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-Ah! je t'apprendrai à te jouer à

ton maître, & à abufer des bontés

qu'il a eu pour toi jusqu'à ce jour; tes infolens difcours ne m'effrayent pas; je connois le Sultan d'Aden mieux que toi ; je l'honore; mais quelque puiffant qu'il foit, je ne le crains pas, parce qu'il eft jufte; tremble donc à l'appareil des tourmens que je deftine à ta trahifon & à ton impofture; il ordonna enfuite l'on m'ôtât de fa préfence, & que l'on m'enfermât fous bonne garde jufqu'au lendemain.

que

L'on alloit exécuter fes volontés, lorfque Margeon fe jettant à fes pieds: Seigneur, lui dit-elle, en verfant un torrent de larmes, Mani ne vous en impofe pas; vous avez paru fenfible au récit de nos malheurs, lorfque fous des noms fuppofés vous les avons représentés; des rendez pas réels par un excès

nous

de dureté que vous condamneziez, fi vous étiez dans une fituation plus tranquille, & après avoir fouhaité vous-même, que Katifé fous le nom d'Hindbad fût tranquille poffeffeur de sa maîtreffe, voudriez-vous que la malheureuse Margeon fut encore aujourd'hui la caufe innocente de fa mort ?

Qu'ont de commun Margeon & Katifé, avec ce qui fe paffe en ces lieux, dit alors le Gouver neur avec vivacité: Seigneur, reprit ma belle veuve, je ne m'appelle pas Zobeyas; née d'un pere infortuné, qui tenoit un rang affez confidérable à la Cour d'Aden, j'eus le malheur de le perdre par les perfécutions d'un perfide Vilir; pour éviter les cruels effets de la jaloufie de ce fcélerat, il fut obligé de fuir de fa patrie, il y a environ quinze avec un fils qui pouvoit en

ans

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avoir douze; depuis ce tems fatal, une de mes foeurs & moi laiffées chez une parente de notre pere, nous y avons été en butte aux affauts de la fortune la plus inconftante :. Ah! tous les évenemens que nous vous avons racon-tés fous des noms empruntés, ne feroient point arrivés à l'infortunée Margeon, fi elle n'avoit pas été privée de la présence du mal-heureux. Abouriam fon pere Du malheureux Abouriam ?... Jufte Ciel! Qu'allois-je faire, s'écria le Gouverneur? Ah! voilà donc la fource de la tendreffe que je reffentois pour Zobeyas: Venez, ma chere fille, venez reconnoître dans votre Maître, ce pere infortuné que la

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la rage du Vi

fir Zalvon a forcé de fortir d'A den. Non-feulement j'approuve: votre union avec le fidele Katifé qui mérite fi bien votre tendreffe, &que je prie d'oublier les mau

vais traitemens qu'il vient d'ef fuyer; mais je le conjure encore: de confirmer le mariage de mon fils avec la jeune Khaled fa foeur;. c'eft cette aimable fille qui fut enlevée d'Aden il y a dix ou douze ans, & que j'achetai avec fa nour-rice: Comme j'appris quelle étoit: fa famille,& que je la connoiffois je la deftinai, dès. ce moment, être unie avec mon fils, & le Ciel a fait connoître qu'il approu voit mon choix, en infpirant à couple charmant les fentimens les. plus vifs & les plus tendres l'un pour l'autre..

ce

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Il eft impoffible, grands Gé nies, de pouvoir bien exprimer: quel fut en ce moment l'excès du : plaifir de Margeon, & combien fur grande la fatisfaction que je reflentis d'une fi heureuse recon noiffance; il faut en un inftant avoir paffé auffi fubitement, dur plus violent défefpoir à la joie la

plus parfaite, pour le pouvoir concevoir. Pénétré des bontés du Ciel, je me jettai aux genoux du Gouverneur , que j'embraffai avec la derniere tendreffe: Ah! Seigneur, lui dis-je, quelles graces n'ai-je pas à vous rendre ! vous m'accordez mon adorable Margeon; c'eft le fouverain bonheur auquel je pouvois afpirer. Vous la méritez bien par votre conftance fans exemple, reprit Abouriam en me relevant, je ne veux pas différer votre bonheur d'un feul moment, & l'Iman que l'on va chercher de ma part,

va couronner votre amour.

L'ordre du Gouverneur fut exécuté fur le champ, l'Iman vint faire les cérémonies néceffaires; & le refte de la foirée fut employé, comme vous pouvez le croire, dans la joie & dans les plaifirs. Si je n'ai pas fait venir à Brava Margeon & fa cadette

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