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Carizme, & qu'il lui apprit, ainfi qu'à Abderaïm,qu'ils étoient dans le Ginniftan; cela étoit d'autant moins difficile à croire, que leur transport merveilleux dans ce Palais, & leurs propres avantures les autorifoient à être fort crédules fur de pareils évenemens; perfuadés donc qu'ils étoient dans le Palais des Perizes, & que ce qui venoit de leur arriver, n'avoit été fait que par leur moyen, ils ne parurent pas plutôt devant elles le lendemain, que fe profternant à leurs pieds, ils leurs firent tous les remercimens imaginables des obligations qu'ils leur avoient; & Abderaïm croyant s'appercevoir, qu'elles attendoient avec quelque forte d'impatience qu'il leur racontât fes avantures commença en ces fermes:

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il

LXXVI. SOIREE.

Suite de l'Hiftoire d'Abderaïm, racontée par lui-même.

L

Abfence de Mourad me caufa un déplaisir si sensible, que j'en penfai mille fois mourir de douleur, J'attendis une quinzaine de jours pour voir s'il ne reviendroit pas, & ce tems expiré, n'ayant point eu de fes nouvelles, je réfolus de l'aller chercher; je fermai ma maison, je laiffai fur la table de ma chambre un papier fur lequel en peu de mots, je lui expliquois la fituation cruelle où fa fuite me mettoit (en cas qu'il reyînt à la maifon pendant mon abfence) & je me mis en chemin pour aller le chercher; je n'avois garde de le trouver en commençant par le

Turqueftan, le Mogolifan, & par les Indes, aufquelles il tournoit le dos, puifqu'il m'a appris hier qu'il avoit porté d'abord fes pas du côté de la Perse. Après plus d'un an de fatigue, un jour affez tard que j'arrivai à un gros Bourg tout proche d'Agra, la nuit me furprit auprès d'une Pagode qui me parut fort joliment bâtie; comme j'étois affez embarraffé à fçavoir ce que je deviendrois, je réfolus de me coucher fur les dégrés de ce Temple, & ayant voulu m'y arranger, je fus furpris en m'appuyant contre la porte, de voir qu'elle n'étoit pas fermée; j'y entrai fans hésiter & après l'avoir examiné à la lueur de trois lampes qui étoient devant la Statue de (a) Ram, pour qui

(a) Voyez toute l'Hiftoire de Ram dans Je Chapitre 5. du 3. Livre du Voyage des Indes de Tavernier, tome 4. fol. 114.

ces Idolâtres ont la plus grande vénération. Comme j'avois extrêmement befoin de repos, je crus que je ne pouvois le goûter plus tranquillement que dans ce lieu. Je réfolus donc d'y paffer la nuit, & pour cet effet, ayant été fermer la porte que j'avois trouvée ouverte, je ne vis point de place qui me convînt mieux pour dormir , que derriere là Statue Gigantefque de ce faux Dieu; & je commençois à y goûter un doux fommeil, lorfque. du bruit que j'entendis affez près de moi, me rendit attentif. Je vis le marchepied qui conduifoît à une efpéce d'Autel qui étoit aux pieds de la Statue, fe lever; j'apperçus alors deux Bramins: (a) fortir de deffous ce marchepied, & l'un d'eux adreffant la parole à

(a) Les Bramins font les Prêtres des Gentil ou des Idolâtres des Indes.

Fautre: Frere, lui dit-il, j'attends ici ce foir un friand morceau, c'est une fille de quatorze ans au plus, mais plus belle que tout ce que la Nature a jamais, produit; elle s'appelle Asfer, & doit le jour à un gros Négociant de ce Bourg. J'en fuis devenu fi éperdument amoureux, que je n'ai pas trouvé de moyen plus prompt pour contenter ma passion, que de faire fçavoir à fon pere qu'elle avoit eu le bonheur de plaire à notre grand Dieu Ram, qu'il fouhaitoit qu'elle lui fût conduite ce foir dans ce Temple, pour être fa femme, & que s'il étoit content d'elle, il vouloit qu'elle lui fût amenée pendant huit jours de fuite. Le bonhomme de pere, qui s'appelle Nahou, s'eft trouvé fort honoré du choix de Ram, & je compte que dans une demi heure au plus tard, il amenera ici lui-même la charmante Asfer; c'eft pourquoi

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