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l'Evangile, fectateur des bonnes œuvres. On fouhaitera bien la rémiffion de fes péchés, on tâchera de fe la procurer par l'abfolution; mais fouhaite-t-on de même une vie exempte de crime? On fouhaitera de faire une bonne mort; mais fouhaite-t-on auffi de mener une bonne vie? Cependant l'exemption du crime, la bonne vie, font des moyens indifpenfablement néceffaires pour être fauvé; & les fecours de la grace qui font le fecond objet de l'espérance, ne font pas feulement la grace de l'abfolution & la grace d'une bonne mort; mais c'est auffi la grace de la fainteté, de la chafteté, de l'humilité, de la piété, de la vie pénitente, parce que le Ciel ne fera ouvert qu' ceux qui auront pratiqué ces vertus tôt ou tard. Cela fuppofé, on peut dire que l'efpérance dans la plupart des Chrétiens eft bien pleine d'illufion, bien défectueufe, bien imparfaite, puifqu'un de fes objets effentiels eft de manquer chez eux. S'ils vouloient me foutenir qu'ils efperent les biens de la grace, auffi-bien que ceux de l'autre vie, je leur ferois une queftion, sçavoir s'ils feroient bien contens de n'être pas mieux exaucés, & de réuffir auffi peu dans l'efpérance qu'ils ont du Paradis, que dans celle qu'ils prétendent avoir de devenir de bons Chrétiens; ce qui ne leur arrive jamais. Il est donc vrai qu'ils ne defirent & n'efperent pas les biens de la grace, comme ils defirent & efperent la félicité de l'autre vie; puifqu'ils fe confolent fi aisément de n'avoir pas les premiers, pendant qu'ils feroient inconfolables fi la feconde venoit à leur manquer.

Fondemen s

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Paffons maintenant aux vrais fondemens

généraux de de l'Espérance chrétienne. Les trois princiEfpérance. paux font les promeffes que Dieu a faites

Hebr. 6.

"

You

aux hommes, fa grande miféricorde & fa
divine Providence: les promeffes, fonde-
ment de l'espérance des biens de la gloire
pour l'autre vie: la miféricorde, fondement
de l'efpérance des biens de la grace pour
celle-ci, la Providence, fondement de l'ef-
pérance des biens du corps. Ecoutons l'Apô-
tre: » Comme les hommes jurent par quel-
» qu'un qui eft plus grand qu'eux, & que le
» ferment eft la plus grande affurance qu'ils
» puiffent donner de leur parole, Dieu
» lant auffi faire voir avec plus de certi-
» tude aux héritiers de la promeffe, la fer-
» meté immuable de fon decret, a ajouté
» le ferment à fa parole; afin qu'étant
» appuyées fur ces deux chofes inébranlables,
» dans lesquelles il eft impoffible que Dieu
» nous trompe, nous ayons une puiffante
» confolation, par l'efpérance qui nous eft
» propofée: laquelle fert à notre ame d'une
» ancre ferme & affurée, qui pénétre jus-
» qu'au fanctuaire qui eft au-dedans du voi-
» le, où Jefus, comme Précurfeur, eft entré
» pour nous«. Saint Paul dit tout dans ce
paffage. Dieu a promis, il a promis avec
ferment: Dieu ne peut point nous tromper
dans ce qu'il nous promet, parce qu'il eft
vrai & fidèle: il le peut encore moins, lorf-
que le ferment eft joint à la promeffe. Que
nous a-t-il promis? l'héritage éternel, la
poffeffion de ce repos où Jefus - Chrift eft

"

déja entré. Quelle doit étre notre espérance? ferme comme une ancre qui fixe & qui tient immobile un vaiffeau au milieu des flots. Enfin, où font confignées ces promeffes? Saint Paul les trouve dès les premiers tems, dans celles que Dieu fit à Abraham. Or, qu'est-ce que nous voyons dans la Genèse, que Dieu à promis à Abraham? Je jure par moi-même, que je te bénirai, je te donnerai en héritage une Terre délicieufe : Je ferai moi-même ta récompenfe très-grande, ero merces tua magna nimis. Et cet héritage, cette Terre promife, le même Apôtre dit que c'eft la Cité célefte, dont Dieu lui-même Hebr. 114 eft l'architecte, la patrie du Ciel, que ces Saints attendoient, après laquelle ils foupi

roient.

