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nos ames par fa préfence intime, & par la dépendance que nos efprits ont de lui; & enfin que nous devons voir toutes chofes dans ce Monde idéal ou intelligible. Je ne doute pas que Dieu ne nous révele toutes les vérités en fe dévelopant à nous, quand nous ferons dans le Ciel: mais ces connoiffances font au-deffus de nous, pendant que nous fommes fur la Terre. Notre foibleffe & notre fragilité n'ont aucune proportion avec de fi grandes lumieres; & il n'eft pas temps encore, que nous jouiffions des vifions béatifiques. Cette opinion a d'ailleurs affez de conformité avec l'inspiration prétendue d'une nouvelle Secte, pour ne pas mériter une grande eftime; à propos dequoi ce qui eft arrivé depuis peu, eft bien remarquable. Un de nos Savans ayant embraffé l'opinion du Pere Malebranche, l'a expliquée dans un ftile orné de toutes les beautés de l'élocution, & dans les termes les plus clairs. Les Trembleurs s'en font tellement prévalus, qu'il a été obli-gé de faire une apologie, afin qu'on ne le foupçonnât pas d'être paflé dans E 7

Rech. Liv. 3. par. 2. Chap. 6.

leur

leur parti. Autrement ils auroient crû avoir gagné un nouveau profelyte. Mais en fe défendant, il ne laiffe pas d'avouer que fi les Trembleurs entendoient leur notion, s'ils favvient l'expliquer & la réduire en fyftême, ils ne feroient pas fort éloignés de fes fentimens. Il y a encore une autre grande convenance entr'eux; & elle confifte dans le peu de cas qu'ils font les uns & les autres des Sciences humaines, & de la maniere dont nos Livres ou le grand Livre de la Nature nous les expofent. Ce n'eft rien auprès d'eux en comparaifon de la lumiere, qui se répand du monde idéal; & à les en croire, fi nous le contemplons avec des efprits purs & dégagés des pasfions, nous acquérons aifément toutes les Sciences. On s'imaginoit autrefois que l'expérience & la raison étoient néceffaires : mais fuivant cette méthode abrégée des Sciences, pourvû que nos ames foient exemtes de corruption, & que nous entrions dans la carriere avec les préparations convenables, il ne faut guere plus que de l'application d'efprit. On a propofé la priere comme une de ces préparations. L'ufage en eft toûjours ex

cel

cellent: mais nous ne parlons ici que des moyens naturels.

CHAPITRE X.

De l'Histoire.

ON ne voit point d'Hiftoriens qui ne foient fideles, fi l'on en croit les Préfaces qu'ils mettent à la tête de leurs Livres, & fi l'on n'examine pas à fond leurs écrits. Ils ne parlent d'abord que de leur fincérité & de leur exactitude. Ils nous affûrent qu'aucun Auteur ne leur eft comparable dans l'attachement qu'ils ont eu pour la vérité. Cependant ceux qui ont écrit avec le plus de foin, ont été accufés de quelque négligence; & les fautes où ils font tombés, ont contraint un d'entr'eux d'avouer qu'il n'y a pas un feul Hiftorien qui n'ait * impofé en quelques endroits. Il en nomine qui ont paffé pour très-exacts; & il s'offre à donner des preuves incontestables du reproche qu'il leur fait. Nous

* Vopifc. juxta init. Neminem Scriptorum, quantum ad Hiftoriam pertinet, non aliquid effe Thentitum

Nous n'avons prefque rien de confidérable fur l'ancienne Hiftoire profane, à la réserve de ce que les Grecs & les Romains nous ont laiffé. Il ne nous refte dans Jofeph, Eufebe, &c. que quelques fragmens de l'Hiftoire Chaldaïque de Bérofe, & de l'Histoire d'Egypte de Manethon. Car les Livres qui paffent, fous leur nom, font de l'impofteur Annius de Viterbe. Pour Sanconiathon, à qui l'on attribue l'Hiftoire Phénicienne, l'autorité de quelques Ecrivains qui le difent. fort ancien, n'est pas recevable. Son antiquité a été révoquée en doute par Scaliger; & Mr. Dodwel a cru que cet Auteur n'avoit jamais exifté. Nous ne devons donc compter que fur les Grecs & fur les Romains.

Les Grecs n'ont jamais paffé pour. être fort attachés à la vérité : & c'eft ce defaut qu'on leur a toujours reproché, qui a fait donner à la Grece le nom injurieux de Græcia mendax Ce que nous avons d'eux avant les Olympiades, ne mérite pas qu'on s'y arrê te; & nous ne fommes guere mieux informés de ce qui s'eft paffé au comes mencement du temps Hiftorique. Comme ils n'avoient point d'Anna

les

les publiques, & que les Poëtes tiennent le premier rang parmi leurs anciens Auteurs, il est aisé de juger quelles fortes de relations on doit attendre de leurs Hiftoriens. Ils fuivoient des traditions incertaines, ou, ce qui eft bien pis, ils copioient les Poëtes. Ainfi leurs Hiftoires avoient très-peu, d'ordre. C'étoient plûtôt des Poëmes, que des Hiftoires. Les Romains les en ont repris affez librement. Quintilien n'a pas eu beaucoup de ménagement pour eux; il compare la liberté qu'ils fe font donnée, à une licence. poëtique a. Jofeph b les a décriées plus que perfonne; il dit que leurs écrits font remplis de contes faits à plaifir; qu'ils n'ont point d'infcriptions" publiques & Authentiques, ni d'Auteur plus ancien qu'Homere ; & que leurs Hiftoriens fe contrarient les uns, les autres ; qu'Hellanique eft différent d'Acufilas; qu'Acufilas reprend Hefiode; qu'Ephore traite Hellanique d'impofteur, que Timée n'a pas plus d'égard pour Ephore; que d'autres n'épargnent pas Timée, & que tous en général accufent Hérodote d'être fa

a Inftit. lib. 2. cap. 4. Contr. Appion. lib. I.

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