pour en exclure ceux dont les desseins et la conduite leur étoient suspects. Appius feignoit de n'y point prétendre; et pour inspirer à ses collegues le dessein d'y renoncer, il déclaroit publiquement, qu'ayant rempli tous les devoirs de bons citoyens par le travail assidu d'une année entiere, il étoit juste de leur accorder du repos et des suc Mais ses liaisons publiques, et dont il ne se cachoit point, avec les Duillius et les Icilius, c'est-à-dire, avec les chefs du peuple, et pour ainsi dire les arcs-boutans du tribunat; le soin qu'il prenoit de se rendre agréable aux plébéiens, son affabilité et sa modération, si opposées à cette fierté qu'on reprochoit à la famille Claudia, tout cela donnoit beaucoup d'inquiétude à ses rivaux, et le rendoit suspect à ses collegues. Ces derniers, , pour s'assurer de son exclusion, le nommerent pour présider à l'élection nouvelle. Et comme c'étoit un usage que celui qui présidoit An de Rome 302. à l'assemblée, nommoit ceux qui aspí- 1 vérité, et même de moeurs jusqu'alors irréprochables, mais d'un esprit lent et paresseux, naturellement ennemi des affaires, sans fermeté, et incapable de le troubler dans la disposition des desseins qu'il méditoit. Ce fut dans les mêmes vues qu'il fit élire ensuite * M. Cornelius Maluginensis, M. Sergius, L. Minucius, T. Antonius Merenda M. Rabuleius, sénateurs peu estimés dans leur compagnie, mais qui lui étoient dévoués, et qui, par ses intrigues secrettes, emporterent cette dignité sur les Quintiens, et même sur Claudius son oncle, zélé patricien, et auquel il fit donner l'exclusion, aussi bien qu'à tous ses collegues du premier décemvirat. Enfin, ce qui surprit et consterna le sénat, c'est qu'Appius, oubliant sa propre gloire et celle de ses ancêtres, n'eut point de honte pour flatter les anciens tribuns auxquels il avoit vendu sa foi, de proposer trois * D. Hal. 1. 10, pag. 682. An de Rome 303. An de Rome 303. plébéiens pour décemvirs, sous prétexte 33e qu'il étoit juste qu'il y eût quelqu'un dans ce college qui veillât aux intérêts du peuple. Il y fit entrer Q. Petilius, C. Duillius et Sp. Oppius Cornicen, tous trois plébéiens exclus par leur naissance de ces premieres magistratu res, et qui n'y parvinrent que parce qu'ils y avoient porté eux-mêmes Appius par tous les suffrages du peuple, dont ils disposoient à leur gré, et qu'ils avoient déterminé en sa faveur, suivant leurs conventions secrettes. Appius se voyant enfin parvenu, par sa dissimulation et ses intrigues, à la tête du décemvirat, ne songea plus qu'à rendre sa domination perpétuelle; il assembla aussitôt ses nouveaux collegues, qui tous lui étoient redevables de leur dignité. Pour lors, mettant bas le masque de républicain, il leur représenta que rien ne leur étoit plus aisé que de retenir toute leur vie la souveraine puissance; qu'ils étoient revêtus d'une commission dans laquelle se trouvoient réunies l'autorité consulaire et la puissance tribunitienne; que le sénat et le peuple, toujours opposés, plutôt que de voir le rétablissement de ces deux magistratures, qui leur étoient également odieuses, aimeroient mieux leur laisser, comme en dépôt, le soin du gouvernement; que les particuliers s'accoutumeroient insensiblement à leur autorité, et que, pour la conserver, ils devoient rappeller à leur tribunal la connoissance de toutes les affaires, sans souffrir qu'on les portât au sénat ou devant l'assemblée du peuple. Qu'il falloit sur-tout éviter avec grand soin toute convocation de ces deux corps, qui les feroit appercevoir de leurs droits et de leurs forces. Qu'il se trouvoit toujours dans ces sortes d'assemblées des esprits inquiets et impatiens de toute domination, et que pour rendre inébranlable l'autorité du décemvirat, il étoit de l'intérêt des décemvirs de demeurer étroitement unis entre eux; qu'ils devoient avoir une complaisance |