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Oraifon

mentale.

CHAPITRE XIII.

Suite des moyens intérieurs. L'Oraifon
Mentale, ou la Méditation.

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AUTANT il y a de goût pour la méditail a

tion dans un certain genre de perfonnes, autant elle eft peu eftimée des autres. Les gens de Communauté & les personnes du fexe, qui font dans le monde profeffion de piété, font fort attachés à cet exercice, fouvent fans grand profit. Le refte des Chrétiens, réglés d'ailleurs, trop fouvent le négligent, & fe privent des avantages qu'ils y trou-veroient, en le pratiquant dans fon véritable efprit. Ceux-ci ont befoin qu'on leur faffe connoître l'utilité de l'oraifon mentale, & même fa néceffité dans un certain fens bien entendu.. Ceux-là ont befoin qu'on leur indique le vrai, goût & le vrai efprit de la méditation, pour écarter toutes les illufions où l'on peut tomber. Enfin il faut apprendre aux uns & aux autres la pratique de cet exercice de piété.

Il faut convenir que la prévention qu'ont beaucoup de perfonnes contre l'oraifon mentale, qu'elles regardent comme un dévot amufement, & comme une invention humaine des derniers tems, feroit bien fondée, fi on vouloit parler de l'oraison mentale avec fes abus & fes illufions. Mais qu'on la réduife à ce qu'elle eft en elle-nême, c'eft uneprétention deftituée de toute vérité, que de

vouloir que ce foit une nouveauté dans la Religion. Parcourons les Livres faints, nous verrons qu'il y eft fouvent fait mention de la méditation. Les Patriarches la faifoient. Il eft dit d'Ifaac, qu'il étoit dans l'ufage le foir Gen. 24i de fortir dans la campagne pour méditer. De quelque maniere qu'on veuille entendre ce mot, il eft vifible qu'il fignifie quelqu'autre chofe que de réciter des prieres vocales. Dieu avoit ordonné aux Juifs de méditer Deuter, 6. continuellement fa loi, de la méditer en se couchant, en fe levant, en marchant, en restant à la maison. On ne dira pas que dans cette Ordonnance, il s'agit feulement de lire la loi, de s'en inftruire, de la fçavoir. On ne lit pas en marchant, en fe couchant, en fe levant. David dans le Pfeaume 118, tourne fes phrafes en toute façon, pour dire "qu'il médite fans ceffe la loi de Dieu. Il » la médite la nuit & s'en entretient dans » fon cœur. Il la médite le long du jour, ou»tre les louanges de Dieu qu'il chantoit fept »fois dans la journée. » On voit ici les deux prieres bien marquées, la vocale & la mentale: Septies in die laudem dixi tibi, medita- " bar legem tuam femper. « Il cachoit dans fon >> cœur les Commandemens de Dieu : il ne » les oublioit jamais, ne les perdoit point de » vue : il aimoit à contempler les merveilles » de Dieu; il prioit Dieu de les lui faire pé"nétrer & bien comprendre.» La Sagefle Prov. 8. éternelle, parlant par la bouche de Salomon, promet de fe laiffer trouver à ceux qui fe levent de bon matin pour la rechercher & l'étudier. Jefus-Chrift qui s'étoit, ce femble, propofé de ne pratiquer aucune œuvre finguliere qui n'auroit pas été de nature à être

Luc. 2.

2. Cor. 5.

1. Tim. 4.

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imitée par le commun des Chrétiens, JefusChrift, dis-je, méditoit, il paffoit les nuits en priere fur les montagnes. La Sainte Vierge, le plus parfait modèle de piété après Jefus-Chrift, nous a laiffé l'exemple d'une méditation fréquente & affidue. Marie, dit l'Evangile, repaffoit dans fon cœur les grandes chofes qu'elle voyoit & entendoit. Saint Paul contemploit & prêchoit tour à tour: mente excedimus. Il recommande à fon difciple Timothée, de méditer continuellement les avis qu'il lui avoit donnés : Hac meditare, in his efto. Nous avons parmi les Ouvrages des Saints plufieurs Traités fur la Méditation. Julien Pomere a laiffé fix livres de vitâ contemplativâ. Saint Bernard en a compofé cinq de confideratione, qu'il a dédiés au Pape Eugene III, fon ancien éleve. Qu'on entende comme on voudra tous ces termes, méditer, repaffer, contempler, vie contemplative, confidération, on fera forcé de convenir que c'eft autre chofe que la priere vocale, la récitation de certaines formules de louanges ou d'oraifons. Il y a donc dans la Religion un exercice de piété connu fous le nom de méditation & d'oraifon mentale. Nous dirons dans la fuite en quoi il confifte. Il s'agit pour le préfent d'en montrer l'utilité, & même une forte de néceffité maintenir dans l'état de la Juftice.

