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réciproque les uns pour les autres ; que de Rome tout le college devoit s'intéresser dans les affaires particulieres de chaque décemvir et il ajouta qu'il croyoit qu'ils devoient s'engager tous par les sermens les plus solemnels à ne se troubler jamais les uns les autres dans l'exécution de leurs desseins particuliers. Comme ce discours d'Appius flattoit agréablement l'ambition de ses collegues, ils se laisserent conduire à ses vues. * Chacun applaudit à ses projets; tous firent les sermens qu'il prescrivit, et ils convinrent unanimement de n'oublier rien pour retenir toute leur vie l'empire et la domination qu'on ne leur avoit déférés que pour une seule année : nouvelle conspiration contre la liberté риblique.

** Ces nouveaux magistrats entrerent en possession de leur dignité aux ides 15 de mai. de mai; et pour inspirer d'abord de

* D. Hal. lib. 10, pag. 682.

** Id. ibid.

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la crainte et du respect au peuple, ils parurent en public chacun avec douze de Rome licteurs, auxquels ils avoient fait prendre des haches avec leurs faisceaux comme en portoient ceux qui marchoient devant les anciens rois de Rome ou devant le dictateur; en sorte que la place fut remplie par six vingts licteurs qui écartoient la multitude avec un faste et un orgueil insuportables dans une ville où régnoient auparavant la modestie et l'égalité. Le peuple ne vit qu'avec indignation cet appareil de la tyrannie. La comparaison qu'il faisoit de la modération des consuls avec les manieres fieres et hautaines des décemvirs, lui fit bientôt regretter l'ancien gouvernement. Il se plaignoit secrettement qu'on lui eût donné dix rois pour deux consuls. Mais ces réflexions venoient trop tard, et il n'étoit plus maître de détruire son ouvrage. Les décemvirs commencerent à régner impérieusement et avec une autorité absolue. Outre leurs licteurs, ils étoient

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de Rome

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encore environnés en tout temps d'une troupe de gens sans nom et sans aveu, la plupart chargés de crimes ou accablés de dettes, et qui ne pouvoient trouver de sûreté que dans les troubles de l'état. Mais ce qui étoit encore plus déplorable, c'est qu'on vit bientôt, à la suite de ces nouveaux magistrats, une foule de jeunes patriciens, qui, préférant la licence à la liberté, s'attacherent servilement aux dispensateurs des graces. Et même, pour satisfaire leurs passions, et fournir à leurs plaisirs, ils n'avoient point de honte d'être les ministres et les complices de ceux des décemvirs. Il n'y eut plus d'asyles assez sûrs pour la beauté et la pudeur. Cette jeunesse effrénée, à l'ombre du pouvoir souverain, enlevoit impunément les filles du sein de leurs meres ; d'autres, sous de foibles prétextes, s'emparoient du bien de leurs voisins, qui se trouvoit à leur bienséance. En vain on en portoit des plaintes aux décemvirs, les malheureux étoient rejettés

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avec mépris, et la faveur seule, ou An des vues d'intérêt, tenoient lieu de de Rome droit et de justice. Que si quelque citoyen, par un reste de l'ancienne liberté, étoit assez hardi pour faire éclater son ressentiment, ces tyrans le faisoient battre à coups de verges comme un esclave; d'autres étoient exilés; il y en eut même qu'on fit mourir ; et la confiscation suivoit toujours le supplice des malheureux.

Le peuple, qui gémissoit sous une domination si tyrannique, jettoit les yeux du côté du sénat, d'où il attendoit sa liberté. Mais la plupart des sénateurs redoutant la fureur des décemvirs, s'étoient retirés à la campagne. Ceux qui étoient restés dans la ville, n'étoient pas fâchés que la dureté du gouvernement présent fît regretter celui des consuls; et ils se flattoient que le peuple renonceroit volontiers au rétablissement des tribuns, si on pouvoit le tirer de la domination des décemvirs.

C. Claudius, personnage consulaire,

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An et oncle d'Appius, sensiblement touché de Rome de voir son neveu s'ériger en tyran de

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sa patrie, plusieurs fois chercha les occasions de le joindre, pour lui représenter à quel point il déshonoroit la mémoire de ses ancêtres, par une conduite si odieuse. Mais ce chef des décemvirs, qui redoutoit ces remontrances, éludoit ses visites, sous différens prétextes. C. Claudius ne put jamais pénétrer jusques dans son appartement; et cet ancien magistrat éprouva que les tyrans ne reconnoissent plus ni parens ni amis.

Cependant ces nouveaux magistrats ajouterent deux tables de loix aux dix qu'on avoit promulguées l'année précédente; mais il n'y statuerent rien touchant le partage des terres conquises. On observa même, que dans les deux dernieres tables, il y avoit un article qui défendoit aux patriciens et aux plé béiens de s'allier par des mariages réciproques, et qu'ils avoient fait une loi expresse d'une ancienne coutume. On

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