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ladie, je fis comprendre à Margeon, après l'avoir affurée d'une fidelité parfaite, que ce n'étoit pas la peine de lui défobéir pour fi peu de tems, & que les dix jours qui me reftoient, feroient bientôt paffés; enfuite voulant un peu me réjouir à fes dépens, je lui donnai à entendre, que fuppofé qu'il y eût du vrai dans ce qu'elle venoit de me dire, l'interêt pouvoit bien lui faire jouer le perfonnage qu'elle faifoit; & que le feul efpoir ce que le Sultan avoit gagner ce promis pour ma guérison, le lui avoit fait entreprendre; mais que moins intereffe qu'elle, je ne voulois pas rifquer de perdre fes bonnes graces pour cent mille pieces d'or de plus ou de moins & que quelque chofe qui pût arriver ne parlerois que quand le terme fatal feroit expiré.

de

Je n'eus pas plutôt fait connoître à Margeon, que j'étois infle

xible fur ce qu'elle vouloit exiger de moi, que je vis une extrême pâleur lui couvrir le vifage; ah perfide, me dit-elle, que tu rends bien peu de juftice à mon amour! c'eft lui feul qui m'a conduit en ces lieux; & fans l'appréhenfion que j'ai eu que tune fuccombaffes aux offres du Sultan, j'aurois attendu patiemment que l'année eut été révolue; mais je vois bien, ingrat, que l'ambition te dévore, tu vas devenir beaufrere de ton maître; la Sultane que tu vas époufer, eft fans doute d'une beauté raviffante & tu oublieras bien-tôt entre fes bras, l'infortunée Margeon, qui t'eft devenue indifférente, & peutêtre même odieufe. Je vais donc perdre la vie, barbare! ta réfif tance à mes volontés me livre à une mort certaine; tu niores pas le fort qui m'attend au fortir de ces lieux, & tu le vois avec

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joie, puisque je ne poffede plus ton cœur, tu-te repens apparemment de toutes les peines que tu as fouffert par mes ordres; tu m'en fais aujourd'hui un crime, dont tu te vanges bien lâchement; tu n'ignores pourtant pas combien je t'aime que dis-je ? à quel point je t'adore : Ah! fi je n'avois reffenti pour toi qu'une paffion médiocre, je t'aurois épousé il y a deux ans; tes défirs auroient été fatisfaits, & tu aurois peutêtre ceffé de m'aimer fix mois après; mais comme ton cœur m'a paru d'un prix infini, j'ai voulu te foumettre aux épreuves les plus pénibles : je croyois avoir trouvé en toi les fentimens d'un honnête-homme, d'un homme qui paroiffoit m'aimer avec une tendreffe & une fidelité au-deffus de toute expreffion; je t'allois devenir auffi foumise que je t'ai parue fiere & inexorable; & dans

l'inftant que je crois toucher à mon bonheur, non-feulement tu ceffes de m'aimer, tu me méprises, ingrat! & tu deviens mon bourreau en me livrant toi-même à une mort infaillible, il ne te manque, que d'en être fpectateur; viens cruel, viens me voir expirer en prononçant encore ton nom, qui malgré ta barbarie, me fera cher au-delà même du tombeau; & par cette inhumanité, rends-toi autant execrable à la poftérité, que tu y aurois été illuftre par ta conftance & par ta fidelité.

Margeon verfoit un torrent de larmes en me tenant des difcours auffi touchans, & qui me combloient de joie de croire qu'elle y exprimoit les véritables fentimens de fon cœur; mais comme je l'avois vû jouer des fcénes qui avoient fort approché de celleci, je la regardois comme le der

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nier artifice qu'elle vouloit employer pour triompher de moi quoique je fuffe auffi ému qu'elle me paroiffoit l'être, je reftai ferme dans ma résolution, malgré les expreffions les plus féduifantes dont elle fe fervit encore, elle ne put me faire rompre le filence; & fortant pénétrée de la plus vive douleur, elle me laiffa dans une inquiétude inexprimable.

Je commençois à me porter beaucoup mieux, je me promenois fouvent dans un petit jardin qui joignoit à mon appartement; & à mesure que le terme fatal approchoit, je fentois ma fanté augmenter de momens en momens; enfin ce jour fi défiré arriva, & je crus, en épargnant au Sultan les fommes confidérables qu'il avoit promifes pour ma guérifon, devoit aller là lui annoncer moi-même.

Ce Monarque étoit convalef

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