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Après avoir pris terre, & être monté fur une élevation d'où je pouvois découvrir extrêmement loin, j'eus la confolation de voir la mer fort tranquille, d'être perfuadé qu'il n'étoit arrivé aucun accident au vaiffeau qui renfermoit ma chere épouse, & de connoître que le vent qui étoit changé depuis quelques heures, devoit lui avoir fait prendre la route d'Aden; j'avois feulement fur moi une trentaine de pieces d'or, & quelques diamans dont Abouriam m'avoit fait préfent; avec ce fecours j'avançar le long de la côte, & après avoir marché pendant fept ou huit heures, j'arrivai à Dabul extrêmement fatigué. Mon premier foin fut de m'informer s'il n'y avoit pas quelque bâtiment qui fe difpofât à faire voile pour la mer rouge, & ayant appris que je n'en trouverois qu'à Cambaye, je fuis venu

dans cette Ville où j'avois pris la réfolution d'attendre le départ du premier vaiffeau qui devoit fe mettre en mer pour aller à Aden, lorfque fans fçavoir comment, je me fuis trouvé tranfporté dans ces lieux enchantés. De grace, illuftres Génies, à préfent que Vous êtes informés par moi-mê me des moindres particularités de mes avantures, daignez foulager la vive affliction d'une épouse qui reffent fûrement une mortelle douleur de ma perte, qu'elle regarde peut-être comme certaine; & puifque votre puiffance n'a pas de bornes, quand il s'agit de faire du bien, rendez-lui un époux accablé d'affliction par une féparation qui lui eft plus cruelle que la mort même.

Les Sultanes n'avoient pu entendre l'hiftoire de Katifé & de Margeon, fans y prendre tout Finterêt qu'ils méritoient; elles

fui en marquoient fincerement leur fenfibilité, lorfque Cothrob leur adreffant la parole: ce n'eft pas affez, leur dit-il, de confoler par des difcours ces illuftres malheureux, il faut encore par des effets, qu'ils connoiffent toute l'étendue de notre pouvoir : alors fe tournant du côte de Katifé Seigneur, continua-t'il, quelque touchée que Margeon foit de votre féparation, elle est toujours foutenue par l'efpérance que vous n'êtes pas péri dans les flots: nous avons pris foin de l'en inf truire en fonge, & elle eft fi bien perfuadée de cette vérité, qu'après avoir parcouru nombre de Ports pour vous chercher, elle touche au moment de vous rejoindre.. Ah! fage vieillard, s s'écria Katifé tranfporté de joie, vous me rendez la vie. Eft-il bien. poffible que je vais revoir mon adorable Margeon. ? un bonheur:

fi surprenant eft au-deffus de mes efpérances pardonnez-moi ce doute, généreux Génies, je ne dois point en avoir fur l'étendue de votre puiffance; la maniere extraordinaire dont je me trouve dans ce lieu de délices, me doit faire connoître que rien ne vous eft impoffible; mais Margeon foupire éloignée de moi, & je languis abfent de cette charmante époufe que j'adore.

Vos empreffemens font juftes, 'dit alors Cothrob, il faut les fatisfaire. Et bien, Seigneur, vous allez voir dans le moment cette épouse qui fait l'unique objet de vos attentions, & dont vous méritez la tendreffe avec tant de juftice; elle vient par mon pouvoir d'être tranfportée dans ces lieux avec Abouriam, Khaled & fon époux; alors les portes du falon ayant été ouvertes par les ordres de l'Iman, on y vit entrer

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la charmante Margeon, qui fans faire aucune attention aux perfonnes qui y étoient, ni aux magnificences de ce lieu, courut fe jetter entre les bras de Katifé. Chere lumiere de ma vie, lui dit-elle, je vous retrouve donc après vous avoir cru englouti dans les flots. Ah! que mon cœur a été cruellement déchiré depuis notre trifte féparation, & que vous m'avez couté de larmes! Non! fans mon pere, & votre aimable four, je n'aurois pas furvêcu un feul moment à ce dernier malheur que je croyois fans reffource. Grand Prophete! vous feut pouviez leur fournir des rai fons capables de fufpendre mon défefpoir, & vous m'avez bien fait connoître par votre protection toute finguliere, les effets de votre bonté. Oui, mon cher époux, c'eft fans doute cet ami de Dieu qui a calmé la violence de mès

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