pour

fe

Une des principales raisons, c'est l'obligation où eft le jufte d'entretenir & de faire croître en lui le faint amour: l'amour de Dieu eft la vie de l'ame. Il lui faut, comme à la vie du corps, de l'aliment. Elle périroit à la fin, fi elle ne prenoit de la nouriture & de l'accroiffement. Joignez à cette réflexion la

:

nature du précepte de la charité. Elle eft commandée dans toute l'étendue qu'elle peut avoir; elle oblige l'homme d'aimer Dieu fans mefure, c'eft-à-dire, d'afpirer du moins & de travailler à faire croître cet amour, afin qu'il approche le plus près qu'il fera poffible de la charité pleine & parfaite des Saints dans le Ciel. Car fuivant les Peres & les Théologiens, fuivant S. Auguftin & S. Thomas, la parfaite charité, telle qu'elle eft dans le Ciel fait partie du précepte, cadit fub præcepto dit celui-ci, dans ce fens, qu'il eft d'obligation de la defirer & d'y tendre. Or quel peut être l'aliment de la charité, par où peut-elle prendre accroiffement, fi ce n'eft par la connoiffance plus parfaite de la grandeur de Dieu de fes beautés, de fes perfections, de fa fainteté, de fes miféricordes, de fes bienfaits par le fouvenir plus fréquent & plus réfléchi des Mysteres de Jesus-Chrift & des rapports que nous avons avec lui : par une conviction plus vive du befoin que nous avons de fa grace médicinale, de notre impuiffance par une attention plus particuliere à nos miferes, aux défauts que nous avons à réformer, aux vertus que nous avons à pratiquer, aux devoirs généraux & particuliers que nous avons à remplir: enfin, par une vûe plus diftincte de cette félicité future, pour laquelle nous fommes créés, pour laquelle nous devons travailler fans relâche, dont le defir ardent est l'ame dé la piété ? Les fréquentes réfléxions que fait l'ame fur tant de différens objets qui font tous d'une fi vafte étendue, eft l'aliment unique de l'amour. On n'aime qu'à proportion qu'on connoît, qu'on fent, qu'on eft pénétré. Or ces

Ses avanta

ges.

1. 1. c. 7.

réflexions font ce qu'on appelle méditation, oraison mentale.

I I.

Ecoutons faint Bernard qui raffemble fous un point de vûe une multitude de bons effets que produit l'exercice de la méditation. « La » confidération, dit-il, purifie l'ame, regle » les paffions, corrige les écars, forme les De confid.» mœurs, dirige la conduite. C'eft elle qui » procure la connoiffance des choses divines » & humaines. C'eft elle qui raffemble ce » qui eft épars, qui découvre les chofes fe»crettes, qui approfondit la vérité, qui dif» pofe de ce qu'il faut faire, qui repaffe & » revoit ce qu'on a fait, afin qu'il ne refte » rien dans l'ame qui n'ait été corrigé, ou » qui ait befoin de l'être. » On trouve dans ce tableau de quoi expliquer dans un fens fimple, vrai & naturel, ce que les modernes expriment par des termes un peu finguliers,. & qui déplaifent à certaines personnes par une apparence de myfticité. Les Auteurs modernes nous parlent de trois vies, vie purgative, vie active, vie contemplative; & ils tirent de-là trois différentes efpeces d'oraifons, dont il eft inutile de rapporter les noms. Réduifons les chofes à leur jufte valeur & à des idées fimples: nous y trouverons du folide. Il n'y a qu'à diftribuer en différentes claffes tous les objets que renferme le paffage de faint Bernard. Nous avons, 19. des défauts à corriger, des paffions à combattre, des habitudes à détruire: c'eft l'objet de ce que les modernes appellent vie purgative, & c'eft auffi l'un des effets que ce faint Docteur attribue à la méditation: « Elle purifie

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