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avantures de fa vie. Pour cet effet, Gehernaz prenant la parole: Megnoun, lui dit-elle, vous devez vous eftimer bien glorieux de recevoir des marques auffi brillantes de la protection de cette belle Perize; mais apprenez que ce préfent ne vous eft fait qu'à condition que vous nous ferez un récit des plus fincere de votre vie. Prenez, garde de yous écarter le moins du monde de la verité la plus exacte. Vous devez croire, fi cela vous arrivoit, que découvrant dans le moment l'impofture, vous encoureriez notre indignation. Illuftre Perize, répondit alors le jeune homme, il fuffit que vous me l'ordonniez, pour que je ne vous cache rien de mes avantures, telles qu'elles puiffent être. Ainfi vous me voyez prêt à vous fatisfaire; alors voyant qu'on lui prêtoit filence, il commença en

ces termes.

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HISTOIRE

De Malloud fils de Soffar.

M

On pere étoit un Chaudronnier Arabe, établi à Schiraz, & il n'étoit connu dans cette Ville que par le furnom de (a) Soffar, qu'on lui donnoit par excellence, parce qu'il travailloit dans fa profeffion avec une extrême propreté, & que les ouvrages qui fortoient de fes mains, étoient parfaits dans leur genre. Il demeuroit dans le voifinage d'un Philofophe, qui quoique jeune, étoit très-habile, & qui l'employoit fouvent à faire des alembics, ou d'autres vaiffeaux propres à travailler à

(a) Soffar, fignifie en Arabe le Chaudronnier.

la Chimie. Comme mon pere étoit obligé d'aller fouvent chez ce Philofophe, il eut occafion d'y faire connoiffance avec une efclave appellée Nour âgée d'environ trente ans, & cette fille en étant devenue amoureuse, eut tant de complaifance pour lui, que fon maître s'apperçut bien-tôt du commerce qu'elle avoit avec Soffar.

LXIII. SOIRE'E.

Suite de l'Hiftoire de Maffoud
fils de Soffar.

L

E Philofophe n'eut pas plutôt connu la foibleffe que Nour avoit eu pour Soffar, qu'il en entra dans une violente colere; & s'étant faifi d'un bâton, il fe jetta fur ce pauvre Chaudronnier, & l'auroit affommé

de.

coups, s'il ne se fût dérobé aux premiers mouvemens de fa fureur. A l'égard de Nour, elle n'eut recours qu'à fes larmes ; & s'étant jettée aux pieds du Philofophe, elle le toucha de maniere, qu'elle obtint la grace de mon pere & la fienne, Nour, lui dit-il, levez-vous, & voyez ce que vous perdez aujourd'hui; je vous avois affez diftinguée de mes autres efclaves, pour vous faire comprendre que je vous aimois; je croyois trouver en vous une perfonne raisonnable. Avec la liberté que j'allois vous donner, je vous aurois offert une place dans mon lit, & je vous eftimois affez pour vous juger digne d'être ma femme; je me fuis heureusement trompé ; la conduite que vous avez tenue avec un vil Chaudronnier, me fait connoître la baffeffe de vos fentimens, & combien j'aurois

été malheureux en m'affociant avec une perfonne de votre caractere. Je loue le Ciel de ce qu'il ne l'a pas permis. Faites avertir le Cadi & l'Iman: en leur préfence, je vais vous délivrer d'efclavage, & vous lier avec Soffar qui a été affez har di pour deshonorer ma maison. Il trouvera peut-être dans ce mariage la punition de fon infolence.

Les ordres du Philofophe furent executés fur le champ. Nour fut affranchie chez le Cadi; elle époufa enfuite Soffar, & l'émotion qu'elle avoit reffentie dans cette journée fur fi violente, qu'à peine fut-elle arrivée dans la maifon de fon mari, qu'elle y accoucha de moi à fept mois. Mon pere en fut fi tranfporté de joie, qu'il me nomma Maffoud, (a) prétendant que

(a) Fortuné.

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