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ayant fait mal-à-propos quelques hoftilités fur nos Terres, le Sultan d'Aden réfolut d'en tirer une prompte vengeance:pour cet effet ayant fait affembler toutes fes troupes dans une grande plaine fituée aux portes de la Capitale, il fallut m'y rendre avec les principaux Officiers; mon embarras n'étoit pas de recevoir les ordres de mes Supérieurs, s'ils n'avoient regar dé que ma feule perfonne; mais lorfqu'ils concerneroient les Subalternes ou les Soldats, il n'étoit pas facile de les faire exécuter par fignes; le Sultan y fuppléa heureusement: m'ayant reconnu dans la revûe qu'il fit de fes Troupes, & informé que je n'avois pas encore l'ufage de la parole, il eut la bonté de me dire que me connoiffant pour un brave homme, il me difpenfoit de fervir dans mon pofte ordinaire, & qu'il vouloit que je combatiffe à

à fes côtés. Je reçus avec tranfport une grace auffi particuliere; je me jettai à fes pieds, & ce bon Prince fut fi touché de mon action, qu'il me releva avec toute la bonté imaginable.

Nous partîmes le lendemain, & au bout de huit jours nous étant trouvés en préfence de notre ennemi, il fe donna un combat des plus fanglans. Comme le Sultan mon Maître m'avoit ordonné de ne me point écarter de fa perfonne, je ne le perdis pas un feul moment de vue pendant l'action; jeus même deux fois le bonheur de lui fauver la vie ; & fon cheval ayant été tué fous lui, je le remontois fur le mien, & je le parois des attaques de fes ennemis, lorfque je reçus deux coups d'épée, dont l'un m'ayant percé la cuiffe, & l'autre après avoir paffé à travers le bras gauche, pénétroit dans la poitrine, je tom

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bai à la renverse entre les pieds des chevaux. Le Sultan qui s'en apperçut, & qui fe défendoit comme un Lion, donna fes ordres pour que l'on me secourût promptement on m'enleva, & pendant que je fus porté dans une tente voisine où l'on examina mes playes qui fe trouverent affez dangereuses, ce brave Monarque anima tellement les fiens par fon exemple, qu'il remporta une vic toire d'autant plus complette.. que le Sultan de Zibith y laiffa la

vie..

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Le premier foin du Roi, après la bataille, fut de s'informer en quel état je me trouvois, & ayant appris que j'étois affez mal, i accourut à ma tente: Quelles obligations ne t'ai-je pas, mom cher ami, me dit-il en m'embraffant ? & comment puis-je m'em acquitter envers toi? Songe feur lement à te guérir, & fois per Tome III.

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fiadé qu'il n'eft rien que je ne faffe pour te donner les marques: les plus fenfibles, & les plus effntielles de ma reconnoiffance..

Je reçus le Sultan avec tout le refpect dont j'étois capable en l'état où je me trouvois; & comme mes bleffures étoient trop confidérables pour que je puffe être transporté à Aden, il me fit conduire fur un brancard à la Ville la plus prochaine, & m'y ayant laiffé deux de fes Medecins,& quatre Chirurgiens, avec ordre de n'oublier rien pour me rendre la fanté, il partit pour retourner à Aden. Comme j'étois. logé chez le Gouverneur, nonfeulement je ne manquai de rien, mais encore on eut tant d'attention pour moi moi, & je fus traité avec un fi grand foin, que huit jours après je fus hors de danger,. & au bout de deux mois en état de re, rendre la route d'Aden.

J'ai lieu de croire que mes bleffures n'étoient pas indifféren tes à Margeon, puifqu'elle m'envoya au lieu où je reftai, un ef clave chargé de la lettre la plus yive & la plus paffionnée, & qu'elle y joignit une bourfe de cinq cens pieces d'or. Je reçus la lettre avec les transports les plus marqués; mais je ne voulus pas accepter la bourse que je remis entre les mains de l'esclave.

LIL SOIRE'E.

Suite des Avantures de Katife & de Margeon.

CE

Er homme refta quefque tems auprès de moi, & quand il fut bien für qu'il n'y eut plus rien à craindre de mes blef fures, il me pria de le charger d'une lettre pour fa Maîtreffe

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