Le fondement de l'efpérance pour les biens de la grace, n'eft pas moins folide. C'eft la miféricorde d'un Dieu en qui tout eft infini & fans bornes : la miféricorde comme toutes les autres perfections. Miféricorde gratuite, qui n'attend pas les mérites de Phomme, & qui se communique à des indignes: miféricorde furabondante, qui fe répand quelquefois fur de grands pécheurs plus que fur d'autres : miféricorde riche qui renferme tous les tréfors de la grace pour tous les befoins miféricorde paternelle, divine, généreuse, qui non-feulement nous permet, mais encore nous commande & nous fait un précepte d'espérer en elle: miféricorde toute-puiffante, dont rien ne peut empêcher l'effet ni arrêter les opéra

tions.

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Pour ce qui regarde les befoins du corps, c'est la foi de la Providence qui établit notre

Gen. 154

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:

efpérance. Celui qui nous a donné un corps, nous donnera dequoi le foutenir. C'eft un bon Pere qui aura foin de nous puifqu'il pourvoit avec tant d'attention à la fubfiftance des autres êtres qui ne valent pas tant que nous. Rien n'échappe à fa connoiffance il yoit tous nos befoins: il fçait mieux que nous ce qu'il nous faut. Rien ne peut mettre obstacle à fes bienfaits. Aucune des créatures qui compofent ce grand Univers, ne lui eft étrangere & indifférente. » Il a foin de tous, dit Saint Auguftin, comme fi » c'étoit un feul, il a foin d'un feul comme » fi c'étoient tous «: Sic curat omnes quafi unum, fiç curat unum quafi omnes. Il y a cependant cette différence entre la Providence qui a pour objet les chofes temporelles, les biens du corps, & celle qui regarde les chofes fpirituelles, les biens de la grace, que les effets de la premiere font fubordonnés à ceux de la feconde; que ce n'eft que par rapport aux biens de la grace, que la Providence paternelle de Dieu nous fournit ceux qui touchent le corps; qu'elle ne nous fournit ceux-ci qu'autant & de la maniere qu'ils peuvent entrer dans l'ordre de notre falut. D'où il s'enfuit que l'attente de ces biens temporels ne doit être en nous que conditionnelle, au lieu que celle des biens fpirituels doit être fans réserve; que nous ne devons par conféquent espérer & demander ceux-là qu'avec foumiffion à ce qu'il plaira à Dieu d'en ordonner, & que nous devons efpérer & demander les feconds abfolument; bien perfuadés qu'avec ceux-ci rien ne nous manquera, & que fi les premiers venoient à nous manquer,

c'est qu'ils ne feroient plus néceffaires à notre unique vrai bien, qui eft notre falut.

IV.

Il ne fuffit pas de connoître les fondemens généraux de l'Efpérance, il faut fçavoir comment ils peuvent devenir perfonnels pour chaque particulier. Car chacun pourroit dire Dieu eft fidèle dans fes promefles; je le fçai: Dieu eft infiniment miféricordieux; je n'en doute nullement. Mais que fçais-je fi je fuis compris dans ces promeffes? Que fçais-je fi cette miféricorde s'étendra jufqu'à moi ? Quelque certaines que foient les promeffes du Seigneur, quelqu'infinie que foit fa miféricorde, tous cependant n'éprouveront pas l'effet des premieres, & ne recevront pas les bienfaits de la feconde : tous ne fe fanctifieront pas, tous ne feront pas fauvés.

Etablilons d'abord deux principes. Le premier eft que c'eft un précepte, un devoir commandé, d'efpérer; que ce précepte oblige tout le monde, de même que le précepte d'adorer & d'aimer Dieu : précepte de la loi éternelle, qui en commandant à l'hom→ me de rendre à l'Etre fuprême le culte qui lui eft dû, commande par conféquent d'honorer toutes fes perfections, fa vérité par la foi, fa bonté par l'efpérance, fa qualité de fin derniere par la charité, tous fes divins attributs par la vertu de religion. Si donc l'efpérance eft de précepte, il n'eft plus queftion de demander, pourquoi efpérerai-je? Sur quel motif le ferai-je ? Que fçai-je fi j'ai fondement d'efpérer, fi je fuis du nombre

Suite,

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