Toutes les fois qu'ils voulurent abufer de leur pouvoir & introduire des nouveautés, le refte de la Grèce prit les armes contre eux. Jufque-là même, & cet exemple fuffit, qu'Athènes & Sparte en font venues aux mains l'une contre l'autre, fans avoir d'ailleurs nulle raifon d'être mal ensem ble, mais uniquement pour obliger celle des deux qui avoit tort, à rendre juftice.

Tout ce qu'il y eut cependant de fau tes commifes foit par les Lacédémoniens, foit par nos aïeux durant un fiecle qu'ils ont commandé, tout cela

(7) Donnée la feconde année de l'Olymp. 102: & les Thébains, huit ans après, eurent encore l'avantage fur les Lacédémoniens dans le combat de Mantinée,

enfemble n'approche pas de ce qu'a fait Philippe, depuis moins de treize ans qu'il a commencé à être quelque chofe. Tout cela, dis-je, n'eft rien au prix de fes attentats; comme il eft aifé de le faire voir en peu de mots.

Je ne citerai, ni Olynthe, ni Mẻthone, ni Apollonie, ni trente-deux vil les de Thrace, qu'il a toutes détruites avec tant de fureur, qu'à les voir on doutefoit fi elles furent jamais habitées. Je ne dis rien des Phocéens, ce peuple fi puiffant, dont à peine reste-t-il quel· que veftige. Mais où en font les Theffaliens? Philippe n'a-t-il pas ufurpé leurs places, & aboli leurs Républiques, en foumettant tout le pays à des (8) Té trarques, pour imposer le joug de la servitude, non à quelque canton en particulier, mais à la nation entière? Toute l'Eubée, cette île qui a Thèbes & Athè nes pour voifins, ne l'a-t-il pas livrée à des Tyrans? Ses lettres portent en ter mes formels Je fais vivre en paix avec ceux qui veulent m'obéir. Et non-content de l'écrire, il agit conféquemment. Il se jète fur l'Hellefpont. Il tomba peu auparavant fur" Ambracie. Il est maître d'Elis,

(8) Voyez ci-deffus, pag. 74, Rem. 8.

cette

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