Imágenes de páginas
PDF
EPUB

« de faire la débauche ensemble dans «< ces maisons de prostitution. Ils nous << attaquerent d'abord par des railleries

сс

сс

сс

[ocr errors]

piquantes, et par des injures que je «< crus devoir dissimuler: mais mon « frere, moins patient que moi, leur « ayant répondu, comme un homme << libre et plein de courage devoit faire, « Ceson tomba aussitôt sur lui; et se prévalant de ses forces, il lui donna << tant de coups de poings et de pieds, qu'il l'assomma à mes yeux et dans «<mes bras, sans que je pusse opposer « à une si grande violence, d'autres << armes que des cris et des prieres << inutiles. Je ne pus en porter mes plaintes aux deux consuls, qui mou«rurent de la peste la même année. « L. Lucretius et T. Veturius, leurs «<< successeurs, furent long-temps en <«< campagne. Ce ne fut qu'à leur retour « que je songeai à former mon action : «mais Ceson ayant appris mon dessein, << me surprit un soir à l'écart, et il me « donna tant de coups, que je fus

[ocr errors]

An

de Rome

292.

[ocr errors]

An

de Rome

292.

сс

obligé, pour éviter un sort pareil à « celui de mon frere, de lui promettre de ne parler jamais de l'une et de « l'autre violence. »

* Le peuple fut si ému par ce récit, que, sans approfondir la vérité du fait, il alloit condamner sur-le-champ Ceson à perdre la vie; mais A. Virginius, qui conduisoit toute cette fourberie, voulut la revêtir des apparences de la justice, et faire périr l'accusé par les formes ordinaires. Il demanda qu'attendu que Volscius n'avoit pas ses témoins présens, Ceson fût arrêté et mis en prison, jusqu'à ce que son crime eût été avéré. T. Quintius son parent, représenta qu'il étoit inoui dans la république, que sur une simple accusation on commençât par arrêter un citoyen peut-être innocent; et que cette nouvelle forme de procédure donnoit atteinte à la liberté publique. Mais le tribun soutint que cette précaution étoit nécessaire pour

* Tit. Liv. 1. 3, c. 13.

empêcher qu'un aussi grand criminel n'échappât à la justice du peuple. On agita de part et d'autre cette question avec beaucoup de chaleur et d'animosité. Enfin il fut arrêté que l'accusé demeureroit en liberté, mais sous la caution de dix citoyens, qui s'obligerent de le représenter le jour qu'il devoit être jugé, ou de payer une amende dont les tribuns convinrent ensuite avec le sénat. Ceson, quoique innocent, n'osa s'abandonner au jugement du peuple, il sortit de Rome la nuit, s'enfuit et se retira en Toscane. Les tribuns, ayant appris sa fuite, exigerent l'amende avec tant de rigueur et de dureté, que Quintius, pere de Ceson, après avoir vendu la meilleure partie de son bien, fut contraint de se reléguer dans une méchante chaumiere qui étoit au delà du Tibre; * et on vit cet illustre consulaire réduit à cultiver de ses propres mains cinq ou six arpens de terre, qui com

* D. Hal. 1. 10, pag. 633.

An de Rome

292.

An

de Rome 293.

posoient alors tout son bien, et qu'on appella depuis de son nom, les prés quintiens.

Après l'exil de Ceson, les deux tribuns se crurent victorieux du sénat, et se flattoient de voir la loi bientôt établie : mais comme cette affaire regardoit presque tous les grands, la noblesse s'unit encore plus étroitement depuis la disgrace du fils de Quintius; et sitôt qu'on proposoit la publication d'un corps de droit, on voyoit s'élever, pour ainsi dire, mille Cesons, qui tous s'y opposoient avec la même intrépidité. Le temps d'élire de nouveaux consuls étant arrivé, le sénat et les patriciens, de concert, firent tomber cette dignité à C. Claudius Sabinus, frere d'Appius dernier mort; parce que, sans avoir rien de sa dureté et de ses manieres hautaines, il n'étoit pas moins attaché aux intérêts de son ordre. On lui donna pour collegue P. Valerius, qui, entrant dans son second consulat, fut nommé pour premier consul dans cette élection.

An de Rome

Les tribuns s'apperçurent bien, par ce concert de toute la noblesse, que quand "293." même, par différentes accusations, ils feroient périr tous les ans quelque patricien, ils ne viendroient pas à bout d'un corps où il y avoit autant d'union que de pouvoir. Ainsi, sans s'arrêter davantage à persécuter et à mettre en justice ceux des patriciens qui se signaloient davantage par leur opposition à la loi, ils formerent secrettement l'affreux dessein de faire périr tout d'un coup la meilleure partie du sénat, et d'envelopper dans leur ruine tous les patriciens qui leur étoient odieux et suspects par leur crédit ou par leurs richesses. Pour faire réussir un si détestable projet, leurs émissaires répandirent d'abord parmi le petit peuple des bruits sourds, qu'il se formoit secrettement de grands desseins contre sa liberté. Ces bruits vagues et incertains, passant de bouche en bouche, se chargeoient de nouvelles circonstances toutes plus funestes les unes que les autres,

« AnteriorContinuar »