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Virginius le fit citer devant l'assemblée de Rome du peuple.

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Tant que Ceson s'étoit trouvé dans la chaleur des disputes, soutenu par les applaudissemens du sénat, qui flattoient sa vanité, il avoit toujours fait paroître beaucoup de fermeté et de constance. Mais tout son courage l'abandonna la veille de son jugement. L'exemple de Coriolan fit alors une vive impression sur son esprit. On le vit timide, effrayé, se reprochant le passé, redoutant l'avenir, et tout prêt à changer honteusement de parti. Il prit des habits de deuil; et avec une contenance triste et humiliée, il recherchoit avec bassesse la faveur des moindres plébéiens.

Le lendemain et le jour même qu'on devoit traiter de son affaire, il n'osa paroître devant le peuple. * Il fallut que son pere, accompagné de ses parens et de ses amis, se présentât pour lui. A. Virginius commença son accu

* D. Hal. 1. 9, pag. 631, 632.

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sation par les reproches qu'il fit à Ceson de son humeur impérieuse, de son manque de respect pour les assemblées du peuple, et des violences qu'il y avoit exercées contre les particuliers. « Et « que deviendra notre liberté, s'écrioit Virginius, quand les patriciens au«ront élevé au consulat ce jeune am« bitieux, qui, n'étant encore que per<<< sonne privée, cause déja de justes « alarmes à sa patrie, par sa violence << et son audace?» Il produisit ensuite tous les plébéiens que Ceson avoit maltraités, et qui demandoient justice. Ses. parens, ses amis, ne s'amuserent point à le vouloir disculper de ces prétendues violences; ils ne répondirent aux invectives du tribun que par les louanges. de l'accusé. Les uns rapporterent tous les combats où il s'étoit signalé; d'autres nommoient les citoyens auxquels, dans des batailles, il avoit sauvé la vie. *T. Quintius Capitolinus, qui avoit été trois

* Tit. Liv. 1. 3, c. 12.

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fois consul, dit qu'il l'avoit mené à la guerre ; qu'à ses yeux il étoit sorti vainqueur de plusieurs combats singuliers qu'il avoit soutenus contre les plus braves des ennemis, et qu'il l'avoit toujours regardé comme le premier soldat de son armée. Lucretius, qui avoit été consul l'année précédente, ajoutoit qu'il étoit de l'intérêt de la république de conserver un citoyen si accompli, et que l'âge, en augmentant sa prudence, emporteroit chaque jour quelque chose de ce caractere impétueux qui le rendoit odieux à la multitude.

L. Quintius Cincinnatus son pere, l'homme de son siecle le plus estimé par sa capacité dans le gouvernement de l'état et dans le commandement des armées, se contenta de prier le peuple de pardonner au fils, en faveur d'un pere qui n'avoit jamais offensé aucun citoyen. Le respect et la vénération qu'on avoit pour cet illustre vieillard, commençoient à adoucir les esprits; mais Virginius, qui avoit résolu de

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perdre Ceson, répondit à Cincinnatus, que son fils étoit d'autant plus coupable, qu'il n'avoit pas su profiter des exemples d'un pere comme lui. Qu'il nourrissoit dans sa maison le tyran de sa patrie, et que les grands exemples de ses ancêtres devoient lui avoir appris à préférer la liberté publique à ses propres enfans. « Et afin, dit ce tri<«<< bun en se tournant vers le peuple, qu'il ne paroisse pas que je veuille <<< en imposer, je consens, si on le veut, qu'on ne parle point ici, ni des dis«cours injurieux que Ceson a tenus «<< dans nos assemblées contre le peuple, << ni des violences qu'il a exercées contre «<< de meilleurs citoyens que lui; mais je demande que M. Volscius, mon collegue, soit entendu sur des plaintes particulieres qu'il a à faire contre lui; << et j'espere que le peuple ne laissera << pas sans vengeance un de ses magis<<< trats.si cruellement outragé. >> Pour lors Volscius se levant pour jouer le rôle qu'il avoit concerté avec son col

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legue « J'aurois souhaité, dit-il en « adressant la parole au peuple, avoir « pu porter plutôt mes plaintes de la << mort d'un frere très cher, que Ceson « a tué dans mes bras; mais la crainte « des violences ordinaires du même Ce« son, et le crédit de sa famille, ne « m'ont que trop fait comprendre ce « que j'avois à craindre moi-même d'une pareille poursuite. Si je ne viens plus «assez à temps pour me rendre son ac«cusateur, du moins ne pourra-t-on <<< pas rejetter le triste témoignage que je rendrai de sa cruauté et de sa tyrannie.

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« Ce fut, continua ce fourbe, sous «<le consulat de L. AEbutius et de P. Servilius, que revenant un soir, mon « frere et moi, de souper chez un de « nos amis, nous rencontrâmes, proche « le quartier où logent les femmes publiques, Ceson plein de vin, et accompagné, à son ordinaire, de plu<< sieurs jeunes patriciens insolens com<< me lui, et qui venoient apparemment

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