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Royaume, gouverne - le avec toute la fageffe dont tu es capa+ ble, & laisse-moi goûter un repos tranquile, dont je n'ai point encore joui jufqu'à prefent, parce que j'ai toujours été obligé de veiller moi-même fur la conduite de mes premiers Vifirs.

Comme il n'y avoit rien à repliquer à des ordres auffi abfolus je témoignai que j'étois difpofé à les exécuter; & après avoir été déclaré premier Vifir, je ne fus pas plutôt forti de la présence du Sultan, que fans perdre de

de tems

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je me transportai chez ma belle Veuve; mais Ciel ! que devins-je en trouvant tous fes efclaves en pleurs.? Ah! Seigneur, me dirent-ils, qu'eft devenue notre bonne maîtreffe? il y a dix jours que nous ne l'avons vûe; elle est fortie d'ici fous des habits d'homen nous affurant qu'elle alloit vous ramener dans cette mai

me,

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fon pour vous en rendre le maître en qualité de fon époux : quelques-uns de nous l'ont conduite au Palais du Sultan, nous y fommes reftés jufqu'à la nuit, nous ne l'en avons pas vûe fortir, & fi nous pouvons ajouter foi aux bruits qui courent dans Aden elle a perdu la vie vie, ainfi que quelques autres particuliers, qui flattés par l'efpoir d'une récompenfe auffi extraordinaire, avoient promis de parvenir à vous faire rompre le filence; c'étoit une alternative que le Vifir Zalvon avoit fait publier huit jours avant que Margeon s'expofât à cette cure; elle n'ignoroit pas que la mort devoit être la punition des téméraires, qui entreprendroient votre guérifon fans en venir à bout, comme ils devoient recevoir deux cent mille pieces d'or, en vous rendant l'ufage de la lan gue.

LVI. SOIRE'E.

Suite des Avantures de Katifé & de Margeon.

J

E fus frappé de cette nouvelle fi peu attendue, comme d'un coup de foudre, continua Katifé; & après avoir pendant quelques momens exhalé toute ma fureur, je courus en porter mes juftes plaintes au Sultan Ah Seigneur m'écriai-je, en me jettant de nouveau à fes pieds j'ai perdu na chere Margeon, au moment que je touchois à celui de la poffeder. Alors lui ayant fait un court récit de ce que je venois d'apprendre des efclaves de cette veuve, ce bon Prince fut si touché de l'indigne conduite de Zalvon, qu'il ordonna fur le champ qu'on allât l'arrêter, &

qu'on l'amenât en fa présence Seigneur, lui dis-je, permettez que j'aille moi-même exécuter vos ordres. Et bien, reprit le: Sultan, cours-y, mon cher Katifé, & ne te présente devant moi qu'avec la tête de ce fcelerat dont la cruauté rejaillit entierement fur moi; loin d'avoir donné des ordres auffi fanguinaires, je les abhorre; je t'ordonne de le faire connoître dans Aden, & de t'informer des noms de ceux qu'il a fait injuftement mourir, afin de dédommager leur malheureuse famille, aux dépens de cet infâ me Miniftre..

Je ne me fis pas repeter l'ordre du Sultan; je pris cinquante de fes Gardes, je courus chez le. Vifir, je fis entourer fa maifon & j'y entrai fans perdre un feul moment; mais quelle fut ma douleur, lorsque j'appris de fes efclaves, qu'il y avoit huit ou dix

jours

jours qu'il étoit forti d'A den pendant la nuit, avec deux femmes, dont l'une verfoit des larmes en abondance; par le portrait que l'un d'eux me fit de celle qui témoignoit une trifteffe fi amere, je crus reconnoître ma belle veuve, & je fus confirmé dans cette opinion par un Eunuque noir qui me dit lui avoir plufieurs fois entendu prononcer mon nom; il ajouta que fon Maître l'avoit obligé d'ôter la vie à cinq de ceux qui n'avoient pas réuffi à me guérir, & qu'il étoit prêt de couper la tête au fixiéme, qui étoit un jeune homme d'une rare beauté lorfque ce malheureux lui avoit découvert qu'il étoit une femme; que dans cet inftant il avoit cru voir dans les yeux de Zalvon une extrême paffion pour elle; qu'il l'avoit tenue enfermée dans une chambre du Palais extérieur du Sultan; qu'il l'en avoit fait fortir Tome III. E

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