Imágenes de páginas
PDF
EPUB

An

311.

blique lui entretenoit ; et le simple ci-
toyen, par la peur d'être rayé de sa
classe, et réduit dans la derniere, ou
du moins dans une des centuries moins
honorable la sienne. En sorte que
que
cette crainte salutaire étoit le soutien
des loix somptuaires, le nœud de la
concorde, et comme la gardienne de
la modestie et de la pudeur.

La république, à la faveur de ce noude Rome vel établissement, jouit, sous le consulat de M. Fabius et de Posthumius AEbutius, d'une profonde tranquillité. Ce n'est pas que quelques tribuns du peuple, toujours inquiets, ne tâchassent depuis de faire revivre les anciennes prétentions du peuple touchant le partage des terres : ils menaçoient même à leur ordinaire, de s'opposer à toute levée de soldats. Mais comme on n'avoit point alors de guerre à soutenir, on méprisoit une opposition que la paix rendoit inutile et sans effet; et l'autorité du sénat se fortifioit d'autant plus, que ce premier ordre de la république

se pouvoit passer alors du secours du peuple.

An

313.

Tout étoit tranquille, lorsque l'année suivante, d'autres disent deux ans de Rome après, et sous le consulat de Proculus Geganius Macerinus, et de L. Menenius Lanatus, il survint une famine affreuse, qui causa des séditions, à la faveur desquelles un particulier fut à la veille de s'emparer de l'autorité souveraine. Le sénat attribuoit cette disette de grains à l'oisiveté et à la paresse des plébéiens, qui, enivrés des harangues séditieuses des tribuns, ne sortoient plus de la place, et qui, au lieu de cultiver leurs terres, passoient le temps à faire de vains raisonnemens sur les affaires d'état. Le peuple, au contraire, qui se plaint toujours de ceux qui sont chargés du gouvernement, rejettoit la cause de cette famine sur le défaut d'attention des consuls. Mais ces magistrats, sans

* Tit. Liv. 1. 4, cap. 13. D. Aug. de civ. Dei, 1. 1, c. 17.

An

de Rome

313.

s'embarrasser des murmures de la mul-
titude, prirent tous les soins convena-
bles pour
faire venir des bleds du de-
hors, et ils en donnerent la commis-

sion à C. Minucius.

.

Ce sénateur, actif et vigilant, envoya des commissionnaires dans toute la Toscane; mais il ne put tirer par leurs soins qu'une petite quantité de bled. Un chevalier romain, appellé Sp. Melius, et qui passoit pour un des plus riches particuliers de la république, l'avoit précédé dans cette recherche, et avoit fait enlever la plus grande partie des grains de cette province.

Ce chevalier, encore plus ambitieux que riche, s'étoit flatté que dans une calamité si générale, le peuple feroit bon marché de sa liberté. On distribuoit tous les jours, par son ordre, du bled au petit peuple et aux plus pauvres ; et par une libéralité toujours suspecte, sur-tout dans une république, il se fit des créatures de tous ceux qu'il nourrissoit à ses dépens; sa maison fut bien

tôt l'asyle des pauvres, des fainéans de ceux qui s'étoient ruinés par la débauche', et de ces gens qui, sans aucun sentiment d'honneur et de religion, voudroient voir l'état bouleversé, pourvu qu'ils y trouvassent l'établissement d'une fortune plus avantageuse que leur condition présente.

Minucius, qui, par rapport à la commission dont les consuls l'avoient chargé, ne pouvoit se dispenser d'avoir quelque relation, soit par lui-même, soit par ses agens, avec ceux de Melius démêla que cet ambitieux, qui seul nourrissoit gratuitement autant de pauvres que tout l'état, se servoit du prétexte de cette aumône publique, qui attiroit une foule de peuple à sa porte, pour faire des assemblées dans sa maison. Des gens, que Minucius avoit apparemment gagnés, l'avertirent même qu'on y portoit de nuit une grande quantité d'armes.

Il apprit ensuite qu'il y avoit une conspiration formée pour changer la

An de Rome

313.

1

An

de Rome

314.

forme du gouvernement; que le plan en étoit tout dressé; que Melius prétendoit se faire souverain; que le peuple, séduit par ses libéralités intéressées, prendroit les armes en sa faveur, et qu'il y avoit même des tribuns qui s'étoient laissés gagner par argent pour vendre la liberté publique.

Minucius, ayant découvert tout le secret de cette conjuration, en donna aussitôt avis au sénat. On fit de grands reproches aux consuls de l'année précédente, et à T. Quintius Capitolinus et à Agrippa Menenius Lanatus, qui venoient de leur succéder dans cette dignité, de n'avoir pas prévenu et puni les mauvais desseins de Melius. Quintius répondit que ses prédécesseurs, son collegue et lui-même, ne manquoient ni de courage, ni de fermeté pour punir un attentat si énorme; mais qu'on n'ignoroit pas que l'autorité consulaire étoit comme anéantie par la puissance excessive qu'avoient usurpée les tribuns; qu'un appel devant le peuple

[graphic]
« AnteriorContinuar »